La revue de la recherche en travail social « Forum » vient de publier un numéro spécial qui rend hommage à Hervé Drouard, cet homme si particulier qui, toute sa vie, a défendu la recherche en travail social. Ce numéro est un témoignage détaillé et précis qui nous permet de découvrir son parcours. Rien n’est banal chez lui. Ce qui plaît en Hervé avec qui j’ai pu échanger par le passé, est d’abord sa grande simplicité. Je fus tout de suite impressionné par la clarté de ses propos. Souriant et le regard pétillant, les évidences qu’il énonçait étaient alors loin de faire l’unanimité. Ce numéro de la revue Forum nous en apprend un peu plus sur ce personnage qui aujourd’hui s’est retiré de la vie professionnelle et intellectuelle, non seulement on regarde son âge, mais aussi en raison de ses problèmes de santé.
Le parcours révélateur d’un homme simple et déterminé
Issu d’un milieu rural et confronté à la pauvreté dès son plus jeune âge, son histoire est assez exceptionnelle même s’il s’en défend. Mais voyez par vous-même. Après avoir été ordonné prêtre en 1958, Hervé Drouard occupe diverses fonctions, notamment celle d’animateur auprès de jeunes marins et de peseur de sacs de sucre à Nantes. Son engagement et son esprit ouvert le conduisent à quitter l’église pour poursuivre des études en sociologie. Il obtient un DECEP (diplôme d’État de conseiller d’éducation populaire), puis une maîtrise en sociologie, et enfin un doctorat en 1975 à la faculté de Vincennes. Il a ensuite enseigné à la faculté d’Alger pendant trois ans.
De retour en France, Hervé Drouard intègre l’EPSI de Clermont-Ferrand, où il développe le concept de praticien-chercheur en travail social, combinant pratique et recherche. Il fonde en 1993 l’Association Française pour des Formations Universitaires en Travail Social (AFFUTS) et devient rédacteur en chef de la revue Forum (de 1989 à 2002). Seuls ceux qui l’ont côtoyé savent qu’il a joué un rôle déterminant dans la création de la chaire en travail social du CNAM. Il milite alors pour une véritable reconnaissance de la recherche en travail social et la création d’un doctorat dans ce domaine.
L’art de faire du pain
Ce qui ressort particulièrement de la personnalité d’Hervé Drouard, c’est la simplicité et la clarté de sa pensée. Il se revendique comme un « besogneux ». Ce qui ne veut pas dire qu’il réfute la complexité du monde actuel. Il a promu la recherche en travail social non comme une quête de scientifisation, mais plutôt comme un retour aux sources de la connaissance, un processus humble et collaboratif.
Il a comparé cette forme de recherche à l’art de faire du pain : un travail artisanal, collectif, une aventure périlleuse, mais prometteuse. Cette approche a permis de développer un savoir spécifique en travail social, en croisant les divers domaines des sciences sociales et en intégrant les expériences vécues par les personnes concernées et bien évidemment celles, toutes aussi riches, des travailleurs sociaux.
Hervé Drouard est reconnu pour son approche qui encourage les étudiants à s’engager dans des enquêtes de terrain. Il a également souligné l’importance de la pluridisciplinarité dans la recherche en travail social et a œuvré pour que ce domaine soit reconnu comme une science à part entière.
Hervé Drouard est à la fois un homme engagé, chercheur, écrivain et poète. Pendant un temps, il déployait sa verve et ses observations d’un monde en perpétuel changement sur Facebook. Mais voilà, un accident vasculaire a fortement diminué ses capacités l’année passée. Qu’à cela ne tienne ! Dans l’un de ses messages devenus de plus en plus rares, il nous avait adressé le texte suivant. Il vous permet de prendre la mesure du personnage qui sait cultiver la dérision dans un style poétique :
De bigleux à borgne…
« TENIR »
Photo : Hervé Drouard – C° Dany Bocquet
Note : L’auteure, Dany Bocquet, avec qui j’ai pu échanger, est la nièce de Hervé Drouard. Assistante sociale de formation, elle nous fait partager avec passion le parcours personnel et intellectuel de son oncle publié dans ce numéro de Forum.