5 freins à lever pour permettre aux travailleurs sociaux de développer leur "pouvoir d'agir"

[current_page_url]

Qui n’a jamais entendu des responsables de structures se plaindre des travailleurs sociaux qu’ils emploient en regrettant par exemple qu’il ne développe pas suffisamment d’actions collectives ou ne prennent pas d’initiatives pour développer le « pouvoir d’agir » des personnes qu’ils accompagnent ? Et si avant de parler du développement du pouvoir d’agir des usagers, nous nous intéressions à celui des professionnels qu’ils soient éducateurs, assistantes sociales ou conseillères en économie sociale et familiale ? Une hypothèse avait été posé il y a déjà quelques temps : c’est en levant les freins qui empêchent les travailleurs sociaux d’agir que nous pourrons dans un second temps permettre le développement du pouvoir d’agir des personnes qu’ils rencontrent.. Tout simplement. 

Ces 5 principaux freins, ceux qui empêchent les prises d’initiatives peuvent être décliné de la façon suivante :

1. Les freins liés aux logiques gestionnaires et administratives qui multiplient les dispositifs. Ils  se sont construit au fil du temps. Les accès aux droits sont devenus de plus en plus conditionnés à des actes posés par les bénéficiaires de prestations sociales. Par exemple obtenir et calculer le montant du RSA est devenu beaucoup plus complexe que ce qui existait pour le RMI. Nous sommes positionnés (excusez moi l’expression ) dans de véritables usines à gaz avec une législation envahissante et des référentiel à ne pas savoir qu’en faire. Le dispositif est utile si l’on n’en abuse pas.. Les travailleurs sociaux sont tout aussi désorientés que les usagers dès lors qu’il disposent plus de 35 dispositifs différents à activer pour une seule et même personne. Une simplification de la gestion des dispositifs s’impose afin qu’ils cessent de prendre toute la place et l’énergie tant des usagers que des travailleurs sociaux. À l’heure du « choc de simplification administrative » demandé, il apparaît nécessaire d’ouvrir un chantier national sur cette question.

2. Les freins liés aux difficultés de financement permettant la mise en œuvre des actions collectives : À une époque où les moyens financiers sont souvent objet de tensions, il est nécessaire de considérer le financement des interventions sociales d’intérêt collectif comme des investissements sur l’avenir. Or il est souvent difficile d’attribuer une ligne budgétaire comptable spécifique dans ce champ. Aujourd’hui le financement des interventions collectives mobilise les professionnels de façon déraisonnable. La recherche de cofinancements peut parfois prendre autant de temps que l’action elle-même.  C’est complétement décourageant. il serait souhaitable de pouvoir en réorienter une part des budgets sur des actions collectives et mutualiser les moyens entre partenaires pour obtenir des meilleurs résultats. Passer tant d’énergie pour obtenir une subvention permettant de mener une action est assez décourageant. Combien de travaileurs sociaux mettent de leur poche pour par exemple apporter les outils de la convivialité dans les animations de groupe ? Le café, les gateaux, ces petits plus qui apportent tant à l’action ne rentrent pas dans les cases de ces petits financement nécessaires, tout comme par exemple les frais de déplacement et de transport…  

3. Lever les freins historiques de résistance de l’administration au travail social communautaire. La défiance historique héritée de la tradition républicaine qui perçoit le travail social communautaire comme un risque d’encouragement au développement du communautarisme doit être levé. Le travail social communautaire c’est à dire qui considère les personnes dans leurs communautés sans les percevoir comme menaçantes et dangereuses pour notre démocratie peut au contraire être un levier contribuant à la lutte contre les aspect les plus contestables des communautarismes notamment religieux. Il s’agit de ne plus laisser la place libre au communautés qui s’opposent au pacte républicain. Il s’agit de valoriser et de favoriser le développement des pratiques de travail social communautaires susceptible de rassembler des personnes qui se laissent influencer par leurs pairs les plus hostiles aux valeurs issues de la constitution et de la déclaration universelle des droits de l’homme.

4. Les freins liés aux cadres juridiques centrés sur l’individu : Connaissez vous des lois qui favorisent l’action collective et qui ne soit pas une simple déclaration d’intention ? Je n’en n’ai pas trouvé. Mais sans doute suis-je un peu obtus.  La complexité est permanente. Par exemple le RMI imposait un contrat d’insertion par foyer alors qu’aujourd’hui les contrats d’insertion liés au RSA sont individualisés : il en faut 2 par couple. Une simple décision de ce type a provoqué une multiplication du nombre de contrats. Nous ne pensons plus collectif, nous pensons « individus » comme si ceux ci n’étaient pas reliés entre eux par des relations, des intérêts, etc.  Ne sommes nous pas devenus individualistes ?  

5. Ce 5ème frein n’est pas très agréable à regarder puisqu’il s’agit des freins des professionnels eux mêmes : Il est vrai que de nombreux collègues n’ont que faire du développement du pouvoir d’agir des usagers ou des actions collectives. Pour eux point de salut hors le sacro sainte relation individuelle dans uun bureau comme si les personnes vivaient « hors sol » sans solidarités naturelles et sans aucune attaches. Bon j’exagère un peu en disant cela. Mais ces freins peuvent être levés progressivement non seulement grâce à la formation mais aussi avec la valorisation et l’encouragement par les encadrements. ( Encore faut-ils qu’eux mêmes soient formés et connaissent le travail social ce qui semble ne plus être le cas dans de nombreuses institutions).  Il s’agit aussi de rassurer les professionnels en leur rappelant que l’action collective ne peut en aucun cas remplacer l’action individuelle. Elles coexistent et sont des modes d’interventions complémentaires que l’on ne peut ni ne doit opposer. 

Nous avons 2 jambes et 2 pieds pour marcher ou courir, il en est de même pour l’accompagnement des personnes avec un accompagnement individuel et un accompagnement collectif. L’un ne va pas sans l’autre et leur articulation est puissante. Les 2 conjugés et voilà des personnes debout qui avancent 

Il y a de nombreux autres freins mais ceux déjà cités paraissent essentiel. Ne pas les prendre en compte me parait une erreur stratégique qui sera très dommageable pour l’avenir des personnes aidées et le devenir de nos professions…

Articles liés :

Une réponse

  1. très bonne analyse… j’aurai ajouté le frein politique quand on intervient pour une collectivité territoriale : faire croire qu’on laisse de la place et de la gouvernance aux habitants mais pas trop…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.