Pourrons-nous demain nous passer de l’Intelligence artificielle (IA) ? Quelles limites poser ?

[current_page_url]

Tout le monde en parle ! alors allons-y nous aussi… Vous le savez, Paris accueille depuis hier un sommet mondial sur l’IA. Vice-président américain, vice-Premier ministre chinois, chancelier allemand… Des dirigeants politiques du monde entier et des patrons de la tech se retrouvent à un moment où cette technologie nous questionne sur ses impacts potentiels dans notre vie personnelle et professionnelle. Il faut s’en préoccuper. Cette technologie soulève de nombreuses interrogations, notamment avec l’essor des IA dites « génératives ». Celles qui produisent des textes et répondent à vos questions. Évidemment, ce type de rencontre internationale peut vite devenir une ode au technosolutionnisme. Cette nouvelle religion nous invite à nous reposer sur des outils que le particulier ne maitrise pas, comme c’est le cas désormais avec les réseaux sociaux et les applications qui accompagnent notre vie de tous les jours.

L’intelligence artificielle (IA) est devenue une composante incontournable de notre vie numérique. Elle se manifeste dans divers aspects, allant des assistants vocaux aux systèmes de recommandation, de notation en passant par les voitures autonomes (qui au passage ne sont pas prêtes de venir sur nos routes). Cette omniprésence soulève des questions sur les limites à établir pour éviter que l’IA ne dépasse les frontières de l’acceptable. Alors que certains voient en l’IA une opportunité de progrès et d’efficacité, d’autres craignent ses implications sur la vie privée et l’emploi.

IA menace ou opportuniteSelon une étude d’Ipsos, « Vivre avec l’intelligence artificielle : opportunité ou menace », l’IA est perçue à la fois comme une source de progrès technologique et comme une menace potentielle pour la société. Nous sommes confrontés à un dilemme : peut-on tirer parti des avantages de l’IA tout en protégeant nos valeurs et notre bien-être ? La perception publique est ambivalente :  elle est d’une part considérée comme une source de progrès technologique pour améliorer l’efficacité, la productivité et l’innovation dans divers secteurs. Mais elle est également perçue comme une menace potentielle pour la société. Elle suscite à juste titre des inquiétudes quant à ses impacts sur l’emploi, la vie privée et la sécurité.

L’IA est souvent vue comme un moteur de progrès. Elle est capable d’automatiser des tâches répétitives, d’améliorer la précision et de libérer les humains pour des activités plus intéressantes. Ces avantages dont mis en avant par les promoteurs de la tech et il est vrai que dans certains secteurs son usage est efficace. Par exemple, dans le domaine de la santé, l’IA peut aider à diagnostiquer plus rapidement et avec plus de précision certaines maladies, ce qui peut sauver des vies. De même, dans l’industrie manufacturière, l’IA peut optimiser les processus de production, réduire les coûts et améliorer la qualité des produits.

Cependant, l’usage de l’IA soulève également des préoccupations majeures. L’une des principales inquiétudes concerne l’impact sur l’emploi. Selon certaines études, une partie des emplois pourrait être menacée par l’automatisation, ce qui pourrait entraîner des perturbations sociales et économiques significatives. Par exemple, des métiers comme ceux de conducteur de taxi ou de camion pourraient être remplacés par des véhicules autonomes, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes pour les travailleurs concernés.

En outre, l’IA suscite des inquiétudes sérieuses quant aux risques d’atteinte à la vie privée et à la sécurité des données. Les systèmes d’IA nécessitent souvent la collecte et l’analyse de grandes quantités de données personnelles, ce qui peut exposer chacun d’entre nous à des risques de surveillance et de manipulation. Les deepfakes, par exemple, peuvent être utilisés pour créer des contenus trompeurs, ce qui peut avoir des implications graves pour la démocratie et la stabilité sociale. Les exemples ne manquent pas sur ce sujet.

Enfin, la question de la responsabilité et de la transparence des systèmes d’IA est aussi un sujet de préoccupation. Les décisions prises par les algorithmes d’IA peuvent être difficiles à comprendre et à expliquer, ce qui rend difficile l’attribution de la responsabilité en cas d’erreurs ou de préjudices. Finalement, l’étude d’Ipsos nous montre combien la perception publique vis-à-vis de l’IA est comme une pièce à deux faces. D’un côté des promesses d’une vie meilleure, de l’autre un contrôle accru et la perte de nos libertés. Pour tirer parti des avantages de l’IA tout en minimisant ses impacts négatifs, il est essentiel de développer des cadres réglementaires solides et d’encourager la réflexion éthique sur ce que nous souhaitons réellement.

L’IA dans le quotidien : entre efficacité et inquiétudes

L’IA a déjà envahi notre quotidien de manière significative. Les assistants vocaux comme Alexa ou Google Assistant sont devenus des compagnons de maison de millions de particuliers. Certains trouvent là une aide qui facilite la gestion des tâches domestiques et la recherche d’informations. Les applications de navigation utilisent l’IA pour optimiser les trajets en temps réel. (Je me suis disputé hier en allant à la gare, car mon passager voulait à tout prix que j’utilise Google Maps pour vérifier mon trajet que je connais pourtant par cœur). L’appli est bien plus efficace que tes habitudes me disait-il et tu sais à quelle heure tu vas arriver. Pourquoi t’en priver alors que je réclamais de mon côté le droit de m’en passer.

Un récent article du journal Ouest-France a recueilli des témoignages sur l’impact de l’IA dans la vie quotidienne. Il montre à quel point elle est intégrée dans nos routines. Cette réalité rend encore plus urgente la nécessité d’un dialogue public sur les limites à établir pour garantir que l’IA serve l’humanité sans compromettre nos valeurs fondamentales.

Il nous faut apprendre à savoir se passer de l’intelligence artificielle (IA)

Cela peut être utile pour plusieurs raisons éthiques. Nous avons intérêt à maintenir notre autonomie de pensée et de prise de décision, Nous sommes alertés par les risques de biais et de discrimination et nous avons toujours autant besoin de protéger notre vie privée. Pour certains, ce besoin serait secondaire. Mais queand on travail dans le social, il est facile de mesurer ce que peut représenter les atteintes à la vie privée.

L’IA va pouvoir remplacer les humains dans des tâches qui demandent du jugement et de l’empathie, cette capacité à comprendre l’autre et nous mettre à sa place. Cela peut nous conduire à une perte d’autonomie pouvant aller jusqu’à la perte de notre dignité humaine expliquait dès 1976 l’informaticien Joseph Weizenbaum. Pour lui l’IA ne devrait pas être utilisée pour remplacer des personnes dans des positions qui exigent le respect et les soins. Il donnait déjà en exemple le service à la clientèle (l’IA était déjà utilisée pour les systèmes téléphoniques interactifs de réponse vocale). Il s’opposait au remplacement du soignant ou de l’aidant (comme le proposait le philosophe Kenneth Colby dans les années 1970). L’assistance aux personnes âgées (comme l’a rapporté Pamela McCorduck dans son livre The Fifth Generation).

Même chose pour  un soldat, un juge ou un policier. Joseph Weizenbaum expliquait que nous avons besoin d’humanité de la part des personnes occupant ces postes. Si les machines les remplacent, nous nous retrouverons aliénés, dévalués et frustrés. écrivait-il. Cela représente pour lui une menace pour la dignité humaine.  En ne dépendant pas uniquement de l’IA, nous pouvons maintenir des interactions humaines significatives et préserver notre autonomie.

Nous savons aussi que les systèmes d’IA peuvent hériter des biais présents dans les données d’entraînement, ce qui peut conduire à des décisions discriminatoires. En ne s’appuyant pas exclusivement sur l’IA, nous pouvons éviter ces biais même si nous en avons aussi en tant qu’humains. Nous avons à tenter de garantir une plus grande équité dans nos processus décisionnels. L »équité dans la conception et l’utilisation de l’IA sont essentielles pour combattre ces biais implicites. Or, nous en sommes encore loin.

Vous savez également car c’est documenté que l’IA nécessite souvent la collecte et l’analyse de grandes quantités de données personnelles. Cela peut porter atteinte à la vie privée de chacun d’entre nous. En limitant l’utilisation de l’IA, nous pouvons réduire les risques de surveillance et de manipulation de données sensibles. Les technologies de surveillance de masse, comme la reconnaissance faciale, soulèvent des inquiétudes particulières qu’il ne faut pas négliger.

Enfin il est un autre point que l’on aborde trop peu souvent : l’IA, bien qu’elle puisse générer des contenus créatifs, ne peut pas ressentir les émotions ou vivre les expériences humaines. En ne faisant pas appel uniquement de l’IA dans les domaines créatifs, nous pouvons préserver la richesse et la profondeur de l’expression humaine. Certains ont même trouvé 50 arguments différents pour s’en passer. C’est dire ! Cela permet de maintenir une connexion émotionnelle et authentique avec les œuvres d’art et les créations humaines.

En résumé, savoir se passer de l’IA est utile pour maintenir l’autonomie humaine, prévenir les biais, protéger la vie privée et promouvoir notre créativité. Ces aspects sont essentiels pour garantir que l’IA serve l’humanité sans compromettre nos valeurs fondamentales. Et je me dis aussi qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Pourquoi en suis je arrivé à écrire un article qui recommande de ne pas systématiquement utiliser l’IA ? C’est un curieux paradoxe. Je me rends compte que nous sommes au bord d’un changement majeur de paradigme au point que l’humanité toute entière délègue ses compétences à des machines sans véritablement se poser de questions pour le plus grand bénéfice des multimilliardaire de la technologie.

Irons nous vers un avenir équilibré ? l’IA au service de l’humain

Pour que l’IA serve réellement l’humanité, il est essentiel que nous en parlions. Il nous faut ouvrir un dialogue entre les développeurs de technologies, les législateurs et les utilisateurs finaux que nous sommes. Sinon nous serons broyés par la technologie. Ce dialogue doit bien évidemment inclure les professionnels de l’aide et du soin et les chercheurs en sciences sociales qui sont en mesure de fournir des retours précieux sur les impacts de l’IA sur notre société.

En fin de compte, l’IA pourra peut-être devenir une force positive si elle est utilisée de manière responsable et éthique. Nous devons établir des limites claires qui garantissent que cette technologie soit conçue pour améliorer la vie des gens sans compromettre leurs droits. Nous pourrons peut-être alors créer un avenir où la technologie et l’humain coexistent en harmonie. Je ne suis pas certain que nous en prenions le chemin. La technologie est d’abord avant tout un gigantesque marché. Bon pour les chiffres d’affaires de sociétés qui prennent un virage sans tenir compte des effets qu’ils vont produire.

Toujours plus, toujours plus loin jusqu’au crah final ?

Sources

 


Ne manquez pas ce soir sur France TV :

« Les sacrifiés de l’IA » : dans son documentaire, Henri Poulain révèle les coulisses d’une industrie qui exploite la misère humaine

Ce documentaire inédit Les sacrifiés de l’IA, réalisé par Henri Poulain, nous fait découvrir la face méconnue, et souvent occultée, de la production des intelligences artificielles, ses impacts environnementaux, les conditions d’emploi éprouvantes de ses millions de travailleurs à travers le monde. Très loin des beaux discours des Musk, Zuckerberg et autres qui nous disent en gros que l’intelligence artificielle (IA) va sauver le monde, l’auteur du documentaire lève le voile. Des hommes, des femmes sont exploités par cette industrie parce que contrairement aux récits des géants de la Tech, ces systèmes n’ont rien d’autonome. Ce sont bien des humains qui les façonnent et c’est d’ailleurs ce que veulent nous faire oublier les patrons de l’IA. « Il y a un récit marketing explique-t-il, il s’agit de présenter l’IA comme le résultat d’un progrès technologique ultime et qui affranchirait l’humanité du travail, du dur labeur« .
à découvrir ce mardi 11 février à 22h40 et sur France 2 et france.tv

Photo en une : Freepik

Articles liés :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.