Dany Bocquet, conseillère technique de service social, docteure en sociologie, nous a rappelé hier qu’il existe dans chaque Centre Régional des Oeuvres Universitaires (CROUS) un service social en faveur des étudiants. Leurs missions sont énoncées dans une circulaire du 03 février 2014. Elle rappelle les fondamentaux de ce service et invite les professionnel(le)s à se mobiliser auprès des étudiants en détresse en faisant appel aux méthodes de travail social avec les groupes.
Un petit rappel
L’assistant de service social qui intervient dans les CROUS est « chargé d’apporter écoute, conseils et soutien aux étudiants […] ayant des difficultés économiques, sociales, ou psychologiques pour favoriser leur réussite individuelle et sociale ». L’insertion dans le parcours d’études et la réduction des inégalités doit faire l’objet d’une attention particulière. Cette nouvelle version des missions met aussi l’accent sur le travail auprès des groupes : outre des actions individuelles le service social met en œuvre des actions collectives de prévention des risques psychosociaux.
Un système d’aide mutuel
En travail social « Le groupe est défini comme un système d’aide mutuelle. Cette définition valide l’existence d’une structure collective de personnes aux problématiques communes, réunies par un professionnel du social, dans un organisme, en accord avec l’utilisation de cette modalité d’action ».
Cette définition est intéressante. Elle retient les notions d’aide mutuelle, de problématiques communes. Notons que l’utilisation de cette modalité d’intervention est non seulement prévue par la circulaire des missions des assistants sociaux, mais aussi qu’il fait partie des techniques enseignées durant leur formation. Enfin la souffrance psychique est une difficulté partagée par les étudiants actuellement. Il faut la prendre en compte.
Mais il existe des limites. Le travail social de groupe requiert des compétences spécifiques qui doivent faire l’objet d’un apprentissage. « La compétence requise pour travailler tant avec le groupe qu’avec chacun de ses membres conduit le responsable du groupe à créer les conditions du développement de l’aide mutuelle » (1).
Au sein du groupe les personnes décident ensemble de s’aider les unes les autres pour transformer leurs conditions de vie sociale individuelle. Cette mise en commun à partir des échanges, de la circulation de la parole va permettre individuellement et collectivement de trouver des solutions à la situation problème, de mutualiser savoirs et compétences pour se soutenir.
« L’idée de base du travail social avec les groupes est que les membres peuvent, à la fois s’aider eux-mêmes et s’aider les uns les autres, en échangeant des idées, des suggestions et des solutions, en partageant des sentiments et des informations, en comparant des attitudes et des expériences et en développant leurs relations ». Les étudiants volontaires réunis par l’assistant social au sein d’un groupe de 10 à 12 personnes vont interagir en partageant leur expérience des conséquences engendrées par la pandémie. Le processus d’aide mutuelle qui va se développer avec l’appui du travailleur social est l’un des moteurs principaux de l’orientation des changements qui vont alors se produire (2).
Le travail social de groupe pour qui ?
Bien entendu, le travail social de groupe ne saurait se substituer à l’action des médecins psychiatres et des psychologues. Comme le souligne Myriam Riegert « Pour certains jeunes, la crise sanitaire est un déclenchement. Elle provoque du stress, de la dépression, ou des pathologies psychiatriques qui étaient déjà sous-jacentes mais qui se révèlent lors de cette période, comme la bipolarité et la schizophrénie.
Pour d’autres étudiants, le contexte très anxiogène du confinement accentue leurs fragilités antérieures. Ils avaient déjà besoin d’appui et se sentent encore plus vulnérables ». Pour autant, tous les étudiants ne relèvent pas de soins médicaux. Certains ont besoin de retrouver du lien social et de partager. Que l’intervention de l’assistant de service social soit à dimension individuelle ou collective, sa démarche diagnostique relève des principales compétences qu’il met en exergue dans son expertise. L’orientation vers un service spécialisé est depuis toujours intégré aux pratiques du service social, orientation qu’il faut souvent longuement préparer tant les résistances à une consultation psychologique sont fortes chez certains.
La pratique du travail social de groupe comme mentionné ci-dessus nécessite d’y être préparé. La formation initiale, appuyée par une expérimentation de terrain dans le cadre d’un stage quelques fois, ne suffit pas pour être en compétence d’animer un groupe. Le service qui souhaite développer cet outil doit souvent prévoir préalablement une formation. Cela nécessite un budget et un consensus, et cela demande de libérer du temps.
Le travail social de groupe doit être pratiqué au sein d’un service avec régularité afin que les professionnels puissent eux aussi mutualiser leurs expériences. Les modèles en travail social se construisent à partir des pratiques, alimentées par des supports théoriques et par une certaine systématisation de ces pratiques. Ainsi, lorsque des groupes constituent des champs de pratiques inhabituels les travailleurs sociaux élaborent de nouveaux modèles. Les modèles aident à conceptualiser, à faire évoluer les méthodologies d’intervention, à faire émerger de nouveaux concepts.
Les savoirs professionnels se sont historiquement construits à partir de la recherche sur les pratiques (3). Pour cela il faut donner du temps à la réflexion pour un agir partagé, alors que la plupart des professionnels du secteur social œuvrent dans l’urgence, ou la surcharge.
Le service social aux étudiants pourrait intégrer la liste des écoutants à condition d’être mieux formé aux techniques de groupe, et d’être mieux équipé en personnel. Il pourrait ainsi apporter une contribution déterminante pour l’amélioration de la santé psychique des étudiants.
Dany Bocquet
conseillère technique de service social
docteure en sociologie
retraitée
Télécharger ici le texte initial de Dany Bocquet
lire aussi
- Le travail social avec les groupes : le parent pauvre de l’intervention collective en France et c’est bien dommage….
- Témoignage : quand une action collective en travail social rencontre une situation individuelle.
- Les 7 éléments permettant de réussir et de développer une action collective en travail social ( mais aussi ailleurs.. )
- Visiter le site de l’Association Nationale pour le Travail Social avec des Groupes et des interventions sociales collectives
Notes :
(1) et (2) H. Massa, Le Travail Social avec des Groupes, Dunod, 2001, pp. 161.
(3) C. Manson-Lassalle, http://www.antsg.eu/travail-social-avec-les-groupes/