Bonjour et bienvenue à cette revue de presse ! Bien que nous soyons en pleine période de fêtes, je garde une pensée à celles et ceux qui travaillent pour la solidarité, l’aide et le soin. Aujourd’hui, nous abordons des sujets qui concernent les plus fragiles de notre société : le RSA et l’accès aux droits. Les résultats de l’évaluation des expérimentations visant à rénover l’accompagnement des allocataires du RSA révèlent des limites importantes en termes de coûts et de mise en œuvre pratique. Il est intéressant de se pencher sur ce qu’en dit cette évaluation. Nous verrons aussi les inquiétudes suscitées par l’intelligence artificielle dans le secteur social et médico-social à travers une interview de Yann Ferguson, directeur scientifique de LaborIA. Enfin, nous nous pencherons sur les enjeux majeurs de l’accès aux droits tels qu’ils ont été décliné lors d’un colloque national organisé le 10 décembre au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle . Installez-vous confortablement et… Bonne lecture !
RSA : une évaluation souligne les progrès et limites de « l’accompagnement rénové »
L’évaluation des expérimentations visant à rénover l’accompagnement des bénéficiaires du RSA révèle des limites importantes, notamment en termes de coûts et de mise en œuvre pratique. La journaliste Catherine Abou El Khair, JGPmedia en a résumé l’essentiel pour la Banque des Territoires. L’un des obstacles identifiés concerne l’entretien d’orientation. Bien que cet exercice soit considéré comme fécond, sa durée moyenne de vingt minutes est jugée insuffisante pour comprendre en profondeur le profil et les difficultés des allocataires. De plus, les décisions d’orientation sont parfois influencées par des facteurs externes, tels que le nombre de places disponibles dans les structures d’accompagnement, plutôt que par la situation réelle de l’allocataire. Ce qui pose quand même question.
La norme controversée des 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires s’avère particulièrement exigeante. L’étude souligne l’absence d’outils partagés et de nomenclatures homogènes entre les structures et les territoires. Les professionnels expriment une certaine insatisfaction quant au temps consacré au reporting, au détriment de l’accompagnement effectif. Certains alertent même sur le risque de donner une place trop centrale à cette norme horaire, qui peut s’avérer inadaptée, voire contreproductive dans certaines situations.
Le coût de l’accompagnement représente un enjeu majeur pour la généralisation du dispositif. L’évaluation montre la difficulté d’appréhender cette question en raison de la diversité des choix locaux et de la complexité des calculs. Pour autant, des estimations ont été réalisées. Pour environ six mois d’accompagnement, les coûts moyens se situent entre 500 et 1 400 euros par parcours, hors actions relevant du droit commun. En intégrant les actions externalisées, le coût peut s’élever jusqu’à 3.000 euros pour des parcours socioprofessionnels intensifs sur une période de neuf mois. À titre d’exemple, pour 2.500 allocataires, la facture pourrait atteindre 5,2 millions d’euros. Les sommes à engager et le personnel à recruter pour ces accompagnements est
Ces chiffres soulèvent des questions quant à la viabilité financière du dispositif à grande échelle. Cela interroge aussi l’efficience des différents types de parcours proposés. L’évaluation met ainsi en évidence la nécessité d’une réflexion approfondie sur l’allocation des ressources et l’optimisation des coûts pour garantir la pérennité et l’efficacité de ces accompagnements dits « rénovés » (lire l’article de la banque des territoires)
Lire aussi à ce sujet
- Evaluation qualitative des expérimentations d’accompagnement rénové du RSA | travail-emploi.gouv
- Synthèse de l’évaluation qualitative
- Premier bilan des expérimentations RSA : quatre alertes pour répondre aux inquiétudes des allocataires | Fondation Jean-Jaurès
- Premier bilan des expérimentations RSA – 4 alertes pour répondre aux inquiétudes des allocataires | Secours Catholique
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- Pour les allocataires du RSA, un inquiétant compte à rebours a commencé | Basta !
- « On est passé de l’accompagnement social au contrôle social » : le département du Nord durcit les règles pour les allocataires du RSA | France 3 Hauts-de-France
« Aux acteurs de cadrer leurs usages de l’IA »
L’intelligence artificielle (IA) fait son entrée dans le secteur social et médico-social, suscitant à la fois des opportunités et des inquiétudes. Yann Ferguson, directeur scientifique de LaborIA, mène une recherche-action en partenariat avec la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) pour explorer les conditions d’utilisation de l’IA dans le travail social. La journaliste Élise Brissaud l’a interrogé pour le magazine Direction[s].
Yann Ferguson explique que l’IA a connu un regain d’intérêt grâce aux progrès de l’apprentissage automatique et à l’explosion des données disponibles. Dans le domaine social, l’IA pourrait libérer du temps aux travailleurs sociaux en prenant en charge certaines tâches administratives. Cependant, son utilisation soulève des questions éthiques, notamment concernant la déshumanisation potentielle des relations avec les personnes accompagnées. « La richesse du travail social est de traiter de l’unique. Rapporter la souffrance humaine à un calcul statistique peut apparaître comme une déshumanisation », souligne-t-il.
La recherche-action menée par LaborIA vise trois objectifs : identifier les opportunités technologiques utiles aux professionnels, acculturer les travailleurs sociaux à l’IA, et établir un cadre éthique pour son déploiement. Yann Ferguson insiste sur l’importance de réintégrer les pratiques liées à l’IA dans une réflexion collective. Il préconise la mise en place régulière de « conflits de qualité », c’est-à-dire des discussions entre pairs sur les critères du « bon travail », afin de maintenir l’intégrité et les valeurs du travail social tout en intégrant l’IA.
Il est essentiel pour lui que les professionnels du secteur social s’emparent eux-mêmes de ces questions. Il leur faut définir comment l’IA peut être utilisée de manière éthique et bénéfique dans leur domaine. Il souligne également la nécessité de prendre en compte les enjeux liés au consentement des personnes accompagnées qui sont rarement voire pas du tout associées aux usages alors que leurs données sont collectées. Il s’intéresse aussi aux biais potentiels des systèmes d’IA. ( Lire l’article sur Direction[s] – abonnés)
Accès aux droits : un défi collectif majeur
Le Média Social vient de publier un compte rendu intéressant du colloque national sur l’accès aux droits organisé le 10 décembre au conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. L’événement, organisé par plusieurs institutions dont la Défenseure des droits et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), visait à trouver des solutions concrètes face au problème du non-recours aux prestations sociales.
La journaliste Aurélie Vion, dans son article, rappelle que le constat est alarmant : des millions de Français éligibles à des aides sociales n’y ont pas recours. Jean-Benoît Dujol, directeur général de la cohésion sociale, a parlé d’un « constat d’échec ». Les raisons sont multiples : méconnaissance des droits, complexité des démarches, dématérialisation, peur d’être stigmatisé. Face à ce phénomène, les participants ont souligné l’importance d’une approche collective impliquant tous les acteurs, y compris les personnes concernées. Chaynesse Khirouni, présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, a insisté : « En matière d’accès aux droits, l’expertise ne doit pas être uniquement académique, professionnelle ou institutionnelle, mais doit venir du terrain. »
Parmi les initiatives évoquées, l’expérimentation « Territoire zéro non-recours » (TZNR) a retenu l’attention. Cette approche proactive consiste à aller vers les personnes qui ne font pas valoir leurs droits, en se déplaçant sur les marchés ou au pied des immeubles. Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, a souligné l’importance du temps et de l’écoute dans cette démarche. D’autres solutions ont été présentées, comme la « solidarité à la source » expérimentée par la Caisse nationale d’allocations familiales, qui vise à simplifier les démarches administratives.
Malgré ces initiatives, le contexte reste préoccupant. Claire Hédon, Défenseure des droits, estime que « nous sommes davantage dans une phase de défense des droits que d’accès aux droits ». Nicolas Duvoux, président du CNLE, parle même d’un « point de bascule » face aux discours de stigmatisation et aux restrictions des droits. La question de l’intelligence artificielle comme solution potentielle a, elle aussi, été abordée, suscitant à la fois espoir et inquiétudes. Claire Hédon qui est loin d’être convaincue par le technosolutionisme et le recours à l’IA a conclu son propos en rappelant l’importance du contact humain : « Quand une personne rencontre une difficulté, elle a avant tout besoin d’un contact humain. » (Lire l’article du Média Social -abonnés)
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Une réponse
Excellentes analyses, la question qui se pose est la où les causes de ces situations.
En tous cas, merci pour ces apports à la réflexion.