Dans une très intéressante tribune toujours d’actualité, mon ami et collègue Jean-Yves Le Capitaine nous parle des besoins éducatifs particuliers de certains enfants conduit normalement à être accueillis dans le milieu scolaire. Il fait référence à ces enfants « identifiés comme faisant partie de catégories définies « politiquement » : enfants en situation de handicap, mais aussi enfants provenant de l’immigration ou de milieux nomades, ou de milieux de grande pauvreté ».
Est-il nécessaire de catégoriser les enfants pour que les enseignants leur prêtent une attention particulière ? La catégorisation d’une population particulière suppose un traitement particulier alors qu’elle a plutôt besoin qu’on lui apporte comme aux autres la même attention et intérêt. En travail social, nous sommes toujours réticents à « catégoriser » les personnes notamment en matière d’action éducative. Chaque situation est considérée comme singulière. Il suffit de bien la connaitre, la comprendre et de la prendre en considération. Jean-Yves Le Capitaine nous précise qu’une catégorie identifiée comme étant la cause de besoins et la raison des réponses apportées, ne devrait pas être de mise « que l’enfant dorme avec sa famille dans la voiture familiale, qu’il vienne et circule en fauteuil roulant, qu’il vive dans un camp de caravanes délabrées, qu’il ait une trisomie 21, … ou qu’il vienne en limousine avec chauffeur ! »
Quand l’Administration définit la catégorie
Faire appel à la notion de besoins éducatifs particuliers, se traduit la plupart du temps aujourd’hui par une obligation d’être inscrit dans une reconnaissance administrative et organisationnelle dont la nécessité fait loi. « Ainsi, pour les enfants en situation de handicap, le projet personnalisé de scolarisation (PPS) est une obligation pour organiser les réponses à des besoins particuliers issus de sa situation d’enfant avec des caractéristiques particulières. « Les besoins éducatifs particuliers exige le passage par une catégorisation définie par une institution destinée à ces publics spécifiques (la MDPH). De la même manière, l’indication de besoins particuliers pour un enfant issu de milieu défavorisé se fait sous l’égide d’un PPRE (programme personnalisé de réussite éducative), et celle des enfants présentant des troubles d’apprentissage sous l’égide d’un PAP (plan d’accompagnement personnalisé) ».
Il y a donc là un paradoxe, souligne Jean-Yves Le Capitaine : le principe d’une personnalisation des pratiques, gage de la réussite de tous et de l’adaptation de l’école aux diversités doit passer sous les fourches caudines d’une administration qui assigne une catégorisation à tel ou tel élève afin que ses besoins soient mieux pris en considération. Il faut alors que l’enfant fasse partie d’un ensemble plus large tels ceux vivant avec un ou plusieurs handicaps, ou ceux encore qui sont dans une situation sociale définie et reconnue comme telle.
Et si l’on faisait confiance aux enseignants ?
Faut-il attendre la reconnaissance officielle que tel ou tel enfant fasse partie de telle ou telle catégorie pour que sa situation particulière puisse être mieux prise en compte ? La question mérite d’être posée. Elle laisse supposer que finalement sans cette catégorisation, les enseignants ne sauraient agir de façon distincte entre tel ou tel élève alors que c’est ce qu’ils font tous les jours.
Reprenons pour conclure cet exemple cité par mon ami Jean Yves : une enseignante d’école élémentaire accueillant une petite réfugiée ne connaissant pas le français eut l’idée d’utiliser une application de traduction numérique entre sa langue maternelle et le français pour se faire comprendre et passer les consignes.
Fallait-il qu’elle attende un cadre administratif pour mettre en place une modalité adaptée ? C’est comme si aujourd’hui l’administration ne faisait absolument pas confiance dans les compétences techniques et humaines des enseignants. Et ça, c’est assez désolant
- lire la tribune de Jean-Yves Le Capitaine : « Inclusion, besoins particuliers et contraintes catégorielles »
- lire aussi sur son blog : « Jérôme ou l’autonomie condamnée »
Photo personnelle : Jean-Yves Le Capitaine