Envie de sortir de chez soi ? : une action collective représentative des pratiques d’intervention des assistantes sociales (ISIC)

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Je souhaite aujourd’hui vous parler d’une action collective conduite par 2 assistantes sociales de Saint Nazaire qui interviennent en polyvalence de secteur. L’air de rien, ces 2 professionnelles nous montrent ce qu’un service social peut faire en s’éloignant de la gestion de dispositif pour agir de façon sensible avec les personnes qu’elles ont accompagnées à cette occasion.

Brigitte Delamarre et Myriam Imbert ont eu envie d’approcher les besoins des habitants de leur secteur en faisant un pas de coté. A force de rencontrer des personnes seules, elles ont décidé de se lancer en invitant à une information collective des personnes connues du service social. Les invitations sont passées par le bouche à oreille avec un seul message clair et plutôt simple : « Envie de sortir de chez soi ? retrouvons nous pour en parler ». Leurs collègues ont été mises à contribution pour contacter les  personnes qui leur semblaient susceptibles d’être intéressées.

Et voilà mine de rien, 10 personnes qui se retrouvent pour une première fois sans se connaître. Il faudra « briser la glace » : pour cela les 2 assistantes sociales ont prévu des jeux sous forme de petits exercices pour que rapidement, les personnes puissent se parler. Le public est en effet très divers : toutes les générations sont présentes, les cultures d’origine sont diverses et aucune référence à un quelconque dispositif n’est demandé.  Elles utiliseront ainsi des outils d’animation issus de l’éducation populaire.

Tout était alors à construire. Le groupe ainsi constitué était sans doute voué à rapidement s’arrêter. Mais la stratégie de ces professionnelles a porté ses fruits. Elles se sont limitées à favoriser la parole de chacun et à aider aux prises de décisions partant du principe que ce qui se construirait serait issue de la volonté du groupe. « Sortir de chez soi » s’est concrétisé en la réalisation d’une ballade sur la plage en bord de mer… Pas de quoi s’émerveiller si ce n’est que ces femmes (aucun homme n’était présent) ont « investi » la plage chacune à sa manière.

Puis une d’entre elles a eu une idée reprise par toutes : si on ramassait des objets abandonnés sur la plage et qu’on les mettait ensemble pour en faire quelque chose ? Oui mais quoi ? on verra…

Le refuge de fortune 

Tout commencera avec un drôle de caillou qu’une des participantes posera sur le sable. « Regardez, c’est un aileron de requin ! »  Chacune y va de son commentaire et c’est ainsi que se tisse le fil d’une histoire . C’est là aussi qu’est née l’idée de réaliser une oeuvre éphémère sur la plage de Saint Nazaire ; « on va l’appeler Le refuge de fortune ! » Et c’est ainsi qu’est né cet endroit symbolique de protection fait de bouts de bois, de coquillages, de cailloux et galets polis par les marées. La parole fuse et chacune y va de son commentaire. Quel plaisir de partager ensemble, de sortir du quotidien et de la grisaille. Il y avait de quoi raconter plein de choses autour du refuge de fortune. une histoire inventée mais qui ne part pas de rien, qui part du vécu de chacun.

Ce plaisir de se retrouver ensemble a conduit les 2 assistantes sociales à revoir le groupe une fois par semaine pour 10 séances.  Le refuge de fortune est pris en photo et un gros requin est reconstitué. Lors d’une rencontre tout le monde visionne les photos du refuge. « Elles sont belles ces photos, on pourrait presque en faire une expo ! »  alors on y va ? Les assistantes sociales ont expliqué leur démarche à leur service qui les a suivi : ok pour réaliser des panneaux de ces photos en y agrémentant des textes.  C’est le groupe qui a eu l’idée d’accompagner les photos d’un texte.

Cette petite expo sera inaugurée aujourd’hui à Saint Nazaire à la Délégation de la Solidarité. Et puis au gré des opportunités, elle pourra aller en d’autres lieux…

Cette action collective toute simple a eu de multiples effets : comme par hasard (mais en est-ce un ?) des femmes du groupe ont souhaité reprendre une activité, le déclic de sortir de chez soi, elles qui restaient isolées dans leur logement sans connaitre grand monde leur a permis de reprendre confiance en elles. Elle leur a permis de reprendre la parole, de créer des envies, pour certaines de se former, pour d’autres de modifier leur orientation professionnelle.

Des effets pour l’insertion sociale et professionnelle

Les effets d’une action collective que nous appelons une intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC) sont puissants. Elles permettent à chacun de reprendre confiance et de s’ouvrir aux autres. Le contenu de l’action n’est qu’un prétexte. Ce qui est essentiel est que les participants puissent expérimenter leur compétences et l’exercice de leur propre pouvoir de décision et de conviction.

Cette action qui va prochainement s’arrêter  a été présentée lors d’une journée de formation organisée par le centre de formation des travailleurs sociaux des Pays de Loire (ARIFTS) Etudiant(e)s et professionnel(le)s ont pu échanger sur la façon d’agir avec les personnes pour qu’elles puissent en toute autonomie tracer leur chemin et ne plus accepter de subir un quotidien qui enferme et étouffe.

Oui, quand on est travailleur social, il faut aussi  savoir faire des pas de côté, agir sur le « sensible » et laisser libre cours à l’imagination et aux rêves. Rêves d’une vie meilleure qui peut aussi devenir réalité.

 

Photo : coté face du carton d’invitation à l’inauguration de l’expo de photos du groupe « envie de sortir de chez soi ».

Remerciements à Karima G et Amina B. participantes du groupe qui ont témoigné lors de la journée ISIC de l’ARIFTS

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