En tant qu’auteur du tout nouveau Guide pratique des écrits professionnels en travail social, je souhaite vous faire partager mon intérêt sur l’importance de maîtriser l’écriture dans notre domaine. Loin d’être une simple formalité administrative, l’écriture professionnelle est en effet un outil puissant qui structure notre pensée, documente nos interventions et assure la transparence de nos actions. Ce guide est d’ailleurs conçu pour vous accompagner dans le développement de cette compétence essentielle.
L’écriture : un outil de réflexion et de communication
L’écriture professionnelle dans le travail social va bien au-delà de la simple rédaction de documents. Elle est un moyen de réflexion critique qui permet aux professionnels de prendre du recul sur leurs pratiques, d’analyser les situations rencontrées et d’articuler leurs interventions.
Elle soulève également des questions d’identité professionnelle : comment légitimer ce que l’on écrit ? Quelles sont les implications éthiques et déontologiques de nos écrits ? Mon guide aborde ces questions. Il tente d’apporter une compréhension approfondie des enjeux liés à l’écriture dans notre secteur.
Se former à l’écrit : une nécessité pour les travailleurs sociaux
La formation à l’écrit est un aspect très important du cursus des travailleurs sociaux. Cependant, cette formation initiale ne peut suffire. Il faut sans cesse pouvoir s’interroger sur sa pratique rédactionnelle. Au fil de vos activités, vous êtes sans cesse invité(e) à écrire en donnant à voir une pratique réfléchie sur le terrain. Chaque situation étant singulière. C’est pourquoi la qualité de votre rédaction peut être différente d’une situation à une autre. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a des situations qui vous engluent qui vous empêchent d’avoir une vision claire. Comment écrire alors quand on est traversé par des idées contradictoires, des doutes, ou que l’on a, tout simplement, du mal à prendre de la distance avec ce qui se passe ?
On peut aussi être envahi par des émotions au point de ne pas parvenir commencer son écrit et à le structurer. J’ai connu une collègue qui était systématiquement bloquée pour entamer un rapport d’évaluation dès qu’il s’agissait de protection de l’enfance. Elle faisait face à un tel syndrome de la page blanche qu’elle remettait toujours au lendemain l’écrit qu’elle devait produire. Cette collègue m’a permis de comprendre ce qui se passait pour elle. Je lui avais proposé une méthode qui avait fonctionné pour elle. C’est pourquoi je vous propose dans le guide une façon vous permettant d’éviter d’être confronté(e) à ce syndrome de la page blanche qui reste très gênant.
Mon guide vous propose une approche structurée avec plusieurs types d’écrits professionnels. Il vous permettra de clarifier les attentes de vos interlocuteurs et des personnes accompagnées. Bien évidemment, il s’agit d’améliorer la qualité des documents que vous produisez. Car vous êtes conduit(e) à écrire sous de multiples formes. J’en ai retenu plusieurs.
Ce guide explore en détail neuf grands types d’écrits professionnels en travail social : la note personnelle, le compte rendu d’entretien, le compte rendu de réunion, l’écrit lié à un dispositif d’aide sociale, le rapport d’évaluation ou le rapport de situation qui reste un élément central, la note d’actualisation d’un rapport, le cahier de transmission ou de liaison sans oublier cet écrit particulier qu’est le projet pour l’enfant. Enfin, dernier type d’écrit et non des moindres : la rédaction des messages électroniques (les courriels) qui font partie de votre quotidien.
L’écriture comme vecteur de professionnalisation
Écrire dans le cadre professionnel est aussi un acte de communication envers ses collègues, sa hiérarchie, les institutions et les personnes accompagnées. C’est un moyen d’exposer votre compétence. Et si vos écrits sont mal construits, « mal ficelés » avec de multiples détails, cela peut vous nuire. Vous pourrez alors être accusé(e) d’être « incompétent(e) », alors que vous ne l’êtes pas et que votre façon d’être avec les personnes que vous recevez sont remarquables. Vos analyses peuvent être pertinentes mais si elles sont mal formulées à l’écrit, c’est tout un
Le « mal écrire » vous fait entrer dans une catégorie où le doute s’instille à votre désavantage. D’où l’importance de développer des compétences rédactionnelles solides. J’insiste sur la nécessité de comprendre les enjeux liés à l’écrit, d’argumenter un point de vue ou d’élaborer un projet d’intervention.
En effet, les travailleurs sociaux sont parfois isolés face aux exigences rédactionnelles. Le manque de cadre institutionnel peut renforcer ce sentiment d’isolement. Mon guide propose de ne pas rester seul(e) avec vos écrits. L’entraide professionnelle est essentielle. Mais il y a des conditions pour que celle-ci puisse exister. La relecture entre pairs peut vous aider à renforcer vos compétences. De nombreuses institutions ont aussi formalisé les « façons d’écrire ». Un cadre partagé pour structurer l’écriture professionnelle est tout autant important.
Et l’usage de l’intelligence artificielle ?
Tout un chapitre de mon guide aborde ce sujet. En effet, la puissance des « chabots », ces robots qui vous proposent des réponses à toutes les questions que vous posez, ne sont pas sans risques. Ils sont séduisants et en même temps piégeant. Comment les utiliser à votre avantage sans pour autant subir leurs réponses qui ne sont pas toujours pertinentes. Il y a des règles éthiques et déontologiques strictes à respecter. Certaines IA respectent le règlement européen sur la protection des données (RGPD), d’autres pas. Elles captent ce que vous écrivez et les réutilisent. Il faut donc savoir quelle IA est la plus respectueuse du Droit et comment l’utiliser.
Le piège est aussi ailleurs. Utiliser ces outils vous met dans une position « d’assisté » qui, certes, demande moins d’efforts, mais finalement ne vous permet pas de vous améliorer. Vous devenez alors dépendant(e) de la technologie avec des résultats souvent peu probants. L’IA ne saura pas repérer une information principale d’un autre qui est secondaire, voire inutile. Elle mettra tous les aspects de votre récit au même niveau. Si vous souhaitez quand même l’utiliser, il vous faut apprendre à la maitriser en testant ses réponses. Au final, cela peut vous prendre plus de temps et d’énergie que d’écrire directement. Par contre, une fois écrit, votre texte pourra certainement être plus facilement organisé via un usage adapté de l’IA. Je pense que beaucoup d’étudiants l’utilisent déjà. Certains de façon intelligente, d’autres un peu n’importe comment. Très peu en parlent. Il faut ouvrir ce débat.
Conclusion : pour une écriture réfléchie et partagée
Ce guide pratique sera, je l’espère, un outil précieux pour tous les professionnels du secteur social. Il offre des conseils méthodologiques pour améliorer la qualité des écrits professionnels tout en respectant les règles éthiques et déontologiques.
En encourageant une réflexion collective sur la pratique de l’écrit, il invite à repenser cette dimension essentielle du travail social. Écrire tant sur les situations que sur sa pratique restera encore longtemps un vecteur de professionnalisation et d’amélioration continue des pratiques.
C’est pourquoi, je vous invite à découvrir ce guide qui, je l’espère, vous inspirera et vous accompagnera dans votre développement professionnel.
- Guide pratique des écrits professionnels en travail social septembre 2024, Didier Dubasque, Christophe Verron (Préface) | Presses de l’EHESP
- Voir le sommaire du guide
Vous pouvez aussi lire sur le site de Jacques Trémintin une critique de mon guide
Une réponse
Un outil que je vais de ce pas me procurer !
L’écrit fait partie de notre quotidien, mais cela peut être une vraie source d’angoisse, et l’accouchement de la pensée est tellement douloureux !
Un autre enjeux dans les écrits professionnels : les logiciels de suivi d’accompagnement à présent omniprésents dans les structures ! Ces notes en sont d’autant plus compliquées dans le secteur sanitaire avec les dossiers patients informatisés (DPI). Les assistantes sociales sont d’ailleurs très souvent critiquées pour le peu d’information qu’elles y laissent.