Comment comprendre le burn-out chez les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance ?

https://dubasque.org/comment-comprendre-le-burn-out-chez-les-travailleurs-sociaux-de-la-protection-de-lenfance

Vous le savez, la pratique du travail social, en particulier dans le domaine de la protection de l’enfance, peut être à la fois gratifiante et épuisante. Les travailleurs sociaux sont souvent confrontés à des situations complexes et stressantes, ce qui peut conduire à un épuisement professionnel, que l’on appelle plus communément le « burn-out ». Cependant, malgré cette réalité, de nombreux travailleurs sociaux continuent de trouver un sens et une satisfaction dans leur travail. Comment est-ce possible ? Une étude menée en 2015 au Royaume-Uni apporte un éclairage sur cette question.

Un fléau silencieux

Selon une revue systématique de la littérature menée par McFadden, Campbell et Taylor, le burn-out est un problème courant chez les professionnels de la protection de l’enfance. Cependant, cette étude a également révélé que certains travailleurs sociaux sont plus capables que d’autres de résister à l’épuisement professionnel grâce à une combinaison de facteurs individuels et organisationnels.

Par exemple, l’étude a montré que les travailleurs sociaux qui ont une histoire personnelle d’abus ou de maltraitance peuvent être particulièrement motivés pour entrer dans les professions d’aide et de soins. De nombreuses motivations parfois cachées  – c’est mal vu – prennent leur source dans une enfance malheureuse qui a été surmontée. Cette expérience personnelle peut aider ces travailleurs sociaux  à mieux comprendre celles et ceux qui sont victimes de violences. Cependant, cette même expérience peut aussi dans le même temps augmenter leur risque de burnout. Comme le soulignent les chercheurs, il est essentiel que les organisations de travail développent des stratégies pour renforcer en priorité la résilience chez ces professionnels. Mais a-t-on envie d’ajouter, tous les travailleurs sociaux sont concernés avec en première ligne celles et ceux qui les encadrent.

Ce n’est pas chose facile. Seuls les encadrements de proximité lorsqu’ils sont bienveillants et font preuve d’une grande discrétion peuvent déceler et comprendre ces mécanismes qui mettent leurs subordonnés en risque. J’ai pu ainsi dans mon passé d’encadrement recueillir des confidences de travailleurs sociaux qui m’ont conduit à les orienter dans une démarche de soin pour eux même. En effet peut-on aider efficacement une personne quand on est trop peu détaché de sa propre histoire au point de la projeter dans un accompagnement ?

En fait avoir vécu un drame personnel est en soi une force et une fragilité. Une force lorsque l’on a en quelque sorte digéré ce que l’on a vécu. Mais une fragilité lorsque la situation rencontrée réactive une blessure profonde qui s’était estompée au fil du temps. Cela nécessite une capacité de prendre du recul pour le professionnel qui identifie alors ses sentiments et les relient à ce qu’il a déjà vécu. Une supervision (hors institution mais financée par elle) pourra  lui être très bénéfique.

Il faut alors que celle ou celui qui est émotionnellement atteint puisse aussi passer le relai sans qu’il le vive comme un échec. Même si la situation aboutit de façon satisfaisante, le stress généré par les interactions marquera le professionnel. Cette montée d’émotions s’ajoutera à d’autres et contribuera à renforcer le risque de burn-out.  Je m’égare un peu en écrivant cela mais cela me parait important pour la prévention des risques psycho sociaux comment on les nomme.  Mais revenons au travail de recherche.

La formation continue permet de rester dans le métier

Une autre étude a également révélé que la formation initiale et continue joue un rôle crucial dans la prévention du burnout. Par exemple, une ancienne étude à grande échelle menée par Rosenthal en 2006 a montré que la participation à des programmes de formation continue en travail social permettait de rester plus longtemps sans développer de désir de quitter le métier. Là aussi cela peut facilement s’expliquer. La société évolue, les problèmes sociaux auxquels sont confrontés les professionnels aussi. Sans formation on peut rapidement se sentir dépassé ou appliquer certaines « recettes  » qui ne sont plus vraiment pertinentes (bien qu’il existe des invariants).

Si tout change trop vite certains estiment qu’ils sont dépassés. Or ce ne sont pas toujours celles et ceux qui estiment l’être qui le sont. Certains professionnels qui ne se posent jamais de questions et sont inscrits dans leurs certitudes peuvent tout autant sinon plus être à côté de la plaque. Or la formation continue permet de s’interroger sur ses pratiques sans pour autant se sentir menacé. Mais le problème est qu’il y a des travailleurs sociaux qui ne se forment plus après avoir obtenu leur diplôme. Eux aussi risquent de vivre le burn-out d’autant qu’ils sont tout autant impliqués dans leur travail que d’autres.

En plus de la formation, l’étude avait aussi identifié plusieurs stratégies d’adaptation que les travailleurs sociaux utilisent pour pouvoir répondre aux exigences de leur travail. Ces stratégies se traduisent par le développement de compétences dites de terrain par l’expérience et le vécu à travers une pratique sans cesse renouvelée. Cela permet  l’acceptation des risques, contribue à la recherche de sens et permet d’anticiper face aux situations inattendues.

Les travailleurs sociaux peuvent aussi garder en tête qu’ils ne peuvent pas tout. Le syndrome du sauveur finalement inscrit dans une toute puissance peut aussi être très déstabilisants. Il y a des pratiques qui permettent de l’éviter. Cela conduit à avoir des attentes réalistes. Ces professionnel(le)s  acceptent d’être soutenus auprès des autres. Ils maintiennent une vie importante en dehors du travail tels des engagements familiaux, associatifs, dans le sport, la culture, ou le militantisme syndical et associatif.

Ils font spontanément appel à des pratiques qui les aident à prendre de la distance. Ils développent une forme d’apprentissage par le partage et de conscience de soi. Ainsi, un travailleur social peut faire appel à ses compétences d’investigation pour recueillir des informations sur la situation d’un enfant, puis utiliser ses compétences interpersonnelles pour établir une relation de confiance avec l’enfant et sa famille. Il peut également chercher du soutien auprès de ses collègues et de ses superviseurs lorsqu’il est confronté à des situations particulièrement délicates.

Une problématique qui contribue à quitter la profession

Cependant, malgré l’utilisation de ces stratégies d’adaptation, aucun travailleur social investi n’est à l’abri du burnout. Comme le souligne l’étude, les organisations doivent en faire plus pour soutenir leurs professionnel(le)s et agir préventivement. Cela demande des ressources supplémentaires, la réduction de la charge de travail, l’amélioration des conditions de travail, et la promotion d’une culture organisationnelle qui valorise et soutient les travailleurs sociaux. Nous en sommes malheureusement encore loin dans de nombreux services

En conclusion, le burn-out est un problème majeur pour les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance. Cette réalité contribue à ce que de nombreux professionnels engagés et initialement motivés quittent leur métier pour se recycler ailleurs. Leur santé est en jeu tout comme leur équilibre. On comprendra alors que de simples aménagements ne suffiront pas à aller contre la baisse d’attractivité du métier

Cependant, avec le bon soutien et les bonnes ressources, il est possible de prévenir le burn-out.  Soutenir la résilience des travailleurs sociaux ne peut suffire. Si nous voulons que les choses changent, il faut non seulement améliorer les conditions de travail mais aussi la façon de d’aborder les situations en apprenant non seulement à faire confiance aux familles mais aussi aux professionnels qui les aident.

 

 


Lire aussi

 

ainsi que sur ce blog

 


Photo en une : Pixabay

Articles liés :

2 Responses

  1. J entends une injonction contradictoire qui éclaire sa propre dynamique.
    Si on rajoute l absence déterminante de supervision et de l analyse du raisonnement clinique(commande institutionnelle y compris dans les centres de formations, conf RBP et referentiels) alors l épuisement est structurant.
    Une capsule vidée de sens.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.