Une collègue assistante sociale m’a confirmé que le service social départemental croule sous les demandes de rendez-vous. Ceci explique-t-il cela ? Une étude sur le long cours pour suivre l’évolution des comportements et de la santé mentale pendant l’épidémie de COVID-19 confirme qu’une part non négligeable de la population montre des signes de détresse psychique.
Santé Publique France en est à la vague 28 (28 septembre – 5 octobre 2021) de son étude. Les résultats sont mis en perspective des autres vagues d’enquête survenues depuis le premier confinement. Les résultats actuels ont de quoi interroger.
- 70 % des Français déclarent des problèmes de sommeil au cours des 8 derniers jours. C’est un niveau très élevé, avec 20 % de plus par rapport au niveau hors épidémie. La tendance est en hausse de 11 points au regard de la précédente enquête.
- 26 % des Français montrent des signes d’un état anxieux. C’est 12 % supérieur par rapport au niveau hors épidémie, tendance en hausse, + 7 points par rapport à la vague 26 (du 15-21 juillet).
- 16 % des Français montrent des signes d’un état dépressif. C’est un niveau élevé, avec 6 points de plus par rapport au niveau hors épidémie. Et la tendance est en hausse, (+ 3 points) par rapport à l’étude survenue en juillet dernier.
- 10 % des Français ont eu des pensées suicidaires au cours de l’année.la tendance est stable en période d’épidémie, mais c’est tout de même 5% de plus qu’en période hors épidémie.
Par contre, et c’est fort heureux, 80 % des Français déclarent avoir une perception positive de leur vie en général. Même si c’est 5% de moins qu’en période normale, cela représente une large majorité de nos concitoyens. Mais en travail social, les efforts des professionnels portent sur ceux qui ne vont pas bien. Et les chiffres liés à l’anxiété et la déprime pour ne pas dire dépression sont importants au regard de la situation normale. Il est logique que la demande de rendez-vous augmente même si la première demande est financière. (Tous loin de là, n’ont pas bénéficié des mannes de l’État qui a priorisé les entreprises et leurs salariés.
Savoir identifier les signes
Il est important de pouvoir repérer les signes du mal être. Enguerrand du Roscoat, responsable de l’unité santé mentale, à Santé publique France explique que celui-ci favorise les addictions de toutes sortes, l’irritabilité. Cela contribue à l’augmentation des violences (notamment intrafamiliale) ou encore participe au fardeau économique (arrêts de travail…).
Les travailleurs sociaux qui ne sont pas des psychiatres, sont souvent confrontés à des situations où les personnes vont si mal qu’elles ont une vision d’elles-mêmes très dégradées. On ne mesure pas assez tout le travail de prévention des professionnels de l’action sociale qui, à travers des entretiens, permet de calmer les détresses, d’orienter vers les soins lorsque les entretiens d’aide ne suffisent pas.
Il n’y a pas que la crise COVID-19
Il semble un peu réducteur de considérer la crise sanitaire comme seule en cause de l’augmentation des détresses psychologiques. Il a été démontré depuis longtemps que de mauvaises conditions de vie suffisent à déclencher des mécanismes qui se traduisent à terme par des dépressions.
Le « quand on veut, on peut » ne fonctionne pas. On ne peut s’engager dans un travail même lorsqu’on le souhaite quand on est convaincu que cela ne va pas marcher, quand on se déconsidère et que l’on est seul. D’où l’intérêt de continuer à mettre en place des actions d’insertion sociale où les gens se sentent bien et retrouvent du plaisir à être ensemble et pris en considération.
Il existe une interaction entre le mal être et les conditions de vie. Par ailleurs, l’effort demandé aux allocataires du RSA pour s’insérer est en général bien supérieur que celui qui est demandé aux personnes bien intégrées socialement. Les efforts à fournir pour accéder au monde du travail n’est pas, a priori, un facteur d’épanouissement personnel. Il y a aussi la gestion de budgets familiaux très serrés, l’éducation d’enfants quand on ne dispose ni d’un espace, ni d’activités adaptées. Enfin la confrontation avec un monde aux règles différentes de la culture dans laquelle ont été élevées ces personnes, l’isolement le manque de solidarités naturelles et de proximité tout cela concourt à augmenter leur anxiété et à se dévaloriser.
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