Vous ne trouverez pas ici dans cet article de réponses aux différentes questions que pose le futur régime des retraites qui va être voté en janvier prochain. Il a les « pour » (peu nombreux) et les « contre » qui sont éminemment concernés. Alors, comme l’explique le journal Le Monde, voilà un excellent sujet de discussion familiale pendant ces périodes de fête.
« Repousser l‘âge de départ à la retraite est-il inéluctable ? »
Le journal a synthétisé les réponses possibles selon votre opinion sur plusieurs sujets d’actualité dont celui des retraites. Merci à Romain Geoffroy, Gary Dagorn, Mathilde Damgé et Dorian Jullien des décodeurs qui, chaque jour ou presque, démontent ainsi les fausses informations. Que nous disent-ils ?
Si vous êtes pour l’allongement des cotisations, voici vos arguments : « La population vieillit et le système de retraite actuel est structurellement déficitaire. Sachant que l’espérance de vie ne cesse de progresser, repousser l’âge de départ à la retraite est une solution toute trouvée. Par ailleurs, cela aurait le mérite d’améliorer l’employabilité des seniors. De toute façon, comme le dit notre ministre du travail, « il n’y a pas 36 solutions, soit on augmente les impôts, soit on laisse filer la dette, soit on travaille davantage ».
Alors les « contre » ont-ils des arguments face à cela ? Oui, bien évidemment : En France, l’espérance de vie en bonne santé (c’est-à-dire sans incapacité) était en 2020 de 64,4 ans pour les hommes et de 65,9 ans pour les femmes. Pourtant, le gouvernement envisage de nous faire travailler jusqu’à 65 ans. De plus, des inégalités se cachent derrière ces chiffres : les 5 % les plus pauvres meurent en moyenne treize ans plus tôt que les 5 % les plus riches. Par ailleurs, le recul de l’âge de départ à la retraite va plus vite que l’augmentation de l’espérance de vie et réduit donc la durée de retraite que chacun de nous espère. Veut-on vraiment d’une société vouée au travail sans aucun espoir de profiter d’une retraite en bonne santé ?
Tout cela conduit le travailleur social que je suis à se poser plusieurs questions. En effet, l’exercice du travail social, nous a appris à être prudents quant aux affirmations qui nous sont rapportées. La complexité de l’humain, de son comportement, de ses intentions, mais aussi de son contexte de vie. Tout un ensemble d’éléments nous appellent à la prudence. Ce qui est aujourd’hui exact peut ne pas l’être demain tout simplement parce que la situation change continuellement.
Sur quoi alors s’appuyer face à nos incertitudes ?
Les travailleurs sociaux savent travailler avec ce qui est incertain. C’est même l’une de nos compétences à l’heure où les algorithmes sont censés nous apporter des réponses précises pour tous. L’incertitude fait partie même de la condition humaine. Serais-je en bonne santé dans dix ou vingt ans ? Ma situation familiale sera-t-elle la même ? Qu’en sera-t-il de mes revenus ? Aurais-je un « accident de la vie » comme cela survient à des milliers de mes concitoyens ? Si c’est le cas, pourrais-je m’en remettre facilement ?
Le futur de nos retraites entre dans cette catégorie de questionnement. Alors que nous avons besoin de certitudes, les changements annoncés ne sont-ils pas « anxiogènes » quand on entre dans les détails ?
- Les durées de cotisations s’allongent au fil des années,
- Le calcul du montant futur intègre des années supplémentaires, justement celles où chacun était moins bien payé
- Il avait été annoncé la disparition des régimes spéciaux (mais au final pas tous – police, armée, gendarmerie, personnels pénitentiaires, garderaient leurs régimes, ce qui au passage confirmerait que le système à points était pour ces fonctionnaires à leur désavantage (comme pour les autres). Mais pourquoi seulement eux ?
- Le fameux « âge pivot » pour toucher la retraite à taux plein est une variable qui, avec les décotes, ne permettra pas de partir à l’âge légal de pour de très nombreux salariés notamment ceux qui auront une faible retraite.
De quoi nous questionner
Tout cela me conduit à me poser plusieurs questions auxquelles vous avez peut-être la réponse.
- La durée sans cesse augmentant de la cotisation est-elle inéluctable ? Nombreux sont ceux qui vous répondront oui. Cela est donc lié à l’espérance de vie ? Quid de la pyramide des âges des actifs qui évolue sans cesse ? Quand cela va-t-il s’arrêter ? Jamais ?
- Pourquoi le calcul du montant des retraites doit-il s’appuyer sur l’ensemble de la carrière ? Pourquoi pas les 5- 10 – 15 – 20 ou 25 meilleures années pour tous ? serait-ce une variable d’ajustement possible ?
- Que deviennent les exclus, ceux qui n’auront jamais les années de cotisation requises avec des carrières remplies de trous ou pas de carrière du tout ? Pourquoi ne parle-t-on jamais d’eux ? Toutes ces personnes qu’accompagnent notamment les travailleurs sociaux. Quel sera le montant du minimum vieillesse ?
- Comment se fait-il que les cheminots, les enseignants soient considérés comme des privilégiés alors que l’on peine à les recruter par manque de candidatures ? Leurs métiers comme à l’hôpital et dans les services publics sont-ils vraiment si attractifs. Peut-on réellement parler de privilège ?
- Pourquoi ceux qui sont riches ou très riches (et qui en ce sens sont des privilégiés) ne contribuent pas à rééquilibrer cette injustice de niveau des retraites ? Ils sont des milliers qui disposent de quoi vivre très confortablement plusieurs dizaines, voire centaines de vies entières en plus de la leur. Ne serait-ce pas faire œuvre de solidarité ?
J’ai bien d’autres questions sans doute idiotes en tête auxquelles je suis bien incapable de répondre me méfiant -par expérience – des réponses sous forme de promesses qui, rappelons-le, n’engagent très souvent que ceux qui les croient.
Pourtant, notre pays est regardé avec envie quand de l’étranger on découvre nos congés payés et nos RTT, notre système de santé (bien que très abimé lui aussi), nos retraites… Faut-il pour autant s’aligner sur le moins disant ou sur le moins offrant ?
Et le reste…
Le terrain et notamment une part non négligeable du monde du travail est en colère et exprime défiance et dépit. Manifester devient risqué avec la doctrine actuelle du maintien de l’ordre qui là aussi apporte son lot d’interrogations et d’inquiétudes pour nos libertés.
Le Canard enchainé, dans le numéro de la semaine dernière, annonce que « des millions de grenades lacrymogènes » ont récemment été acquises par le Ministère de l’Intérieur. La facture monte à 38 millions d’euros pour cette commande inhabituelle, alors que le précédent appel d’offre se « limitait » en 2018 à 11 millions 600 mille euros. Pourquoi de tels achats dans un contexte si tendu ?
Non, il faut que j’arrête de me poser des questions. Il y en a trop…
Photo : gratisography
2 Responses
Cette réforme creuse encore plus les inégalités. La baisse des pensions devra être compensée par la capitalisation (fonds de pension) mais comment les personnes à faible revenus pourront elles capitaliser ??? Juste « les riches » pourront le faire mais ils n’en auront pas besoin sauf pur avoir encore plus ! En 2008, il a été reconnu que grâce à son système social et de retraite l’impact de 2008 avait été moindre. Une autre crise bancaire et la retraite par points sera fatalement touchée par une dévalorisation du point ! Il y a d’autres solutions que cette réforme pour assurer l’équilibre de la retraite actuelle par exemple l’égalité des salaires hommes femmes pour ne citer que cette mesure !
L’âge pivot était un leurre pour faire entrer la CFDT dans les négos et entériner un accord entre ce syndicat et le gouvernement., pour démobiliser les grévistes. Il faut lutter contre ces mesures inégalitaires et discriminantes. Pauvre tu vis encore plus pauvre tu seras à ta retraite !
Bonjour
La reforme des retraites ne peut certes être déconnectée de son environnement médiatique et aussi de nombreuses questions sur le champ d’application et du par paramétrage de l’âge de départ en retraite, Mais si la défiance est immense c’est bien que tout le monde sait que le niveau des pension est voué à diminuer et que les départs en retraites seront retardés.
Pour autant nous pouvons constater que les inégalités sont là. Et cette reforme ne vient pas y mettre fin. les plus riches vont payer moins ,la pénibilité du travail (forte dans le secteur social) laissera aussi des pans entiers de salariés avec une différence de traitement car ciblé que sur certains métiers..Bref , cette réforme ne va pas modifier radicalement les composantes injustes actuelles et nous n’en sommes pas dupes.