La Fédération Internationale du Travail Social vient de publier un guide à l’attention des travailleurs sociaux du monde entier. Il porte sur leur pratique professionnelle en période de pandémie. Il vise à promouvoir des pratiques éthiques qui sont universelles. Ce guide rédigé en anglais a été réalisé en partenariat avec les membres du Social Work Ethics Research Partnership, coordonné par Sarah Banks sociologue et professeur à l’université de Durham au Royaume Uni. Ce document complète deux autres publications ( La « déclaration mondiale de principes éthiques » – IFSW, 2018 et « Prise de décision éthique face à Covid-19 – IFSW, 2020).
Ce guide est le résultat d’un partenariat de recherche. Il s’appuie sur une étude menée en mai 2020 auprès de 607 travailleurs sociaux du monde entier (Banks et al, 2020). La recherche était centrée sur la défis éthiques soulevés par la pandémie de Covid-19. Elle a permis de capter les réalités de terrain dans différents pays, qui se trouvaient à différents stades de la pandémie et avaient adopté diverses réponses
Il rappelle dans un premier temps que le travail social s’appuie sur des valeurs
Comment apparaissent les questions éthiques au travail ?
Des défis éthiques surviennent lorsque les travailleurs sociaux font face à des décisions les obligeant à peser les risques, les avantages et les inconvénients, les droits et responsabilités dans les différentes approches et actions qu’ils conduisent vis-à-vis des personnes avec qui ils travaillent. La déclaration mondiale de l’IFSW sur les principes éthiques décrit à ce titre un cadre générique d’engagements et de comportements attendus des travailleurs sociaux sur la base des valeurs fondamentales des Droits de l’Homme, de la justice et de l’ intégrité professionnelle. Dans chaque pays des associations professionnelles tentent aussi de promouvoir des codes de déontologie et de pratiques éthiques, et cela va de pair avec la charte éthique internationale.
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La nature de la pandémie, les réponses nationales et internationales sont en constante évolution, ce qui signifie que les travailleurs sociaux, leurs employeurs et tous les citoyens, sont continuellement tenus de repenser leurs façons de faire, de vivre et de travailler.
Cela permet de rechercher des opportunités pour des pratiques créatives et novatrices qui peuvent émerger. Mais d’autre part, la pandémie présente des dangers dans lesquels les pratiques défensives, distanciées ou restrictives demeurent en place pendant trop longtemps. Elles ont alors « un coût éthique élevé » pour l’intégrité des travailleurs sociaux, la dignité et les droits des personnes qui font appel et utilisent les services sociaux.
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5 conseils vous invitent à répondre à une série de questions pour mieux agir
1. Clarifiez la nature du défi éthique. Quels rôles, principes ou les obligations sont en conflit ? Ainsi par exemple, lors de conditions pandémiques, un des défis consiste à savoir prioriser : les responsabilités de service ou la sécurité personnelle du travailleur social.
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2. Générez des options. Parfois, dans une crise, les travailleurs sociaux peuvent être « coincés » entre plusieurs choix indésirables. La réflexion et la consultation des pairs et des personnes concernées peuvent alors vous aider à trouver d’autres alternatives ou des stratégies pour atténuer les risques.
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3. Reportez-vous aux travaux et conseils des espaces éthiques déjà existants. Quand on est confronté à un choix, toutes les options d’action ne sont pas sûres d’un point de vue éthique. Consulter les écrits sur les pratiques éthiques déjà engagées, vérifier ce que disent les lois, les politiques publiques et autres documents d’orientation permet de mettre en évidence et de soutenir certaines options par rapport à d’autres. Le choix doit donc pouvoir être explicité en se référant à un raisonnement logique et construit.
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4. Tirez parti des ressources et de l’expérience des autres. Le « fardeau » de la prise de décision éthique est facilité lorsque les travailleurs sociaux s’entretiennent avec des collègues, des superviseurs ou des personnes ayant une expertise particulière mais aussi lorsqu’ils puisent dans leur propre sagesse pratique. L’éthique de la discussion et la pratique réflexive peuvent offrir de nouvelles perspectives et un soutien pour choisir une options et procéder par étapes. Ces échanges permettent aux travailleurs sociaux d’exprimer leurs émotions et de recevoir soutiens et conseils. Rechercher l’expertise de collègues qui interviennent dans le champ de la santé et la sécurité publique, peut aussi permettre de trouver ou de développer des services alternatifs et l’accès à un équipement de protection adéquat.
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5. Évaluer les résultats de l’action engagée. Traiter la décision à travers le prisme d’une éthique construite à partir de la réflexion personnelle, des discussions avec des collègues ou des conversations avec les utilisateurs de services contribue à renforcer la compétence éthique des travailleurs sociaux et éclairer les décisions futures. À ce titre, un travailleur social pourrait demander :
- «La situation s’est-elle déroulée comme je l’avais espéré?»
- «Si ce n’est pas le cas, puis-je faire quelque chose maintenant pour remédier à la situation?»
- « Y a-t-il une option que j’ai négligée ou que j’aurais aimé faire différemment? »
- « Mes actions ont-elles bien servi les principes éthiques auxquels je me réfère ? »
6 défis à relever en temps de pandémie pour les travailleurs sociaux
Le guide aborde plusieurs points que je ne peux entièrement développer ici par manque de temps. Mais en voici les « têtes de chapitres » présentés sous forme de défis à réussir pour les travailleurs sociaux du monde entier :
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1. Créer et maintenir des relations de confiance, honnêtes et empathiques par téléphone ou Internet dans le respect de la vie privée et de la confidentialité, ou en personne et rencontre en face à face avec un équipement de protection.
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2. Prioriser les besoins et les demandes des usagers des services sociaux. Ces besoins sont plus ou moins importants et différents en raison des conditions de pandémie, notamment lorsque les ressources sont épuisées ou indisponibles et que des évaluations complètes de situations sont impossibles ou très difficiles à mettre en œuvre.
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3. Équilibrer les droits, les besoins et les risques des utilisateurs de services avec les risques personnels pour les travailleurs sociaux et les intervenants, afin de fournir des services les meilleurs possibles en fonction des contraintes rencontrées
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4. Décider de suivre les politiques, procédures et directives nationales et organisationnelles (existantes ou nouvelles), ou d’utiliser la discrétion professionnelle dans des circonstances où les politiques et les annonces semblent inappropriées, déroutantes ou absentes.
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5. Reconnaître et gérer les émotions, la fatigue et le besoin de prendre soin de soi lorsque vous travaillez dans des circonstances dangereuses et stressantes.
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6. Utiliser les leçons tirées du travail pratiqué en période de pandémie ou de crise pour repenser le travail social à l’avenir
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« Bien que la pandémie de Covid-19 ait une portée et des effets sans précédent, il est raisonnable de supposer que la pratique mondiale du travail social sera toujours confrontée à des crises nouvelles » précise le guide. Les situations engendrées par le virus en 2020 peuvent être instructives pour relever les défis éthiques dans les futures situations de crise, y compris les catastrophes environnementales et même les conflits armés.
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Les associations professionnelles, les employeurs, les travailleurs sociaux eux-mêmes doivent également être préparés collectivement à repenser la manière d’appliquer les valeurs et principes professionnels dans de nouveaux contextes. Toutes les personnes impliquées dans le travail social doivent prendre le temps d’examiner de manière critique toutes les implications éthiques du travail à l’ère des outils numériques, les nouvelles formes d’évaluation des risques et la reconfiguration de la protection sociale dans le contexte de l’exacerbation des inégalités.
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Il est encore plus important que les travailleurs sociaux soient en mesure de s’arrêter, de réfléchir, de discuter et de faire le point sur les implications éthiques des différentes pistes d’action qui sont engagées. Ce guide ne peut pas fournir de réponses à des dilemmes ou problèmes éthiques spécifiques. Cependant, il offre des indications sur les éléments à prendre en compte dans les luttes quotidiennes des travailleurs sociaux pour agir de manière équitable et respectueuse et pour travailler à des changements de politiques sociales, de pratiques et d’attitudes à la fois dans leurs contextes locaux et dans le monde.
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Note : certains éléments de cette traduction partielle d’éléments du guide de l’IFSW peuvent être sujet à des interprétations et compréhensions différentes. Merci à vous de me préciser si, maniant mieux l’anglais que moi, vous trouvez des erreurs de traduction ou de compréhension.
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Photo : Sarah Banks
Professeur à l’École des sciences sociales appliquées Université de Durham, Royaume-Uni (capture d’écran vidéo)
Elle co-organise le groupe de recherche sur l’éthique du travail social de l’Association européenne de recherche sur le travail social. Licence de paternité Creative Commons (réutilisation autorisée)