Ce témoignage est celui d’un professionnel de l’aide qui témoigne de façon anonyme dans The Gardian un journal britannique qui avait ouvert il y a quelques années une plate forme traitant du travail social sur son site internet. Il nous parle de son burn-out ou si vous préférez de son usure professionnelle…
« J’ai quitté le secteur de l’action sociale complètement épuisé, « grillé » en me demandant pourquoi cela n’allait plus du tout. J’ai une certitude : il faut en faire plus pour soutenir les professionnels du travail social… J’ai commencé ma carrière dans le secteur bénévole comme un travailleur social il y a environ 10 ans. Nouvellement diplômé, j’avais été recruté suite à une offre d’emploi au sein d’une auberge de jeunesse, qui payait juste au-dessus le salaire minimum. A l’époque je n’aurais pas pu être plus heureux. Après une décennie et un certain nombre de postes similaires, j’ai travaillé ces dernières années avec des femmes victimes de traumatismes. J’ai quitté ce dernier travail complètement épuisé. Comment ma vision a-t-elle pu changer à ce point ?
Je ne me demande pas si j’aurais dû agir de façon différente. Je ne me souviens plus des noms et des histoires des centaines de personnes avec qui je travaillais, et comment je les ai prises en charge, aidées et soutenues. Au fil des ans, j’ai développé de fortes limites, mis en œuvre des stratégies positives d’adaptation et de résilience émotionnelle. Mais, la conjonction entre un environnement de travail difficile, la fatigue de compassion et le recueil permanent des traumatismes ont provoqué ma perte de tout plaisir dans le travail.
N’importe qui, dans les professions d’aide prend un risque d’avoir à faire face à une fatigue de la compassion, un épuisement physique et émotionnel. On se trouve alors avec une capacité réduite à faire preuve d’empathie. Il est inévitable que le travailleur social soit traversé par des sentiments lui permettant de survivre au travail – Il faut sans cesse être confronté à l’anxiété, la peur, la tristesse, la colère ou l’impuissance à agir. Au fil du temps, un travailleur social peut commencer à éprouver les mêmes symptômes que ceux de la personne qu’il soutient. Cela l’affecte physiquement, émotionnellement, mentalement et agit même sur sa sexualité. »
Toutes ces rencontres ont eu un impact indirect sur ma vision du monde. Personnellement j’ai toujours voulu avoir une famille, mais j’ai commencé à en douter notamment sur le fait de savoir si je voulais avoir des enfants dans un tel monde. Bien que j’ai tout fait pour gérer les symptômes qui arrivaient, l’épuisement professionnel fut pour moi, inévitable.
Ce type de traumatisme indirect ne se produit pas dans le vide. J’ai vécu des expériences de travail de plus en plus difficile de part ma propre frustration face aux mesures d’austérité que nous subissons tout comme le public que nous accompagnons. Il est devenu presque impossible de garantir les droits personnes soutenues. Presque tous les échanges avec les services sociaux de l’État, le logement, les équipes de santé mentale et de la police étaient devenus des batailles. De plus, les structures pour lesquelles j’ai travaillé étaient toutes sous contrainte, avec des compressions de budget. Il était de plus en plus demandé au personnel de travailler dans des conditions moins qu’idéales.
Cependant, j’ai trouvé choquant l’absence de prise en compte par mon employeur de l’impact des traumatismes des personnes sur le bien-être personnel des travailleurs sociaux. Le manque de moyens financiers a justifié le manque de soutien des professionnels sur la question de leur bien-être. Pourtant il existe de nombreuses approches peu coûteuses pour prendre en compte cette réalité. Il y a encore du chemin à faire pour comprendre la nécessité d’agir préventivement pour chercher à annuler les effets du traumatisme indirect et de l’épuisement professionnel. La culture de l’écoute, de l’ouverture, de la non-culpabilité et d’empathie n’est pas en œuvre dans nos organisation de travail ( ironiquement je dirais que cette approche était professée en direction des usagers par mon ancienne direction qui n’a à aucun moment pris cette dimension en direction des ses propres professionnels).
Pour conclure de façon positive, je dirais que toute mesure mise en place pour soutenir le bien être des travailleurs sociaux et des aidants ne peut qu’avoir un impact positif sur le travail qui est effectué. Certains s’en préoccupent heureusement. Il est logique effectivement que nous ne soyons pas indemne de toute cette souffrance que nous recueillons. Tout travail de prévention et prise en compte aura aussi pour effet d’améliorer la réputation de nos organismes employeurs. Il est essentiel que nos organisations prennent en compte aussi pour leurs salariés ce qu’ils préconisent peur les usagers des services sociaux : de l’écoute et de la bientraitance. C’est le moins que l’on puisse en attendre.
Note 1 : cet article est une traduction libre du témoignage d’un travailleur social intervenant dans le secteur associatif en Angleterre ; Les partenaires, les modes d’intervention sont différents au Royaume Uni et en France notamment dans le cadre des partenariats ( par exemple le travail avec la police est particulièrement développé.) et de l’organisation même des services sociaux.
Note 2: pendant mes congés, je vous propose une rediffusion de certains articles « réactualisés »: celui-ci avait été initialement publié le 4 février 2015
Une réponse
Bonsoir tout à fait d’accord avec l’ensemble du témoignage je suis éducatrice spécialisée et j’hallucine chaque jour de ce que je suis amenée à vivre au travail …de plus en plus borderline et dur un fil rouge …si je reste préoccupée par l’autre il n’en demeure pas moins que je m’inquiète fortement pour ma santé…