On parle très peu du service social hospitalier dans la presse. Il a pourtant un rôle essentiel dans des moments de la vie où la maladie nous frappe. Il est alors particulièrement présent dans l’accompagnement des patients et de leurs proches dès lors que des problèmes d’autonomie ou de précarités sont décelés.
Présentes dans chaque unité de soins, les assistantes sociales sont là pour informer, écouter, orienter et soutenir les personnes confrontées à la maladie et à l’hospitalisation. Ce n’est pas une mince affaire. Leur mission est vaste et multiforme. Elles interviennent pour faciliter le parcours de soins. Elles en assurent le lien entre l’hôpital et l’environnement extérieur. Elles aident à l’accès aux droits, à l’organisation de la vie quotidienne et à la préparation de la sortie qui prend de plus en plus de place.
Ces professionnelles ont le sentiment d’être là pour permettre que les lits se libèrent de plus en plus vite quoi qu’il arrive. Or ce n’est pas leur mission première. C’est aux besoins de la personne que ces professionnelles se réfèrent, ce qui peut créer des incompréhensions, voire des tensions parfois au sein des équipes de soignants.
Leur expertise en sciences humaines et sociales, leur connaissance des dispositifs et des acteurs du champ médico-social leur permettent d’aider les usagers à gérer au mieux les incidences de la maladie. Ces professionnels sont aussi là pour vous rassurer et redonner espoir quand on est en quelque sorte en situation de grande fragilité face à la maladie.
Le service social hospitalier s’organise autour d’une équipe pluridisciplinaire. Il est composé d’assistants sociaux, de cadres socio-éducatifs et de personnels administratifs. Ils travaillent en étroite collaboration avec les équipes soignantes, dans le cadre de projets élaborés avec le patient et son entourage. La priorité est de veillant à préserver ou restaurer son autonomie de la personne. C’est en tout cas ce qui est annoncé, mais parfois, la distance est grande entre les principes et la réalité.
Leur intervention peut être sollicitée à différents moments du parcours : lors d’une consultation externe, à l’admission dans un service, pour une hospitalisation, ou encore à la demande du patient lui-même, de son entourage ou des partenaires. Ils sont particulièrement mobilisés dans les situations complexes, lorsque la maladie vient fragiliser un équilibre déjà précaire.
Pour une plus grande humanisation des soins
Au-delà de l’accompagnement individuel, ce service social si particulier a aussi pour mission de sensibiliser les professionnels de santé aux problématiques sociales. Et cela n’est pas toujours évident. La dimension sociale n’est pas toujours prise en compte par les soignants qui n’ont à priori pas envie d’en entendre parler. Il faut alors que le service social puisse prendre sa place et soit reconnu. Il contribue à l’humanisation des soins et à la prise en compte de la personne dans sa globalité.
Dans les situations de fin de vie, le rôle du service social est particulièrement délicat et précieux. Il s’agira alors d’accompagner le patient et ses proches dans leur projet, qu’il s’agisse d’intégrer une unité de soins palliatifs, d’organiser une hospitalisation à domicile ou encore un rapatriement sanitaire pour les patients étrangers ou d’Outre-mer. Il faut beaucoup de tact et de professionnalisme pour accompagner les familles et les malades quand le diagnostic annonce une fin de vie. Tout est normalement mis en œuvre pour respecter les choix du patient et lui permettre de bénéficier de la présence et du soutien de ses proches.
Un certain manque de reconnaissance
Cependant, la profession est confrontée à de nombreuses difficultés. Les restrictions budgétaires et les réformes managériales ont mis à rude épreuve leurs conditions de travail et leurs perspectives de carrière. Leur rémunération n’est pas à la hauteur des services rendus.
En début de carrière, une assistante sociale hospitalière perçoit un salaire brut mensuel compris entre 1.800 et 2.000 euros. Cela correspond à un salaire net mensuel d’environ 1.482 à 1.600 euros. Certains salaires sont donc supérieurs de 85€ nets par mois par rapport au SMIC, ce qui est peu motivant quand on a un niveau d’études à Bac + 3
Parfois, c’est le manque de clarté dans la définition de leurs rôles au sein des équipes médicales qui est pointé du doigt. La tendance est de charger les professionnelles de tâches administratives. De plus, les travailleurs sociaux doivent composer avec des enjeux éthiques de plus en plus complexes, notamment dans l’accompagnement des patients en fin de vie. La pandémie de COVID-19 a exacerbé ces dilemmes, tout en mettant en lumière le rôle crucial des intervenants psychosociaux dans la gestion de crise.
Ce service spécialisé souffre d’un manque de reconnaissance et de visibilité au sein de l’hôpital. À l’image de leurs collègues de l’Éducation Nationale, Les professionnelles communiquent peu sur leurs conditions de travail ou sur leur quotidien dans leurs pratiques d’accompagnement. C’est très regrettable et cela ne contribue pas à une meilleure reconnaissance de la profession.
En outre, le désintérêt des directions des hôpitaux pour leur service social peut être attribué au fait que les actes sociaux ne sont pas directement pris en compte dans la Tarification à l’Activité (T2A). La T2A est un système de financement des établissements de santé qui repose sur la valorisation des actes médicaux et des séjours hospitaliers, mesurés par des Groupes Homogènes de Malades (GHM) et des actes médicaux classants. Les activités non médicales, comme le service social, ne génèrent pas de revenus directs pour l’hôpital. Or aujourd’hui encore, les établissements hospitaliers sont incités à augmenter les activités qui sont bien rémunérées par la T2A, au détriment des activités moins rémunératrices ou non rémunérées, comme les services sociaux. Cela peut conduire à une priorisation des ressources et des efforts vers les activités qui contribuent directement au financement de l’hôpital.
Quelles perspectives ?
Le service social hospitalier demeure un acteur incontournable pour humaniser les soins et promouvoir la justice sociale au cœur des établissements de santé. Malgré les freins à sa reconnaissance, il continue de se réinventer pour répondre aux besoins complexes des patients et de leurs familles, tout en portant haut les valeurs de respect et de solidarité qui fondent la profession.
Mais le service social hospitalier en France est à un tournant de son histoire. Les évolutions récentes du système de santé, marquées par une technicisation et une spécialisation croissantes, interrogent la place et le rôle des travailleurs sociaux au sein des établissements. Pour faire face à cette évolution, la profession devra faire preuve d’adaptation et de créativité, tout en réaffirmant son identité et ses valeurs propres.
L’avenir du service social hospitalier passera nécessairement par un renforcement de son ancrage sur le terrain. En développant des partenariats étroits avec les acteurs de la ville et du médico-social, les travailleurs sociaux pourront contribuer à la construction de parcours de soins plus fluides et mieux coordonnés. Le développement de la recherche en travail social, pourrait être aussi un levier essentiel pour faire progresser les pratiques et asseoir la légitimité de la profession.
En communiquant sur son travail et ses réussites, en renforçant son ancrage local et le partenariat, le service social hospitalier pourra continuer à jouer un rôle majeur dans la promotion d’une approche globale et humaniste des soins, au service des patients et de leurs familles. Mais pour tout vous dire, ce n’est pas gagné.