La réflexion éthique est un élément crucial dans le champ du travail social. Elle se reflète non seulement dans les pratiques, mais aussi dans les objectifs à atteindre. Elle est similaire à celle de l’éthique de la vie telle que décrite par Paul Ricoeur. Cette vision du bien agir repose sur un triptyque: « 1- une vie bonne, 2- avec et pour les autres, 3- dans des institutions justes ». Le travail social vise à aider les individus à s’adapter mutuellement à leur environnement social grâce à des pratiques professionnelles justes, en agissant avec et pour les personnes dans le cadre de structures qui garantissent le respect de l’intérêt général. Tentons d’aller plus loin sur ce sujet.
La pratique éthique concerne tous les travailleurs sociaux.
On ne peut en faire l’économie dans le champ de la formation. Elle est présente et identifiée dans les référentiels de formation, mais aussi dans la définition du travail social. Pour preuve, Le questionnement éthique est aussi directement abordée dans les définitions des professions du travail social.
Les assistants sociaux : « Dans une démarche éthique et déontologique, il contribue à créer les conditions pour que les personnes, les familles et les groupes avec lesquels il travaille, aient les moyens d’être acteurs de leur développement et de renforcer les liens sociaux et les solidarités dans leurs lieux de vie. »
Les conseillères en économie sociale, familiale : « Son activité vise à soutenir ou à suppléer les fonctions sociales dévolues à l’individu et au groupe familial et à maintenir ou à développer le lien social, dans le respect de l’éthique professionnelle »
Les éducateurs : « L’éducateur spécialisé intervient dans une démarche éthique qui contribue à créer les conditions pour que les enfants, adultes, familles et groupes avec lesquels il travaille soient considérés dans leurs droits, aient les moyens d’être acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie ».
Il est donc logique que la réflexion éthique s’enseigne dans les centres de formation, mais ce n’est pas cela qui garantit la qualité de l’intervention.
Une éthique « élastique » ?
Il est possible que vous ayez l’impression que l’éthique est « élastique » parce qu’elle peut varier en fonction des contextes culturels, des normes sociales et des valeurs individuelles. En d’autres termes, ce qui est considéré comme étant éthique dans une société ou un groupe peut ne pas être considéré comme tel dans un autre. Par exemple, certaines cultures ont des normes de conduite très strictes en ce qui concerne le respect des aînés, tandis que d’autres cultures accordent moins d’importance à cet aspect. De même, ce qui est considéré comme étant acceptable dans une société peut ne pas l’être dans une autre.
Il est également possible que vous considériez que l’éthique est « élastique » parce que les individus ont des valeurs et des convictions personnelles. Elles peuvent influencer leur perception de ce qui est éthique ou non. Certaines personnes peuvent avoir des convictions fortes en matière de justice sociale, tandis que d’autres peuvent privilégier davantage l’individualisme et la liberté personnelle.
C’est pourquoi on ne peut penser la réflexion éthique dans une réflexion de soi à soi. L’humain possède de multiples biais pour considérer que quoi qu’il fasse, ce qu’il fait relève du registre du « bien agir » même si ce n’est pas le cas. La réflexion éthique ne peut qu’être partagée et alimentée par différents points de vue. Le questionnement éthique est collectif et demande écoute de l’autre vet compréhension de différents points de vue. Cette dimension est essentielle.
Des principes éthiques pour la pratique du travail social
Rapidement écrit, voici plusieurs principes éthiques qui visent à conduire l’action de tout travailleur social qui se respecte et qui respecte aussi les personnes qu’ils accompagnent :
- Respect de la dignité et de la valeur de chaque personne : le travailleur social vise à promouvoir le bien-être de chacun et les droits des personnes. Il s’engage à respecter leur dignité et leur autonomie.
- Non-discrimination et égalité : le travailleur social doit être axé sur l’égalité des chances et la non-discrimination. Il doit s’efforcer de répondre aux besoins de tous, sans tenter de catégoriser les personnes ni leur donner un avantage particulier l’une par rapport à l’autre.
- Confidentialité et respect de la vie privée : le travailleur social respecte la vie privée et la confidentialité des personnes. Il ne diffuse pas leurs informations personnelles.
- Responsabilité et transparence : le travailleur social se veut responsable et transparent dans ses actions et ses décisions. En étant responsable envers les personnes qu’il vise à aider, il assume ses actes et peut les expliciter.
- Éthique professionnelle : le travailleur social fait appel à l’éthique de sa profession. Cela passe par le respect de la déontologie et des normes professionnelles établies. (Par exemple le respect du code de déontologie des assistants de service social édicté par l’ANAS)
- Le bien commun : le travailleur social doit viser à améliorer le bien-être de la société dans son ensemble, il cherche à promouvoir l’inclusion sociale avec des pratiques de solidarité. Il est vigilant au respect de l’égalité des opportunités pour tous et notamment les personnes qu’il accompagne.
La réflexion éthique prend en compte la complexité
En fin de compte, la pratique éthique est une pratique qui reconnait la complexité comme une réalité inhérente à la vie. De nombreux facteurs entrent en ligne de compte dans la prise de décision. Cela peut rendre difficile de déterminer ce qui est éthique dans tous les contextes. Cependant, il est important de réfléchir à ces questions et de discuter de ces sujets collectivement, avec d’autres personnes, afin de mieux comprendre les différentes perspectives et de faire des choix éthiques éclairés. Les discussions sont aussi à mener avec les personnes accompagnées censées savoir ce qui est bon pour elles.
La pratique éthique est complexe pour plusieurs raisons :
- Il peut y avoir des situations dans lesquelles différents principes éthiques entrent en conflit. Il devient alors difficile de déterminer la meilleure façon de procéder. Par exemple, le respect de la vie privée d’une personne peut entrer en conflit avec le devoir de protéger une autre personne en danger.
- Les contextes dans lesquels le travail social est pratiqué peuvent être complexes, mais aussi chaotiques. Dans une société où se développe du désordre avec des pratiques institutionnelles incertaines, il peut devenir difficile de déterminer la meilleure manière de répondre aux besoins des personnes. La réflexion éthique aide à se positionner.
- Le travail social implique souvent de faire face à des situations de crise et de détresse, Cela peut rendre difficile les prises de décision dans une démarche éthiques avec une temporalité peu propice à la réflexion et la discussion avant l’action.
- Les valeurs et les croyances personnelles des travailleurs sociaux peuvent entrer en conflit avec les valeurs et croyances des personnes qu’ils aident. Ce qui peut rendre difficile le maintien d’une approche respectant une neutralité généralement nécessaire et une objectivité toujours difficile à atteindre. (car qui est objectif ?)
La pratique du travail social concerne fréquemment des situations dans lesquelles il n’y a pas de solution clairement évidente. C’est d’ailleurs majoritairement le cas. Il faut prendre en compte de nombreux facteurs différents pour prendre une décision éthique adéquate. Cela peut rendre la pratique éthique complexe et exigeante. C’est pourquoi il est vraiment nécessaire que cette dimension soit prise en compte dans nos institutions, ce qui n’est pas toujours le cas, loin de là.
Photo : FREDBOUAINE ☮ … que mon regard à offrir mais qui regarde aussi…et voit Certains droits réservés
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