Dénoncer ne suffit pas (Le billet de Jacques)
Apprécions ensemble cette tribune de mon ami Jacques Trémintin publiée par Lien Social. Sa réaction après l’émission Zone interdite (M6) qui met en cause des professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance avec ce titre ravageur « Familles d’accueil, hôtels sociaux : le nouveau scandale des enfants placés » donne à réfléchir. Mais, dit-il en introduction, « M6 nous a offert le spectacle pitoyable de ce qu’elle peut avoir de pire en la matière ».
Il récapitule : Des adolescent(e)s parqués dans des hôtels miteux. Des équipes de professionnels recrutés en intérim recevant la consigne d’éviter à tout prix que leur employeur ne perde le marché. Des recrutements de familles accueillantes sans aucune évaluation, ni vérification de leur casier judiciaire. Des élus découvrant, ébahis, ce qui se déploie sous leur autorité. Des chefs de service qui n’assument pas la responsabilité des dérives des professionnels qu’ils encadrent. Des éducateurs écœurés et découragés qui s’avouent complices de la maltraitance institutionnelle dont ils sont à la fois témoins et acteurs etc, etc, etc. Cela fait quand même beaucoup, ce véritable catalogue des horreurs.
« Ce qui a été dénoncé devait l’être et il n’y aurait encore que quelques cas isolés de ces honteuses pratiques, qu’ils seraient tout autant insupportables et inacceptables. Mais, on sent tout de même confusément poindre une manipulation, une instrumentalisation et une distorsion qui, pour être courantes dans ce type d’émission, n’en sont pas moins identifiables ».
Jacques Témintin nous présente trois effets de distorsion caractéristiques de ce type d’émission. Le premier d’entre eux peut se résumer ainsi : « on trouve toujours ce que l’on cherche ». Il donne à cet effet quelques exemples. Le second effet fait suite à la multiplication des exemples négatifs à laquelle nous avons assisté dans cette émission. Elle a permis d’installer dans notre esprit le sentiment d’une continuité, d’une permanence et d’une constance. Bref, ce qui est montré là, vaut pour tout le système de protection de l’enfance. Enfin le troisième biais intervient habilement distillé : celui de représentativité. Sans s’en apercevoir, le téléspectateur glisse progressivement vers une impression qui s’impose à lui : l’aide sociale à l’enfance, c’est ce qu’on lui montre et non la réalité de la complexité. La seule émotion, pour nécessaire qu’elle soit, ne remplacera jamais une explication et un décodage cruellement manquants, ici. (lire le billet sur Lien Social)
Une mise au point fort éclairante
N’hésitez pas à lire en détail le communiqué du Département de Seine-Saint-Denis qui répond point par point sur ce qui a été diffusé par M6. Il apporte des éléments très éclairants sur les pratiques de journalistes de zone interdite. Nadia Azoug, élue en charge de la protection de l’Enfance, dénonce « les méthodes écœurantes employées dans ce reportage dont la seule ambition est de traîner injustement dans la boue les professionnel·le·s du Département ../.. »
Nord : La situation « catastrophique » de la protection de l’enfance dénoncée par des professionnels et des juges
Avocats, juges des enfants et travailleurs sociaux dénoncent « l’état catastrophique » de la chaîne de prévention et de protection de l’enfance, dans le département du Nord, le plus touché par les demandes de placements. Cette tribune commune dénonce « les manquements du département du Nord » dans la protection des enfants et des adolescents. Une initiative inédite et de poids, dans la mesure où le Nord, département le plus peuplé de France, est aussi l’un des plus touchés par les demandes de placements judiciaires explique le journaliste de 20 minutes Gilles Durand.
En une année, les demandes de placement par la justice ont augmenté de 10 % pour passer à 11.000. Résultat, « près d’un millier d’enfants confiés au département par la justice ne sont aujourd’hui pas protégés ». Le témoignage des professionnels est édifiant : des enfants laissés « dans des situations de danger au domicile familial » ou « ballottés d’un endroit à un autre », « sans savoir où ils seront le soir même ». Il y a aussi des « bébés [qui] passent des journées entières dans l’attente d’un lieu d’accueil dans les bras de professionnels impuissants et démunis ».
Pour les signataires, cette situation est avant tout le fruit de la politique départementale menée entre 2015 et 2019, avec la suppression de 700 places en foyers et de 300 postes de travailleurs de terrain. A l’époque, le département misait sur la prévention pour faire baisser le nombre de placements.On voit le résultat aujourd’hui (lire l’article de 20 Minutes)
- Lire aussi : Enfants placés : L’Aide sociale à l’enfance « incapable de protéger les enfants dignement » | 20 Minutes
Une lettre ouverte adressée à la Première ministre Elisabeth Borne pour demander l’accès à Internet en prison
Plus de 600 personnes signent aujourd’hui une lettre ouverte adressée à la Première ministre Elisabeth Borne pour demander la mise en place d’un accès à Internet en prison. L’ANAS, l’association nationale des assistant(e)s de service social par l’intermédiaire de son Groupe Justice, s’est associée à cette initiative et nous apporte quelques précisions.
Pourquoi une telle demande ? Parce qu’Internet est aujourd’hui omniprésent et incontournable, la lutte contre la fracture numérique a récemment été érigée comme priorité politique explique cet appel. Si l’interdiction de l’accès à Internet en prison n’est posée par aucune loi, elle y est pourtant totale. Et
ce, en dépit des recommandations des institutions et autorités administratives indépendantes qui se succèdent depuis maintenant plus de dix ans : Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Défenseure des droits, Conseil économique, social et environnemental et, plus récemment encore, Commission nationale consultative des droits de l’Homme.
Pourtant, de nombreux pays ont permis l’usage d’Internet en détention. (Allemagne, Autriche, Australie, Danemark, Espagne, États–Unis, Finlande, Lituanie, Royaume–Uni, Suède, Ukraine, etc.) « Outil d’émancipation, d’autonomisation – notamment dans les démarches administratives – et d’atténuation de la ségrégation due à l’enfermement physique, l’accès à Internet conditionne l’effectivité de nombreux droits : droit à l’information, droits de la défense, droit à une vie privée et familiale, etc.
Cet accès constitue également un levier majeur pour développer et diversifier l’offre de loisirs, d’enseignement, de formation et de travail. il permet de limiter les phénomènes de dépendance et d’exclusion, de préparer la sortie et, plus généralement, atténue la rupture vis-à-vis des modes de fonctionnement de la société libre. La prison ne devrait être que la privation de la liberté d’aller et de venir, et rien d’autre. Elisabeth Borne a le pouvoir de changer cela. Cette décision doit être politique ». « Elle est aujourd’hui entre vos mains conclut l’appel » (lire l’article de l’ANAS) (télécharcher la lettre-ouverte-Internet-en-prison.pdf
ATD Quart Monde lance officiellement le réseau Wresinski « Numérique et grande pauvreté ».
Michel Lansard l’annonce sur LinkedIn : le réseau Wresinski est ouvert à tous ceux et celles, qui veulent lutter contre une numérisation négative. Cette pratique imposée qui ajoute de l’exclusion à l’exclusion. Il s’adresse aussi à celles et ceux qui souhaitent contribuer à bâtir une numérisation positive, pour une société ne laissant personne de côté et basée sur la dignité de tous et chacun.
Ce réseau est ouvert à des personnes engagées sur le numérique et ses services : développeurs, concepteurs de sites, experts, chercheurs, élus, agents publics, travailleurs sociaux, bénévoles associatifs… Il est aussi ouvert à des organismes : entreprises, associations, collectivités, institutions, collectifs… Il s’adresse aussi aux citoyens engagés, et bien sûr des personnes vivant ou ayant vécu la grande pauvreté. (lire l’article sur le réseau Numérique et grande pauvreté)
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Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser.
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Une réponse
Encore bravo à Jacques !
Merci Didier pour le relais.
Amicalement,
Gilles