Didier Dubasque

Les romans de l’été (2) : Meurtre chez les Roms

Un polar en plein bidonville. Derrière l’enquête menée par le travailleur social Sébastien Marillac, se profile la dénonciation du social-business.

Le dernier bidonville avait été éradiqué au milieu des années 1970. Les voilà qui réapparaissent à l’orée du XXIème siècle. Ils sont près de 400 sur le territoire français, ces taudis surnommés « Platz », par leurs occupants, du mot roumain qui signifie « terrain ».

La seule réponse proposée est répressive. Ils ont beau être expulsés, ils se reconstituent un peu plus loin. Toujours aussi précaires et boueux, insalubres, confrontés aux intempéries, aux maladies et aux épidémies.

Avec néanmoins, des suivis assurés par des travailleurs sociaux recrutés par des associations mandatées. Maraudes, visites régulières sur place, permanences d’accueil. L’objectif est d’ouvrir les droits aux familles : domiciliation, santé, droits sociaux …

La réalité du terrain

Sébastien Marillac est l’un de ces professionnels intervenant pour l’association France Accueil Accompagnement (FAA). Bénévole à la fin de ses études dans des orphelinats roumains, sa connaissance de la langue de ce pays lui ouvrit bien des portes à son retour en France. Trois ans dans un Centre de rétention administrative l’avaient éreinté. Il avait rejoint FAA.

Ce matin-là, son chef lui téléphona aux aurores. Une caravane avait brûlé dans la nuit. Il fallait qu’il s’y rende aussitôt. Était-ce un acte criminel provoqué par les fachos qui ne cessaient de menacer de mettre le feu aux campements ou un règlement de compte de la part de Manouches vindicatifs ?

L’affaire se compliqua quand un corps carbonisé fut découvert, l’autopsie démontrant que la victime avait été tuée avant l’incendie. Sébastien la connaissait depuis longtemps déjà : c’était Léon qui venait de décéder brutalement.

Les péripéties qui s’ensuivent mènent le lecteur sur les pas de Sébastien au cœur de la communauté Roms et en Roumanie, jusqu’à la résolution finale de l’énigme. L’occasion de pénétrer les ressorts d’un monde guère familier.

Marchandisation contre éthique

Mais, il n’y a pas que les amateurs de polar qui y trouveront leur compte. Comme les autres salarié(e)s, Sébastien Marillac y avait pourtant cru, prêt à en découdre contre l’injustice. Et puis la lessiveuse FAA avait bien vite éteint ses passions.

Opérateur de terrain censés accompagner les publics des bidonvilles, FAA s’était transformé en machine à répondre aux appels d’offre. Les valeurs associatives étaient devenues une caution, la pauvreté un produit, les cadres des VRP, managers et gestionnaires.

La résistance des Roms à toute forme d’accompagnement, le poids de la culture, le nomadisme qu’il était si difficile de corriger … Tout était faux. Mais, une telle rente de situation devait perdurer, au prix des pires mensonges répétées aux autorités.

Sébastien Marillac mènera son enquête jusqu’au bout. Mais, sa rébellion contre la logique financière, seule préoccupation de son employeur, lui vaudra un licenciement pour faute grave.

Pure fiction ou récit lucide dans lequel bien des professionnels se retrouvent ? Il revient au lecteur d’en décider. Ce roman pourrait bien s’avérer beaucoup plus réaliste qu’il n’y parait !

 


Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert » Il est signé Jacques Trémintin


Lire aussi :

  • De l’utilité des roms. Une peur populaire transformée en racisme d’état Etienne Liebig, Ed. Michalon, 2012, 158 p. Etienne Liebig explique avoir écrit ce livre, non pas tant pour déconstruire les représentations qui forgent notre inconscient, que pour les énoncer.
  • Ces roms autour de Nantes. Lépreux de notre siècle, René Boiteau, 2012, 165 p., L’extermination de quatre vingt mille Roms, durant la seconde guerre mondiale, n’a fait que couronner onze siècle d’oppression. Mais, le calvaire de ces populations, était loin d’avoir pris fin.
  • Interdit aux nomades Raymond Gurême avec Isabelle Ligner, Ed. Calmann-Lévy, 2011, 233 p. C’est dans une caravane, que Raymond Gurême naît, en 1925. Il appartient à ce peuple des Voyageurs qui a pris bien des noms, à travers l’histoire : Yéniche, Sinti, Bohémien, Romanichel, Tsigane, Gitan, Baraqui.
  • Eternels étrangers de l’intérieur,  Robert Christophe, Desclee de Brouwer, 2007, 452 p., S’il est bien une population dans notre pays qui, depuis de siècles, reste victime de discrimination, c’est bien celle que l’on désigne sous le terme générique de « gens du voyage ».
  • Les invisibles, Philippe Toulouse, Éd. Max Milo, 2020, 239 p., Il faut lire ce récit digne d’un thriller qui met en scène un éducateur spécialisé se dressant face à une collusion politico-associative qui, dans le même temps où elle réduit drastiquement les moyens de l’action sociale locale, perpétue un cocktail de privilèges pour une poignée de hauts dirigeants (salaires élevés, voitures de fonction de luxe, frais de logement privé remboursés etc…).

 


Billets

  • CHAUD AU CŒUR Un chœur de politiciens opportunistes s’illustre dans la relecture peu ragoûtante de deux œuvres de Jean-Paul Sartre: « Les mains sales » et « La nausée ». La première a été rejouée sur le dos des Roms,
  • OÙ EN ÊTES-VOUS ? Deux tiers des français du côté de Valls contre Duflot.

 


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