La mort d’Audrey Adam, tuée le 12 mai dans l’exercice de ses fonctions, a été passé sous silence médiatique, ou presque nous confirme l’équipe de journalistes de Libération en charge de vérifier les « Fakes News » qui circulent sur les réseaux sociaux. Ce travail d’introspection de la presse est tout à l’honneur de ce journal qui est allé à la source de ce que certains à France Info avaient initialement considéré comme un fait divers et non un fait de société. (la rédaction de Franceinfo a par la suite diffusé différents sujets sur cette actualité).
Libération a fait les comptes : Les principaux articles à propos de cet assassinat ont été rédigés par le quotidien local, l’Est éclair, qui, à mon avis, a précisément relaté les faits survenus et suivi leur évolution. Il faut préciser aussi que « certains médias nationaux ont repris une courte dépêche de l’AFP, rapportant les éléments du procureur concernant le décès de la victime et de son meurtrier. Le Monde et la Croix sont revenus plus longuement sur ce meurtre sous l’angle de la colère des assistants sociaux, ignorés par le gouvernement. L’Humanité y a consacré un éditorial ».
Libération reconnait ne pas avoir publié d’article à ce sujet. La rédaction parle d’une omission, mais « n’écarte pas l’idée de revenir sur ce meurtre et les conditions de travail des assistants sociaux bientôt ». Cette relative absence d’intérêt journalistique pour le meurtre de notre collègue conseillère en économie sociale familiale (CESF) a été dénoncée par les travailleurs sociaux dont certains se mobilisent. La pétition du collectif Travail Social Demain a recueilli plus de 45.000 signatures
Des auditeurs de Radio France ont reproché « aux chaînes du service public, le manque de couverture médiatique, comme le souligne Emmanuelle Daviet, la médiatrice des antennes de Radio France dans sa lettre du mois de mai. » Dans cette lettre, il est publié plusieurs témoignages d’assistantes sociales dont celui-ci :
Les invisibles : « Le 12 mai, Audrey Adam, jeune travailleuse sociale, a été abattue par une personne âgée qu’elle accompagnait. Tuée d’une balle, alors qu’elle était partie chez lui en visite à domicile. Elle était maman de deux enfants de 4 et 9 ans. Elle faisait partie de ces travailleurs de l’ombre, travailleurs sociaux chargés d’accompagner toutes les souffrances et les misères de notre société, sans que personne ne s’en préoccupe.
Elle a été abattue et personne n’en parle. Personne ne manifeste. Et aucun ministre ne prend le micro. Aucun journaliste non plus.
Je suis moi-même assistante de service social depuis 17 ans… 17 années aux côtés de ceux que la société rejette, renie, cache… On meurt de la misère On meurt aussi de ne pas exister, de ne pas être aussi « médiatiquement » intéressant. On est invisible. »
Pas de déplacement ministériel comme pour les policiers
Le journal Libération constate aussi qu’aucun ministre ne s’est déplacé immédiatement dans l’Aube, comme les ministres de l’Intérieur peuvent le faire pour le meurtre d’un policier. Cela contribue à provoquer un ressentiment des travailleurs sociaux à l’encontre du gouvernement accusé de n’agir que dans un sens même s’il y a eu quelques réactions ponctuelles (Brigitte Bourguignon, Adrien Taquet, Emmanuelle Wargon). Il y a peut-être aussi une dimension politique à observer : les policiers et forces de l’ordre sont plutôt classés à droite de l’échiquier politique tandis que les travailleurs sociaux sont souvent considérés de gauche par certains élus. Ce clivage qui porte plus sur les idées que sur l’appartenance à un parti a-t-il joué dans la médiatisation ? Est ce plutôt dû à un manque de représentation nationale des travailleurs sociaux dont les employeurs sont disséminés dans les Départements ? Il est vrai que les syndicats de policiers sont très présents dans les médias et se font entendre. Rien de tout cela dans le secteur du travail social.
Le zoom de la rédaction de France Inter
En tout cas des réactions arrivent maintenant. Hier matin le zoom de la rédaction de France Inter est venu sur ce sujet en titrant : « Assistantes sociales : le grand malaise d’une profession« . L’article place cet assassinat dans un contexte plus large en rappelant par exemple qu’une assistante sociale de Troyes avait déjà été violemment frappée par un usager.
Claire Chaudière journaliste a interrogé David Bernard est le secrétaire de la section CFDT du conseil départemental de l’Aube : « »Tout le monde se demande ce qui fait que des personnes s’en prennent à ceux qui viennent les aider. Cela paraît tellement paradoxal. Cet assassinat, c’est l’horreur absolue. Mais cela fait remonter les peurs de la violence plus quotidienne : les insultes au téléphone, les visites à domicile qui se passent mal »…
La journaliste a aussi interrogé une collègue d’Audrey Adam : « »Même si notre direction a mis en place un suivi psychologique, certaines d’entre nous sont très affectées. …/… À un moment donné, on se dit qu’on est aussi invisibles que le public dont on s’occupe. Notre métier aussi est difficile et mérite reconnaissance. On a le sentiment d’être complètement oubliés.
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Photo : capture d’écran site de Libération Checknews
Une réponse
enfin on en parle
le lendemain de ce triste évènement je m’étais exprimé pour dire que les ministres n’étaient pas intervenus …
il faut vraiment que les acteurs du social soient plus actifs pour s’exprimer et dénoncer l’absence de place pour ce domaine dans les mesures publiques si ce n’est pour restreindre les droits ou stigmatiser les bénéficiaires d’aides !!!
La politique au sens large concerne les travailleurs sociaux pour les publics pour lesquels ils sont là !!!