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Pourquoi parle-t-on tant d’éthique et de déontologie en travail social ?

L’éthique et la déontologie sont des concepts fondamentaux dans le domaine du travail social. Je rencontre parfois des étudiants qui ont tendance à mélanger un peu tout. Ils parlent d’éthique quand il s’agit de morale ou même de Droit. C’est ennuyeux, car cela met à mal leurs arguments. Voici donc un article en forme de résumé qui précise ce qu’est l’éthique, la déontologie et la morale. Tois concepts qu’il est utile de connaitre quand on est travailleur social.

L’importance de ces concepts est liée à la complexité des situations rencontrées par les travailleurs sociaux. Rien n’est jamais tout blanc ou tout noir. Il existe une multitude de palettes de réponses qui évitent de tomber dans la caricature et les interprétations. Et puis il y a aussi pour les professionnel la nécessité de respecter la dignité et les droits des personnes accompagnées. C’est pour eux une exigence de garantir la qualité des interventions. Rappelons aussi que la réflexion éthique et le respect de la déontologie sont cités dans la définition même du travail social.

Ce qu’est l’éthique en travail social

L’éthique est une réflexion sur les valeurs et les principes qui guident nos actions. Elle vise à déterminer ce qui est juste, bon et bien dans une situation donnée. En travail social, l’éthique est essentielle, car elle permet de prendre en compte la complexité des situations rencontrées. Par exemple, un travailleur social doit souvent équilibrer son action en tenant compte des besoins individuels d’une personne aidée tout en tenant compte des intérêts de sa famille ou de ses proches et plus largement de la société. Il se doit de respecter la dignité et les droits des personnes qu’il accompagne.

Pour le philosophe Paul Ricoeur, l’éthique relève du bien et est une intention. Il définit l’éthique comme « une vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes » Cette définition met en lumière l’importance de l’éthique personnelle, professionnelle et institutionnelle. En pratique, cela signifie que les travailleurs sociaux doivent agir avec intégrité, promouvoir le bien-être des personnes qu’ils assistent, et contribuer à la construction d’une société plus juste.

La déontologie en travail social

La déontologie, quant à elle, est un ensemble de règles et de devoirs qui régissent une profession. Les assistants sociaux, par exemple, ont adopté un code de déontologie qui définit les principes éthiques et les règles professionnelles auxquels ils doivent se conformer. Ces règles couvrent des domaines tels que la confidentialité, les conflits d’intérêts, les relations professionnelles et la compétence.

La déontologie est en quelque sorte une application concrète de l’éthique dans un contexte professionnel donné. Elle définit les règles à suivre pour respecter les principes éthiques dans l’exercice de sa profession. Par exemple, la confidentialité est un élément crucial de la déontologie en travail social. Les travailleurs sociaux sont tenus de protéger les informations confidentielles des personnes qu’ils accompagnent, sauf dans des situations spécifiques où la sécurité de l’individu ou d’autrui est en jeu.

Et la morale dans tout cela ?

L’éthique est plus large que la déontologie. Alors que la déontologie se concentre sur les règles professionnelles, l’éthique est une démarche réflexive et universelle qui vise à déterminer ce qui est juste et bon pour tous, au-delà des différences culturelles et individuelles.

La morale, en revanche, est un ensemble de règles et de valeurs qui guident les comportements individuels et collectifs. Elle est subjective et dépend des croyances, des valeurs et des normes culturelles de chacun. Nous pouvons considérer que le code de déontologie est un code moral professionnel qui définit clairement ce qui est bien et ce qui ne l’est pas.

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L’éthique en travail social implique de savoir confronter les positions et les valeurs de chacun pour trouver des solutions qui respectent les droits et la dignité de toutes les personnes concernées. Elle implique aussi de savoir travailler en équipe, de partager les informations et les analyses, et de se former en continu pour garantir la qualité des interventions. Par exemple, dans une situation où un travailleur social doit décider de signaler une maltraitance, il doit peser les implications éthiques de sa décision, consulter ses collègues et respecter les procédures en place.

La dimension sociétale des enjeux éthiques

Les enjeux éthiques du travail social ne concernent pas seulement les professionnels et les personnes accompagnées, mais aussi la société dans son ensemble. N’oublions pas que les choix politiques, économiques et sociaux ont des conséquences sur les conditions de vie et les droits des personnes les plus vulnérables.

Les professionnels du travail social ont donc un rôle à jouer dans la promotion d’une société plus juste et plus solidaire. Par exemple, ils peuvent plaider pour des politiques publiques qui favorisent l’inclusion sociale et l’accès aux droits fondamentaux pour tous. Ils peuvent s’engager même s’ils ne le font pas suffisamment. Aux États-Unis, par exemple, les travailleurs sociaux se sont mobilisés pour contrer les arguments populistes et la politique de Donald Trump. Ils ont défendu l’Obama Care, ce service de protection sociale en direction des populations les plus fragiles.

Les travailleurs sociaux sont souvent confrontés à des conflits de valeurs, notamment lorsqu’ils doivent équilibrer les exigences institutionnelles avec les besoins des usagers. Ces conflits peuvent entraîner une souffrance éthique, où les professionnels ressentent un malaise en raison de la contradiction entre leurs valeurs et les actions qu’ils doivent entreprendre. Par exemple, dans le contexte des politiques migratoires, les travailleurs sociaux peuvent être tiraillés entre le respect des réglementations et leur engagement à aider les migrants de manière humaine et éthique.

Confrontés au réel, ils sont témoins des injustices sociales et sociétales. Ils constatent les discriminations, et cette pratique qui distingue les idées généreuses de la Solidarité mise à mal par un manque de moyens. Les personnes pauvres continuent à être montrées du doigt et stigmatisées. Ce phénomène était moins fort dans les années 2000. Nous voyons bien alors que l’état de l’opinion de la société évolue. Pas forcément dans le bon sens.

Un élément important de la formation

Les étudiants sont confrontés à la réflexion éthique lors de leur formation et lors des stages qualifiants. C’est logique. C’est aussi là qu’ils vont construire leur identité professionnelle. Contrairement à certaines idées reçues, la formation ne sert pas uniquement à acquérir des domaines de compétence. Elle permet aussi aux futurs professionnels d’acquérir une pratique réflexive de leur travail. Elle leur apprend à savoir prendre de la distance et savoir se remettre en cause, même si ce n’est pas vraiment agréable. Loin de là.

La capacité à respecter la déontologie et à conduire une réflexion éthique dans des situations singulières une compétence essentielle pour les travailleurs sociaux. Elle implique aussi la façon de réfléchir de manière critique sur ses propres pratiques. La formation en éthique est donc un élément structurant pour préparer les travailleurs sociaux à faire face aux dilemmes éthiques qu’ils vont forcément rencontrer dans l’exercice de leur travail. C’est pourquoi les centres de formation en travail social incluent systématiquement des modules sur la pratique éthique et la déontologie pour aider les futurs professionnels à développer leurs compétences en matière de délibération. Ils leur transmettent une façon d’agir, de réfléchir, des positionnements dans ce qui est acceptable, souhaitable et désirable.

Si je devais me résumer…

Vous l’avez compris, l’éthique et la déontologie sont des piliers fondamentaux du travail social. Tous deux donnent un cadre pour naviguer les complexités et les dilemmes rencontrés par les professionnels. Cependant, au-delà de la simple application de ces principes, il est crucial de voir ces concepts comme des leviers pour l’amélioration continue des pratiques sociales.

C’est pourquoi les travailleurs sociaux doivent être encouragés à adopter une approche réflexive, où la remise en question de leurs pratiques et la recherche de solutions éthiques deviennent des habitudes. Cette démarche peut être soutenue par des formations continues et des espaces de discussion éthique au sein des institutions, permettant ainsi de renforcer la capacité des professionnels à faire face aux défis contemporains.

La collaboration interprofessionnelle et l’engagement collectif sont des éléments clés pour promouvoir une éthique de la solidarité. En travaillant de concert avec d’autres professionnels, les travailleurs sociaux peuvent développer des réponses plus globales et portées par du sens en réponse aux difficultés rencontrées par la population. De plus, en s’alliant avec les personnes qu’ils accompagnent, ils peuvent mieux comprendre et répondre à leurs besoins spécifiques. 

Mais on ne peut se limiter à l’action individuelle : les travailleurs sociaux ont un rôle à jouer dans le plaidoyer pour des politiques publiques qui respectent les principes éthiques et déontologiques. En s’engageant activement dans le débat public et en défendant les droits des plus vulnérables, ils peuvent contribuer à la construction d’une société plus juste et équitable. Cet engagement peut également inclure la lutte contre les politiques discriminatoires et la promotion de tous à tous les niveaux. Or aujourd’hui les professionnels prennent trop peu souvent la parole. C’est très regrettable alors qu’ils sont ancrés dans le réel. Ils sont témoins des évolutions de la société bien loin des mensonges colportés dans les réseaux sociaux ou dans certaines chaines de télé.

Enfin, il est essentiel de reconnaître l’importance de la nécessité de soutenir les professionnels. La gestion du stress « éthique » et la prévention de l’épuisement professionnel sont des éléments essentiels qui permettent de maintenir la qualité des interventions. C’est aussi un moyen de fidéliser les professionnels dans leurs postes. Les institutions doivent donc mettre en place des mécanismes de soutien, tels que des supervisions régulières et des actions pour la qualité de vie au travil pour aider les professionnels à faire face aux défis de leur métier.

En somme, la réflexion éthique et le respet de la déontologie ne sont pas  des contraintes. Ce sont des opportunités pour enrichir et dynamiser la pratique du travail social. En adoptant une approche de prevention et de collaboration, les travailleurs sociaux peuvent non seulement répondre aux défis actuels, mais aussi contribuer à façonner un avenir plus juste et solidaire pour tous.

Sources

 

et sur ce blog

 


Note : cet article est issu de mes notes de cours que j’ai pu donner à l’ARIFTS, le centre de formation des travailleurs sociaux des Pays-de-Loire.

 

Photo créé par asier_relampagoestudio – fr.freepik.com

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2 Responses

  1. Voir aussi l’ouvrage « Ethique des pratiques et déontologie des travailleurs sociaux » rapport du CSTS paru aux editions ENSP en 2001. Résumé via le lien ci-dessous:
    travail-emploi.gouv.fr › IMG › pdf › ethique.pdf

  2. Pour accompagner ces sujets, en Loire-Atlantique il y a l’espace départemental de réflexion éthique qui est une instance à disposition des travailleurs sociaux qui exercent sur le département, et que l’on peut saisir lorsque l’on est confronté à un dilemme éthique. Cet espace est coordonné et animé par le CLTSDS de Loire-Atlantique. Plus d’info sur le site dédié : https://www.loire-atlantique.fr/44/solidarites-sante/l-espace-departemental-de-reflexion-ethique/c_1457135

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