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Pour une pratique éthique au travail en temps de COVID-19 : les 9 recommandations du HCTS

La commission éthique et déontologie du Haut Conseil du Travail Social (CEDTS) a publié il y a quelques semaines un avis intitulé « Les effets de la crise Covid-19 sur les pratiques des travailleurs sociaux : Aspects éthiques et déontologiques ». Un précédent article faisait part des tensions et des principes éthiques en œuvre pendant cette période de pandémie. Voyons aujourd’hui les 9 recommandations élaborées par la commission.

Les institutions, structures et professionnels du travail social, dans le respect des valeurs d’altruisme et de solidarité qui sous-tendent leurs missions sont en première ligne au cœur de la crise. On l’oublie souvent et pourtant leurs interventions sont nécessaires et très utiles pour les personnes qu’ils accompagnent et protègent lorsque cela est nécessaire. Face à cette invisibilité du travail social confronté à des problèmes nouveaux, plusieurs recommandations ont été formulées auprès des pouvoirs publics et des ministères concernés notamment celui des solidarités et de la santé.

1. Reconnaître le rôle essentiel du travail social dans le maintien du lien entre l’individu et la société

Le travailleur social a  une fonction de médiation entre le sujet et la société entendue comme un système social intégrant une grande diversité de statuts. Il lutte contre les inégalités et tente de promouvoir l’équité. Celle-ci permet « d’appliquer la généralité de la loi à la singularité des situations concrètes qui vise à instaurer une égalité de droit, en tenant compte des inégalités de fait ».

La recherche de cohésion sociale et de solidarités doit rester une priorité quelles que soient les modalités de travail, (en présentiel ou en distanciel),

2. Penser l’intérêt général en prenant en compte l’intérêt des personnes fragiles

Les personnes les plus fragiles ont pu parfois être oubliées ou mal prises en considération parce que leur situation est  incomprise ou encore méconnue. Les travailleurs sociaux ont un rôle majeur dans le renforcement de la cohésion sociale, notamment lors des périodes de crises. Il s’agit pour eux de pouvoir agir avec discernement, en gardant à l’esprit l’affirmation de l’autonomie du sujet (notamment celle des personnes les plus fragiles).

L’intérêt général doit intégrer l’intérêt des personnes les plus fragiles lors des prises de décision notamment en période de crise. Les travailleurs sociaux s’inscrivent dans la recherche de l’intérêt général, valeur fondamentale à l’heure où des intérêts particuliers peuvent prédominer, chacun pouvant être tenté d’agir pour soi sans les autres plutôt qu’avec les autres.

3. Entretenir la confiance mutuelle entre institutions et acteurs sociaux en s’inscrivant dans un dialogue permanent

Un État de droit a besoin d’institutions solides et respectées qui permettent de vivre ensemble. En retour, il doit aussi être en capacité de faire confiance aux acteurs de la vie sociale dont font partie les associations, les travailleurs sociaux, leurs représentants syndicaux et associatifs et plus largement les structures qui les emploient. Un déficit de confiance peut notamment être dommageable pour les plus fragiles. La reconnaissance des compétences de chacun doit aussi être une des dimensions à prendre en compte dans les processus de concertation et de décision.

L’éthique de discussion doit permettre l’expression d’avis divergents et rendre possible le rapprochement des points de vue. L’enjeu de la confiance réciproque suppose un dialogue permanent et favorise la capacité d’agir de chacun

4. Conduire la réflexion au cœur de l’action

Une situation d’urgence justifie souvent que l’on agisse immédiatement sans toujours prendre le temps de la réflexion perçue comme un frein à l’action.  Pour autant, la réflexion individuelle et collective doit accompagner les pratiques engagées dans ces temps d’urgence. Penser pendant l’action permet de mieux répondre aux besoins et de s’adapter face à de nouveaux événements. La pratique réflexive permet de donner du sens à l’action. Elle concerne la réflexion sur la situation, les objectifs, les moyens, les opérations engagées, l’évolution prévisible du système d’action. La réflexion ne paralyse pas. Elle permet d’aller au-delà des procédures, de s’adapter à des situations nouvelles qui n’ont pas été pensées.

Il est nécessaire que les institutions et employeurs fassent appel à l’expertise conjointe de leurs cadres et de leurs travailleurs sociaux.  En effet, ils ont une connaissance fine des situations et peuvent alerter quand une décision est susceptible de provoquer un impact inattendu.

5. Développer les démarches de co-construction

Le travail social s’appuie sur un postulat : celui de l’intelligence collective. La co-construction est un processus qui vaut autant en matière d’accompagnement social et éducatif qu’en matière d’encadrement. Elle voit le jour lorsque les acteurs ayant des intérêts et des points de vue différents sont amenés à travailler ensemble pour la réussite d’un projet ou d’une action.

Le principe de discussion doit être privilégié autant que faire se peut. Il nécessite une communication transparente, authentique et responsable afin de pouvoir co-construire, co-gérer et co-décider avec les personnes.

6. Maîtriser et prendre en compte les émotions

En situation de crise, toute personne est affectée et doit faire face à ses émotions personnelles ou partagées avec d’autres. Celles-ci, lorsqu’elles sont niées ou non identifiées, peuvent conduire à des prises de décision et des positionnements professionnels non maîtrisés.

Des instances avec des temps et des interlocuteurs dédiés, pourraient se développer permettant ainsi à chacun de pouvoir « prendre du recul » et de répondre de manière distanciée.

7. Réaffirmer les principes fondamentaux du travail social

Trois aspects sont mis en avant dans cette recommandation. Il y a d’abord l’écoute de la parole de chacun : c’est une condition de l’action. Vient ensuite le non-jugement. Il s’agit d’une attitude bienveillante qui offre la liberté à son interlocuteur de s’exprimer, sans le juger et enfin respect de la confidentialité, c’est-à-dire la reconnaissance du droit à la vie privée de chacun.

En situation de crise et de tensions, il est nécessaire de rappeler que l’on ne peut transiger sur ces valeurs qui fondent la pratique professionnelle des travailleurs sociaux

8. Systématiser l’analyse de l’impact des décisions à prendre sur les publics fragiles

Le Comité Consultatif National d’Éthique insiste particulièrement sur la question des inégalités sociales susceptibles de s’accroître face à l’évolution de la pandémie et des mesures qui sont prises pour tenter d’en limiter les effets. Il recommande fortement aux pouvoirs publics de prendre en compte ce sujet « de façon complète et appropriée ».

Le HCTS suggère aux institutions et pouvoirs publics de systématiquement évaluer en amont l’impact possible (attendu et inattendu) sur les publics fragiles des décisions à prendre. Il faut également que des mesures spécifiques soient prises pour tenir compte de leur situation

9. Faire vivre la réflexion éthique dans les pratiques institutionnelles et professionnelles

En période de crise, la réflexion éthique, en soutien des décideurs, des encadrants et des équipes de professionnels, peut permettre de mieux répondre aux tensions et dilemmes qu’ils rencontrent.

Le HCTS préconise la création de « cellules de soutien éthique » au sein des associations, desinstitutions et des collectivités territoriales confrontées aux effets de la pandémie et des éventuelles crises à venir.

 

Et s’il y avait une dixième préconisation à formuler ? Pour vous quelle serait-elle ? À vous de la proposer…

 

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