Pourquoi, à l’orée du second quart du nouveau siècle, est-il encore nécessaire de parler aux jeunes générations de cette souillure qui a éclaboussé l’Europe pendant 2000 ans ? Sans doute, parce que « le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde », comme l’écrivait Bertolt Brecht.
Et parce que la confusion est entretenue entre l’identité juive et le soutien aux crimes perpétrés par le gouvernement d’extrême droite d’Israël. Ainsi que l’usage abusif de l’accusation d’antisémitisme à l’encontre de toutes celles et ceux qui critiquent le colonialisme pratiqué par cet État.
L’antisémitisme est une pure production du 19ᵉ siècle. Ce qui a longtemps dominé, c’est l’antijudaïsme, explique Michel Wieviorka. Et c’est la religion chrétienne qui en est à l’origine, désignant le peuple professant la foi juive, comme déicide. Son crime ? Avoir, selon le mythe du Nouveau Testament, fait crucifier le Christ.
Les persécutions se succèdèrent, tout au long du Moyen Âge, contre une population éparpillée à travers toute l’Europe. Bouc-émissaire tout trouvé, elle se vit, tour à tour, accusée de sacrifier des enfants chrétiens, d’empoisonner des puits ou de répandre les épidémies. Le port de la rouelle arborée sur le vêtement (reprise par les nazis sous forme d’étoile jaune), l’interdiction de pratiquer certains métiers (encore en vigueur aux USA jusque dans les années 1960 !), les conversions religieuses contraintes (que le monde musulman ne pratiqua jamais), etc. furent imposés massivement.
Mais le mépris, la haine et les préjugés n’ont pas suffi. Les tueries s’en sont mêlées. De terribles massacres furent perpétrés par les croisés entre le 11ᵉ et le 13ᵉ siècle, par les Cosaques d’Ukraine au 17ᵉ ou lors de Pogroms russes du 19ᵉ. La solution finale appliquée par les nazis en sera l’aboutissement. La Shoah assassinera six millions de juifs, sans que pour autant la fin de la guerre ne mette un terme à un antisémitisme se prolongeant à l’est de l’Europe.
L’antijudaïsme a des racines religieuses. Mais l’antisémitisme trouve sa source dans le mythe nationaliste opposant une soi-disant origine aryenne des peuples européens aux racines sémites des populations juives (et arabes aussi, d’ailleurs). Cette fiction est grotesque et ignoble. Mais elle prend place dans une argumentation raciste plus globale tentant de justifier le colonialisme sur une pseudo-hiérarchisation entre les races.
Les personnes qui se reconnaissent dans la judéité se sentent appartenir soit à un même groupe humain, soit à une religion, une culture ou des traditions partagées, sans qu’il y ait forcément confusion. Il est fréquent de se revendiquer de l’un(e) sans le faire avec l’autre. Il en va de même pour toute communauté, qu’elle soit nationale, spirituelle, ethnique etc… Le peuple juif est composé de six millions de personnes habitant Israël et de huit millions répartis dans la diaspora du reste du monde. Une particularité lui est toutefois propre : l’existence d’un État se revendiquant comme un « foyer national » offrant à ce peuple refuge potentiel… construit en chassant les populations qui y vivait jusque-là.
Les persécutions, les massacres, les discriminations imposés aux juifs depuis 2 000 ans, aucun peuple ne l’a jamais subi dans l’histoire. Si ce groupe humain est le bienvenu dans notre pays où il a su trouver sa place, depuis que la Révolution française leur a grand ouvert les portes de la citoyenneté républicaine, l’oppression vécue dans leur chair ne saurait être un passe-droit pour autoriser certains nationalistes sionistes à perpétrer des crimes de guerre et contre l’humanité contre le peuple palestinien.
Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »
Il est signé Jacques Trémintin
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2 réponses
Bonjour Madame,
Vous avez raison concernant mes références historiques qui peuvent laisser apparaître des lacunes. Je vous ferai néanmoins remarquer qu’il ne s’agit pas d’un article de fond de ma part, mais de la recension d’un livre. Je conçois cet exercice comme une synthèse des éléments qui m’ont semblé, à la lecture, les plus signifiants. La question n’est pas tant que je sois d’accord ou pas avec ce qui est dit, mais de tenter de retransmettre la pensée d’un(e) auteur(e).
Ceci dit, je veux bien reprendre avec vous les éléments que vous soulignez et qui sont présents sous la plume de Michel Wieviorka.
» QUAND VOUS DITES QU’IL N’Y A JAMAIS EU DE CONTRAINTE À LA CONVERSION DANS LES PAYS MUSULMANS VOUS OMETTEZ DE PARLER DU STATUT DE DIMIH… SAVEZ VOUS DE QUOI IL S’AGIT? »
Le DIMIH n’est pas à proprement parler une contrainte à la conversion, mais un statut spécial imposant un impôt du fait de la non-appartenance au culte musulman. Pour discriminatoire que soit cette humiliation, elle peut difficilement être comparée avec l’obligation faite aux juifs, en 1492, en Espagne, de renier leur religion et de se convertir sous peine d’expulsion du pays. La tolérance de la religion catholique de l’époque n’est plus à démontrer !
« QUAND VOUS DITES QUE LA CRÉATION D’ISRAËL S’EST FAITE EN CHASSANT DES POPULATIONS QUI Y HABITAIENT VOUS OMETTEZ DE PARLER DU PLAN DE PARTAGE DE 1948. SAVEZ VOUS DE QUOI IL S’AGIT? »
Le plan de partage publié par l’ONU le 29 novembre 1947 fut rejeté par la quasi-totalité des pays arabes. La première guerre israélo arabe qui se déclenche en 1947-1948 est directement liée à ce refus. Le territoire compte alors 630.000 juifs et 1.340.000 Arabes. La moitié de la population arabe vivant à l’intérieur des limites de la partie dédiée à Israël, elle est effectivement chassée de son pays pour laisser la place aux nouveaux résidents.
« ENFIN VOTRE DÉMARCHE EST TOUT À FAIT HONORABLE MAIS VOUS PORTEZ UN POSITIONNEMENT POLITIQUE LAISSANT ENTENDRE (C’EST MON INTERPRÉTATION) OUI AUX JUIFS DE DIASPORA QUI AFFIRMENT LEUR JUDAÏTÉ, MAIS NON AUX JUIFS COMME NATION QUI AFFIRMERAIENT LEUR JUDAÏSME PLEIN ET ENTIER C’EST À DIRE : UNE LOI (THORA) UN PEUPLE ET UNE TERRE! CE QUI N’EXCLU PAS BIEN ENTENDU DE CRITIQUER LE GOUVERNEMENT D’ISRAËL … COMME TOUT AUTRE GOUVERNEMENT ET PAYS. »
Pour ce qui est des juifs de la diaspora et ceux résidant en Israël, je n’ai fait que reprendre la présentation de l’auteur. Je l’ai trouvé intéressante, car pour moi cette question était nébuleuse. Je ne dis pas oui aux juifs de la diaspora et non à ceux d’Israël. Si vous l’avez interprété ainsi c’est que je me suis très mal exprimé. J’ai juste repris l’argument de ce livre qui m’a totalement convaincu : on peut se revendiquer juif, sans être croyant, ni sioniste. On peut être croyant, juif et sioniste. On peut être sioniste sans être croyant. On peut être croyants ans être sioniste. Les identités sont multiples.
« VOS PROPOS LAISSENT ENTENDRE AUX JEUNES UNE CERTAINE ILLÉGITIMITÉ DE L’EXISTENCE D’ISRAËL »
Je vous avoue être très perplexe concernant la légitimité d’Israël. Je trouve que la situation se rapproche de celles des pieds-noirs d’Algérie. Cette colonie française avait instauré un véritable régime d’apartheid imposant une domination raciste implacable, largement partagée et appliquée par les colons sur les algériens. Au lieu d’instaurer un vivre ensemble qui aurait essayé de rétablir un minimum d’égalité, les pieds noirs se sont battus jusqu’au bout pour préserver leur suprématie. Ils ont fini par se faire chasser. Le problème est identique en Israël. Au lieu d’essayer de vivre ensemble avec les palestiniens, nombre d’israéliens nient le droit de ces derniers. Son gouvernement d’extrême droite a déjà exterminé 50 000 personnes dont 14 500 enfants. Une partie de la population française s’est battue pour la paix en Algérie. Combien d’israéliens protestent contre les massacres perpétrés en leur nom ? J’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui résistent : https://www.youtube.com/watch?v=vDEbRjhQuro / https://www.youtube.com/watch?v=ivhawHSCF80
Je n’ai par contre aucune de considération pour ceux qui cautionnent les massacres du 7 octobre ou la répression colonialiste et génocidaire qui ne cesse depuis cette date. Il faudra un jour juger les crimes de guerre de part et d’autre. La seule légitimité que je reconnais aux peuples tant israéliens que palestinien tient pour moi dans le rejet de tout nationalisme d’où qu’il vienne et de la promotion d’expériences comme celle de Neve Shalom – Wahat Al-Salam : https://www.youtube.com/watch?v=0KHJa1_K57o
En conclusion, je fais mien le commentaire d’Anthony Samrani: « Nous sommes cernés par des monstres, à la fois bourreaux et victimes qui se nourrissent les uns les autres depuis des décennies. Libre à nous de les haïr, mais nous ne les changerons pas. Libre à nous de les combattre, mais nous ne les vaincrons pas. Pas avec nos armes en tout cas. Notre plus grand défi n’est pas d’en venir à bout, mais de ne pas finir par leur ressembler » (Tract Gallimard)
MONSIEUR TREMINTIN BONJOUR,
J’AI TOUJOURS APPRÉCIÉ VOS ÉCRITS MAIS LÀ VOUS MANQUEZ DE RÉFÉRENCES HISTORIQUES:
– QUAND VOUS DITES QU’IL N’Y A JAMAIS EU DE CONTRAINTE À LA CONVERSION DANS LES PAYS MUSULMANS VOUS OMETTEZ DE PARLER DU STATUT DE DIMIH… SAVEZ VOUS DE QUOI IL S’AGIT?
– QUAND VOUS DITES QUE LA CRÉATION D’ISRAËL S’EST FAITE EN CHASSANT DES POPULATIONS QUI Y HABITAIENT VOUS OMETTEZ DE PARLER DU PLAN DE PARTAGE DE 1948. SAVEZ VOUS DE QUOI IL S’AGIT?
– ENFIN VOTRE DÉMARCHE EST TOUT À FAIT HONORABLE MAIS VOUS PORTEZ UN POSITIONNEMENT POLITIQUE LAISSANT ENTENDRE (C’EST MON INTERPRÉTATION) OUI AUX JUIFS DE DIASPORA QUI AFFIRMENT LEUR JUDAÏTÉ, MAIS NON AUX JUIFS COMME NATION QUI AFFIRMERAIENT LEUR JUDAÏSME PLEIN ET ENTIER C’EST À DIRE : UNE LOI (THORA) UN PEUPLE ET UNE TERRE! CE QUI N’EXCLU PAS BIEN ENTENDU DE CRITIQUER LE GOUVERNEMENT D’ISRAËL … COMME TOUT AUTRE GOUVERNEMENT ET PAYS.
VOS PROPOS LAISSENT ENTENDRE AUX JEUNES UNE CERTAINE ILLÉGITIMITÉ DE L’EXISTENCE D’ISRAËL
DOMMAGE!
JE SERAIS RAVIE D’AVOIR UNE RÉPONSE DE VOTRE PART. ET PEUT ETRE ÉGALEMENT DE DIDIER DUBASQUE QUE J’AI BIEN CONNU DANS UNE AUTRE VIE!
BIEN À VOUS
RACHEL CHAMLA