L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis marque un changement radical dans le paysage politique américain. Pour les travailleurs sociaux, cette nouvelle ère va provoquer une série de bouleversements qui vont profondément affecter leurs missions et leurs capacités à défendre les droits des populations vulnérables.
Cet article se penche sur les conséquences des choix de l’administration Trump sur le travail social aux États-Unis. Il s’appuie sur une analyse de la situation publiée par l’Association Nationale des Travailleurs Sociaux américains (NASW). Il est aussi fait état de ce qui s’est passé lors au précédent mandat du promoteur du MAGA « Make american great again ». Ce nouveau mandat s’annonce d’ores et déjà bien plus violent et excluant que le précédent.
Une remise en question des valeurs fondamentales du travail social.
Les travailleurs sociaux sont considérés aux Etats-Unis comme les gardiens des valeurs d’égalité, de justice sociale et de respect des droits humains. L’arrivée au pouvoir de Donald Trump annonce une série de décisions politiques qui vont directement menacer ces principes fondamentaux. Les mesures prises par le passé par son administration avaient déjà été perçues comme une attaque frontale contre les populations les plus vulnérables de la société américaine, celles-là mêmes que les travailleurs sociaux s’efforcent de protéger et d’accompagner au quotidien.
L’une des premières actions controversées de Trump avait été la mise en place de restrictions drastiques sur l’immigration, notamment à travers le tristement célèbre « Muslim Ban ». Cette politique, qui visait à interdire l’entrée sur le territoire américain aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane, a été largement critiquée comme étant discriminatoire et contraire aux valeurs d’ouverture et d’accueil traditionnellement associées aux États-Unis.
Ce qui s’annonce promet d’être beaucoup plus violent. Donald Trump a le projet d’exclure du territoire des États-Unis tous les étrangers, même ceux qui sont intégrés. Pour les travailleurs sociaux, qui sont souvent en première ligne pour aider les migrants et les réfugiés à s’intégrer dans leur nouvelle société, ces mesures ont représenté un obstacle majeur à leur travail.
La NASW a exprimé ses vives inquiétudes quant aux conséquences de ces politiques sur les communautés marginalisées. Les travailleurs sociaux se sont retrouvés confrontés à une situation paradoxale : d’un côté, leur code d’éthique les oblige à défendre les droits de tous les individus, indépendamment de leur origine ou de leur statut ; de l’autre, ils doivent naviguer dans un environnement politique de plus en plus hostile à la population qu’ils aident et soutiennent.
Un tournant pour les travailleurs sociaux américains face à l’impact du Projet 2025 de l’Heritage Foundation
Ce n’est pas pour rien que l’élection récente de Donald Trump à la présidence des États-Unis suscite de très grandes inquiétudes. Alors que son administration commence à prendre forme, le Projet 2025 de la Heritage Foundation, qui vise à transformer radicalement les politiques gouvernementales, se profile comme une menace sérieuse pour les droits sociaux et les interventions des travailleurs sociaux.
Ce Projet 2025 propose une série de mesures qui pourraient avoir un impact dévastateur sur les populations vulnérables. Ce n’est pas une simple vue de l’esprit. Ce sont les populations que les travailleurs sociaux s’efforcent d’aider au quotidien. Elles vont être les premières concernées par les mesures déjà annoncées.
Dès son arrivée au pouvoir, Trump a fait part de ses intentions claires de réformer le gouvernement fédéral, en particulier en ce qui concerne les programmes de Sécurité sociale. Le Projet 2025 vise à restructurer l’administration fédérale pour réduire son rôle dans la protection sociale. Cette volonté soulève des inquiétudes quant à la capacité des travailleurs sociaux à fournir à l’avenir un soutien adéquat aux personnes dans le besoin.
La NASW souligne que la réduction des programmes sociaux va entraîner une augmentation de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Les travailleurs sociaux se trouvent dans une position délicate : leur code d’éthique les oblige à défendre les droits de tous les individus, indépendamment de leur statut ou de leur origine et ils vont être en première ligne des critiques des conservateurs qui alimentent les réseaux sociaux de « Fake-news ».
L’impact immédiat du Projet 2025 sur les droits sociaux
Le Projet 2025 est un document très détaillé qui couvre presque tous les aspects de la structure gouvernementale. Il propose une série de réformes qui vont affecter directement les départements responsables de la gestion des programmes de Sécurité sociale. Le Département de la santé et des services sociaux (HHS), le Département du logement et du développement urbain (HUD) et le Département de l’agriculture (USDA) sont dans le collimateur des conservateurs qui en ont fait des boucs-émissaires. Pourtant, ces départements jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre des programmes qui soutiennent les personnes vivant dans la pauvreté.
Par exemple, le projet prévoit une refonte significative du programme d’assistance nutritionnelle (SNAP), communément appelé « food stamps ». Les coupes budgétaires annoncées pourraient réduire l’accès à cette aide essentielle pour des millions d’Américains qui dépendent déjà de ces ressources pour se nourrir. Les travailleurs sociaux craignent que ces changements ne conduisent à une augmentation du nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire.
De plus, le Projet 2025 envisage d’éliminer le Département de l’éducation et de rediriger les fonds vers une structure éducative privatisée. Cela aurait des conséquences désastreuses pour les écoles situées dans des communautés vulnérables, principalement celles desservant des étudiants noirs, métis et communautés natives, c’est-à-dire les indiens. La NASW souligne que l’élimination du financement pour les écoles à faible revenu va compromettre l’éducation d’une génération entière d’enfants déjà défavorisés.
Une exacerbation des inégalités sociales
Les politiques proposées par le Projet 2025 risquent également d’amplifier les inégalités raciales et économiques déjà présentes aux États-Unis. En effet, l’approche anti-sécurité sociale adoptée par ce projet semble traiter l’accès aux soins de santé comme un privilège plutôt qu’un droit. Cela pourrait entraîner des restrictions sévères sur le « Medicaid », l’aide médicales qui fournit actuellement une couverture santé à près d’un Américain sur cinq.
Les modifications prévoient l’imposition de limites dans le temps pour l’accès à Medicaid. Il est aussi prévu la réduction du nombre de services obligatoires couverts par ce programme. Ces changements vont à terme priver des millions d’Américains, y compris ceux issus de communautés de couleur, d’un accès essentiel aux soins médicaux dont ils ont besoin pour survivre.
La NASW met en garde contre les conséquences potentielles de telles mesures. Les travailleurs sociaux américains soulignent que ces mesures pourraient renvoyer certaines populations aux conditions précaires du début du XXe siècle, à une époque où peu ou pas d’aide était disponible pour ceux qui en avaient besoin.
La menace pour l’immigration et les droits civils
La peur de l’étranger avec son cortège de Fake-News a été efficace. Le Projet 2025 inclut une série de mesures visant à renforcer le contrôle sur l’immigration. Il est prévu une augmentation significative des capacités de détention pour ICE (Immigration and Customs Enforcement) et un renforcement des procédures d’expulsion. Ces mesures sont perçues comme une préparation à ce que Trump a décrit comme « la plus grande opération d’expulsion dans l’histoire » des États-Unis. Ce projet pourrait être contrarié par un manque de main d’œuvre pour les « Bullshit Jobs » qui apportent de multiples services à celles et ceux qui ont des moyens.
Les travailleurs sociaux qui travaillent avec des populations immigrées s’inquiètent avec raison des implications humaines et sociales de telles politiques. La criminalisation accrue des immigrants sans papiers pourrait non seulement détruire des familles, mais aussi créer un climat général de peur au sein des communautés immigrées. Cela rendra encore plus difficile pour les travailleurs sociaux d’accéder aux populations qu’ils cherchent à aider.
La NASW souligne que ces politiques représentent un affront direct aux valeurs fondamentales du travail social. Elles prônent la dignité humaine et le respect pour tous. Les travailleurs sociaux vont devoir naviguer dans un environnement où les personnes qu’ils accompagnent vivent sous la menace constante d’expulsion ou d’arrestation.
Le droit à l’avortement menacé
L’élection de Donald Trump fait peser de lourdes menaces sur le droit à l’avortement dans le pays. Depuis l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022, de nombreux États ont déjà mis en place des restrictions partielles ou totales sur l’avortement. Le retour de Trump à la Maison-Blanche risque d’accélérer ce processus de remise en cause.
Bien que Trump ait adopté une position ambiguë durant sa campagne, son bilan passé et les promesses faites à sa base conservatrice laissent présager de nouvelles attaques contre ce droit fondamental. Les défenseurs du droit à l’avortement s’attendent notamment à ce que l’administration Trump cible la pilule abortive, qui représente près de deux tiers des IVG aux États-Unis.
Durant la campagne, il s’est montré prudent sur la question. Il sait que la majorité de l’opinion publique est favorable au droit à l’avortement. Tout en ménageant ses soutiens dans les milieux évangéliques, il a répété à plusieurs reprises qu’il voulait laisser les États trancher ce sujet.
Face à ces menaces, on observe déjà une ruée des Américaines vers les pilules abortives. L’organisation Aid Access a reçu 10.000 demandes dans les 24 heures suivant son élection, soit 17 fois plus que d’habitude. Cette « apocalypse reproductive » redoutée pousse de nombreuses femmes à constituer des stocks de pilules en prévision de restrictions futures, explique un article de Libération.
A travers la promotion d’un modèle familial “conforme à la Bible”, l’objectif est de s’attaquer à l’existence même des personnes transgenres ainsi qu’à la liberté des femmes de disposer de leurs corps, indique le Planning Familial. Il est notamment prévu de couper toutes les subventions fédérales au Planning familial américain, et d’interdire par la loi l’avortement. Le Planning familial le sait : cette feuille de route d’extrême droite a pour vocation d’être diffusée au monde entier, et aura des répercussions directes en France et à l’international.
Le stress des personnes LGBTQI+
L’élection de Trump suscite également une profonde inquiétude au sein de la communauté des minorités sexuelles. Son premier mandat avait déjà été marqué par un recul significatif des protections et des lois anti-discrimination pour ces personnes.
Le « Projet 2025 » prévoit des mesures particulièrement inquiétantes à leur égard. Il est prévu la suppression des protections fédérales contre la discrimination pour les personnes LGBTQI+, l’exclusion des personnes transgenres de l’armée et la restriction de l’accès aux soins médicaux d’affirmation de genre.
Ces menaces provoquent une véritable détresse au sein de ces communautés. Le LGBT National Help Center reçoit environ 2000 appels par jour depuis l’élection, contre 300 habituellement. Beaucoup expriment leur colère, leur désespoir et leur peur face à un avenir incertain.
La rhétorique transphobe utilisée pendant la campagne fait craindre une augmentation des discriminations et des violences. Certains envisagent même de quitter le pays, tandis que les associations redoutent une hausse des suicides et des problèmes de santé mentale.
Une mobilisation pour faire face aux changements
Face à ces menaces croissantes, la communauté des travailleurs sociaux déclare ne pas vouloir rester passive. Au contraire, la période qui s’ouvre voit déjà une mobilisation sans précédent parmi les professionnels du secteur pour défendre leurs valeurs et protéger les droits des populations vulnérables. La NASW a bien l’intention de jouer un rôle central dans cette mobilisation en organisant des campagnes de sensibilisation et en faisant pression sur les législateurs.
La Fédération Internationale du Travail Social (IFSW) a également exprimé sa solidarité avec les travailleurs sociaux américains. Cette solidarité internationale est nécessaire pour rappeler que la lutte pour la justice sociale transcende les frontières nationales. Pour autant, les difficultés vont vite arriver et l’on voit mal comment les travailleurs sociaux vont pouvoir résister à ce rouleau compresseur de la perte des droits des minorités.
Une adaptation nécessaire des pratiques de travail social
Les travailleurs sociaux vont devoir adapter leurs pratiques face aux nouvelles réalités imposées par cette administration. Beaucoup développent désormais de nouvelles compétences en matière de plaidoyer et d’organisation collective. Ils reconnaissent que leur rôle doit dorénavant inclure une dimension plus large visant au changement social.
Certains professionnels choisissent même de se spécialiser dans des domaines particulièrement touchés par les politiques actuelles. Ils s’engagent pour lutter contre les politiques anti-immigration ou les atteintes aux droits. D’autres mettent davantage l’accent sur l’éducation et la sensibilisation du public pour contrer la désinformation et promouvoir une compréhension plus nuancée des enjeux sociaux.
La formation destinée aux futurs travailleurs sociaux évolue également pour refléter ces nouvelles réalités. Les programmes universitaires intègrent plus de cours sur le plaidoyer politique, l’éthique dans un contexte conflictuel ainsi que sur les stratégies d’actions non-violentes.
Des implications économiques délétères
Un autre aspect préoccupant du Projet 2025 est son impact potentiel sur le filet social qui soutient tant d’américains. Le projet propose d’éliminer plusieurs crédits d’impôt importants pour les familles à faible revenu, tels que le Crédit d’Impôt Pour Enfants (CTC) et le Crédit d’Impôt Pour Revenus Gagnés (EITC). Ces crédits sont essentiels pour réduire la pauvreté parmi ceux qui en ont besoin.
La NASW a averti que si ces crédits étaient supprimés, cela pourrait avoir des conséquences dramatiques. Par exemple, selon certaines estimations, jusqu’à 23 millions d’Américains pourraient être affectés négativement par l’élimination du seul CTC. Le Projet 2025 va très certainement réduire drastiquement le financement destiné aux programmes anti-pauvreté existants. Cela pourrait avoir un impact direct sur ceux qui dépendent déjà fortement du soutien gouvernemental pour survivre au quotidien.
La lutte contre la désinformation
C’est un autre sujet auquel les travailleurs sociaux vont devoir se former. Le contexte actuel va favoriser une désinformation systématique, notamment via des réseaux sociaux détenus par les patrons de la tech qui ont fait allégeance à D. Trump. Il est essentiel que les travailleurs sociaux s’engagent activement dans la lutte contre ce phénomène.
Ils doivent non seulement défendre les usagers mais aussi éduquer le public sur l’importance vitale des programmes sociaux menacés par le Projet 2025. Cela implique non seulement un travail collectif, mais aussi une présence accrue dans les médias afin d’informer le grand public sur les effets des politiques du gouvernement Trump et ses alliés au sein du gouvernement fédéral.
Conclusion : Un appel à l’action
L’élection récente de Donald Trump représente non seulement un tournant majeur pour le paysage politique américain mais aussi un moment critique pour le travail social aux États-Unis. Les implications immédiates du Projet 2025 soulignent la nécessité urgente d’une mobilisation collective parmi tous ceux qui croient fermement aux valeurs fondamentales du travail social : respect, dignité humaine et justice sociale.
Les choix posés par cette nouvelle administration vont nécessiter des réponses fortes afin d’assurer que chacun puisse vivre avec dignité et respect. Les travailleurs sociaux vont devoir continuer à défendre leurs valeurs dans l’adversité tout en naviguant dans un paysage politique qui leur est défavorable. De nombreuses personnes et familles qu’ils accompagnent vont vivre sous la menace constante d’expulsions ou d’arrestations.
Ces menaces annoncées contre le filet social américain va impliquer un engagement actif des travailleurs sociaux. Ils vont devoir faire preuve d’une vigilance constante face à toutes les tentatives visant à démanteler les protections sociales essentielles dont tant d’Américains dépendent encore aujourd’hui.
Ils ne seront pas seuls. Par ailleurs, contrairement à ce qui se passe en France, les travailleurs sociaux sont très organisés et engagés. Ils ont des structures qui les soutiennent. Les centres de formation font preuve d’engagement et de nombreuses institutions vont dans leur sens. Mais en tout cas, résister à ce qui se prépare ne sera pas une partie de plaisir.
Ce qui va se passer aux États-Unis est à observer avec attention. Cela ouvre une nouvelle époque où l’engagement militant des professionnel(le)s du social sera essentiel pour la promotion des droits sociaux et la lutte contre la désinformation. Cela pourrait faire école dans notre pays si celui-ci s’engage dans l’illibéralisme.
Sources :
- Project 2025 on Social Safety Net: A Social Work Perspective | NASW
- Donald Trump has been re-elected 47th president of the United States | NASW
- Après l’élection de Donald Trump, les Américaines font des stocks de pilules abortives | Libération
- L’élection de Trump, un danger pour les droits humains aux Etats-Unis et dans le monde | Planning Familial
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