Pourquoi les travailleurs sociaux ont intérêt à communiquer avec les journalistes ?

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Certains travailleurs sociaux sont suspicieux envers les journalistes de la presse généraliste. Ils leur reprochent un traitement par l’émotion des informations qui ne tiennent pas compte des réalités de terrain. Cela vaut principalement pour la presse généraliste. Les journalistes de presse spécialisée, connaissent le secteur. Bien logiquement, ils sont appréciés, car leurs articles reflètent mieux la complexité des situations et ce à quoi les professionnels sont confrontés. Mais nous ne savons pas partager des « histoires de travail social » positives avec le public alors que cette pratique peut permettre une bonne compréhension de notre travail et améliorer l’image de nos professions.

Le « grand public » a de fausses idées sur le travail social qu’il est très facile de critiquer. Nous sommes prisonniers de représentations dont certaines sont caricaturales. Quelle est l’image du travail social dans les grands médias ? Ne laisse-t-on pas penser que finalement nous n’agissons pas suffisamment pour éviter aux enfants d’être victimes de violences ou aux personnes âgées d’être secourues ? Il est fort possible que, tant que nous ne permettrons pas aux journalistes d’aller au plus près de notre travail, nous resterons incompris du grand public qui a du mal à comprendre comment nous travaillons et ce que nous faisons.

Nous semblons accepter une culture du blâme qui nous conduit souvent à rester entre nous. Mais il faut préciser que nous avons aussi parfois de bonnes raisons d’agir de la sorte. Qui n’a pas été « trahi » par un article qui penche vers le sensationnalisme et « l’à peu près », l’article qui ne relate que de façon tendancieuse notre travail ou se limite à ne donner qu’un point de vue simpliste ? Ce débat vaut pour toutes les professions mais il est particulièrement sensible dans le champ du travail social.

Compte tenu de tout cela, quelle image ont les travailleurs sociaux  de leur profession lorsque elle est présentée dans  les médias? En Angleterre, la question se pose tout autant qu’en France. C’est pourquoi j’ai traduit une partie de cet article que j’ai adapté à notre modèle français car nous avons la même préoccupation.

Au Royaume Uni, la société David Niven media training a commandé une étude en direction des travailleurs sociaux pour tenter de mesurer la qualité de leur perception du traitement médiatique de leur parole.

10 questions ont été posées sur des sujets tels que l’importance de l’image et de la parole des travailleurs sociaux de terrain.  356 réponses ont été exploitées. Les réponses permettaient de se positionner sur une échelle de valeurs allant de «fortement d’accord» à «fortement en désaccord». Chaque question a également obtenu entre 40 et 70 commentaires distincts.

Pour la question: « L’image du travail social dans les médias est-elle selon vous satisfaisante », 90% des répondants sont fortement en désaccord ou en désaccord. Parmi les commentaires il a été retenu que « Les reportages sont souvent très  centrés sur les émotions, simplistes, souvent inexacts et  regardent rarement les problèmes structurels  de la désintégration de notre société. » « Les points positifs ne sont jamais signalés. »

En outre, 90% se déclarent fortement d’accord ou d’accord avec l’affirmation que   » Les employeurs devraient être plus ouvert aux médias sur le travail des travailleurs sociaux ». Mais il est à noter que  « Les questions relatives à la confidentialité, le partage de l’information et la protection des données sont utilisés trop régulièrement comme une excuse pour éviter l’engagement des médias. » Il est aussi précisé que « [Nous] devons en savoir plus sur les bonnes pratiques et les résultats positifs. » Cela ne veut pas dire que nous aurions à partager des informations qui ne devraient pas l’être mais plutôt que nous ne savons pas comment aborder une question relative au secret professionnel sans crainte de le lever.

76% des personnes interrogées sont fortement en accord ou en accord avec l’affirmation qui indique que  « Les travailleurs sociaux de terrain devraient être vu et entendu de façon plus importante dans les médias. »

Kieran Files  est un consultant spécialiste de la communication médiatique. Sa thèse de doctorat a exploré le langage et les termes utilisés lors  des entrevues des travailleurs sociaux avec les médias. Ses premières réflexions issues de son enquête ont montré que les sentiments suivants étaient monnaie courante : « les médias sont agressifs lorsqu’ils interrogent des travailleurs sociaux  à la suite de scandales et de tragédies ». « Cela  rend le travail des praticiens plus difficile ». Les conséquences pour le moral sont évidentes:  » tout cela est démoralisant et laisse un fort sentiment de colère  difficile à vivre. » « Pourquoi ne parlons-nous jamais de  nos façons de travailler  et de la participation des personnes aidées ? » un participant suggère aux employeurs de travailleurs sociaux de proposer des formations sur la façon de mieux communiquer des histoires positives avec les médias.

Nous devrions faire connaitre de nombreuses histoires de travail social positives avec le public pour améliorer la compréhension et rééquilibrer notre image. David Niven   donne en Angleterre des cours de troisième cycle aux journalistes juste avant la qualification pour les initier au monde du travail social et démystifier ce secteur quand ils viennent d’écrire à ce sujet. Il n’y a aucun problème de suggérer l’inverse et en invitant les journalistes à parler avec des étudiants en travail social afin de leur expliquer leurs attentes et les modes d’approche de la communication avec les journalistes. C’est une démarche à double sens, les journalistes sont eux-mêmes en apprentissage.

Il existe  beaucoup de journalistes curieux et intéressés qui sont prêts à produire des articles mesurés et équilibrés. Et il y a aussi beaucoup de travailleurs sociaux suffisamment expérimentés  susceptibles de donner à voir nos pratiques et références professionnelles aux  médias sans être empêchés par les employeurs. Ils peuvent valoriser les réussites de terrain. D’autres  peuvent traiter et réagir face aux plaintes et situations de crise. La confiance reste possible, mais nous avons besoin de plus de respect entre journalistes et travailleurs sociaux.

Pour chaque événement dramatique relaté dans la presse de façon déséquilibré, il sera d’autant plus difficile pour le  travailleur social de taper à la porte d’une famille le lendemain afin de gagner sa confiance. Nous devons proposer à nos employeurs que soient engagées des formations qui permettent aux travailleurs sociaux de communiquer sur leurs expériences  positives avec les personnes et les familles. Cela contribuera à améliorer la perception du public vis à vis des professionnels et les aidera à s’engager dans un travail avec eux sans stigmatisation.

photo :  Donald Lee Pardue  « Interview in Progress » Prise le 11 août 2012 Certains droits réservés

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