Notre société est en constante évolution avec une caractéristique particulière : nous vivons dans nos métiers une accélération sans précédent et les crises se multiplient (crise économique, sociale, politique, climatique…). Comment répondre à cette réalité déroutante et inquiétante dans le champ du travail social ? Sans doute en regardant de plus près ce que font aujourd’hui les assistant(e)s de service social. Cette profession se révèle être un exemple remarquable de polyvalence et d’adaptabilité. À l’instar du concept de « multi-hyphenate », les travailleurs sociaux incarnent l’art d’être multiple dans un monde fragmenté, faisant preuve d’une capacité qui rappelle l’idéal de l’homme de la Renaissance.
Pour éviter toute confusion, précisons d’abord ce qu’est le terme « multi-hyphenate ». Il désigne une personne qui possède plusieurs compétences professionnelles. Cela concerne celles qui savent exercer différents métiers, souvent dans des domaines créatifs ou artistiques. Cette polyvalence se traduit par une série de traits d’union reliant les diverses activités et certains talents.
L’héritage oublié de la polyvalence
La polyvalence, loin d’être une nouveauté, a longtemps été la norme dans l’histoire humaine. Des figures emblématiques comme Léonard de Vinci ou Michel-Ange incarnaient cet idéal de l’homme universel, maîtrisant à la fois l’art, la science et la philosophie. Cette tradition s’est perpétuée à travers les siècles, des moines copistes, en passant par les lettrés chinois et les philosophes grecs. Une affaire d’hommes direz-vous ? Pourtant, les femmes, oubliées de l’histoire, savaient généralement avoir plusieurs cordes à leur arc. Cela leur permettait de s’adapter dans une société dominée par le genre masculin.
Mais voilà le paradoxe : le 20ᵉ siècle a vu l’avènement de la spécialisation, portée par l’industrialisation et le taylorisme. Cette approche, bien que critiquée pour ses effets déshumanisants, a laissé des traces profondes dans notre société, créant des silos qui limitent l’innovation et la créativité. Or que dénonce le livre blanc du travail social ? Les politiques publiques sociales en silos, la fragmentation des métiers et des fonctions (un problème = un métier)
La spécialisation n’est plus la bonne réponse dans un monde en perpétuel changement. Face aux enjeux complexes de notre époque, l’hyperspécialisation a montré ses limites. Aujourd’hui, nous assistons à un retour en force des profils polyvalents. Ce phénomène est amplifié par la transformation digitale et les plateformes sociales qui facilitent la diversification des activités. Tout cela n’est pas sans risques bien évidemment. Derrière ce terme de polyvalence, certains peuvent craindre aussi une forme de précarisation déguisée, mais aussi une injonction à la performance constante pouvant conduire à un épuisement identitaire.
L’art d’être multiple dans un monde fragmenté
Les assistant(e)s de service social sont de véritables « caméléons » professionnels. En effet, ils sont capables d’endosser une multitude de rôles pour répondre aux besoins complexes et variés des personnes qu’ils accompagnent. Leur polyvalence se manifeste à travers plusieurs aspects de leur métier : Ils (elles) sont à la fois médiateurs et « communicateurs », experts en droit social et administratif, mais aussi psychologues de terrain. Cela fait beaucoup direz-vous ? C’est pourtant le cas.
Ces travailleuses sociales titulaires du DEASS se doivent d’exceller dans l’art de la communication. En effet, elles ont un rôle essentiel de médiateur entre les individus, les familles et les institutions. Elles doivent être capables de s’adapter à différents publics, de comprendre les subtilités de chaque situation et de faciliter le dialogue entre des parties parfois en conflit.
Leur maîtrise du cadre légal et administratif est essentielle. Les assistant(e)s de service social doivent constamment mettre à jour leurs connaissances pour naviguer dans le dédale des dispositifs d’aide sociale, des réglementations et des procédures administratives. Il faut dire que nous n’en manquons pas.
Sans être des thérapeutes au sens clinique du terme, ces travailleuses sociales doivent aussi faire preuve d’une grande sensibilité psychologique. Elles sont amenées à écouter, à soutenir et à accompagner des personnes en situation de vulnérabilité, ce qui nécessite des compétences en relation d’aide et une compréhension fine des dynamiques psychosociales.
L’innovation au cœur de la pratique
Les « multi-hyphenates » excellent dans la recherche de solutions non programmées. Or, on l’a vu, les assistants de service social interviennent au croisement de différents domaines. Leurs formations initiales et continues les ont préparés à cela. Ces professionnel(le)s sont constamment amenés à faire preuve de créativité pour trouver des solutions adaptées face à des situations souvent inédites.
Ils (et elles) sont fréquemment impliqués dans la conception et la mise en œuvre de projets sociaux. Ils doivent mobiliser des compétences en gestion de projet, et en évaluation de situations, tout en restant ancrés dans les réalités du terrain. Dans un monde de plus en plus numérisé, ces professionnel(le)s doivent aussi savoir maîtriser les outils technologiques. Qu’il s’agisse de l’utilisation de logiciels de gestion de dossiers, de plateformes administratives ou de réseaux sociaux pour la prévention, ils sont amenés à intégrer ces nouvelles compétences à leur arsenal professionnel.
Les défis posés à la fonction de polyvalence
- La vigilance : les assistants de service social ont la nécessité d’être prudents face aux risques d’épuisement professionnel et de dispersion. Les risques sont réels.Ils sont à l’origine des burn-out et des souhaits de quitter la profession.
- L’organisation : Face à la multiplicité des tâches et des responsabilités, ils doivent pouvoir développer une capacité de classement des priorités et de gestion du temps. L’utilisation de techniques comme le « time-blocking » (blocage du temps) peut s’avérer précieuse pour maintenir cette efficacité sans sacrifier la qualité de l’accompagnement. Le « bloquage du temps » consiste à diviser son emploi du temps en blocs dédiés à des tâches ou activités spécifiques. Elle oblige à s’en tenir aux tâches programmées pour éviter l’éparpillement et pour maintenir le travail profond. Cela permet de concentrer pleinement sur une tâche à la fois et de limiter les distractions et le multitâche. Cette pratique permet d’avoir une vision claire de ses priorités. Les travailleurs sociaux utilise souvent aussi des « to-do list » (faire des listes à cocher une fois que la tâche est accomplie.
- La formation continue : Pour maintenir leur polyvalence, les assistants de service social doivent s’engager dans un processus de formation tout au long de leur vie professionnelle. C’est déjà d’ailleurs souvent le cas, car ces travailleurs sociaux ont souvent une appétence à se former face aux nouveaux enjeux qu’ils rencontrent. Cela implique non seulement de se tenir informé des évolutions législatives et sociales, mais aussi d’explorer de nouveaux domaines de compétences pour enrichir sa pratique.
- La reconnaissance : la valorisation de la polyvalence des assistants de service social passe aussi par une reconnaissance institutionnelle et sociétale de la complexité de leur métier. Or aujourd’hui comme hier, nombreux sont celles et ceux qui pensent qu’il suffit d’une bonne volonté et du désir d’aider les autres pour « faire l’assistante sociale ». Voilà une représentation totalement inexacte. Aider professionnellement quelqu’un nécessite un parcours de formation adapté, long qui croise de multiples savoirs et disciplines. Les reconnaitre est une nécessité.
- Accepter et les parcours non-linéaires : À l’instar des « multi-hyphenates » qui tirent leur force de la diversité de leurs expériences, il est important de valoriser les parcours atypiques et les reconversions professionnelles dans le domaine du travail social. Ces profils apportent une richesse et une ouverture d’esprit précieuses pour la profession. On ne peut pas dire que les orien
En conclusion, la polyvalence des assistants de service social est un atout majeur dans un monde qui fait face à de multiples crises. Leur capacité à combiner différentes compétences, à innover et à s’adapter fait d’eux de véritables « multi-hyphenates » du secteur social. En valorisant cette polyvalence et en leur donnant les moyens de la cultiver, les pouvoirs publics ont la possibilité d’investir dans une profession capable de relever les enjeux sociaux complexes de notre époque. Cela tout en préservant l’humanisme qui restent au cœur de leurs pratiques.
Note : j’ai rédigé ce point de vue en m’appuyant sur l’article suivant : Multi-hyphenate : l’art d’être multiple dans un monde fragmenté | Odin’s Chronicles
Une réponse
Bonjour une riche commentaire.
L’assistant social doit aller au dela des innovations technologique pour porter assistance aux vulnérables.Mais à croire la polyvalence est un element essentiel pour aider l’agent social à reussir sa mission.