« Les activités sur écrans ne conviennent pas aux enfants de moins de six ans : elles altèrent durablement leurs capacités intellectuelles. » Ce constat, signé par les sociétés savantes de pédiatrie, psychiatrie, ophtalmologie et santé publique, est comme un coup de tonnerre dans notre paysage éducatif et familial. Car en 2025, le doute n’est plus permis : l’exposition précoce et répétée aux écrans impacte lourdement une génération d’enfants, sacrifiée sur l’autel de la méconnaissance et d’une certaine passivité collective.
Chaque jour, sur le terrain, les professionnels de santé et de l’éducation observent les dégâts : retards de langage, troubles de l’attention, agitation motrice, difficultés de mémorisation… Chez les plus jeunes, le cerveau, en pleine construction n’est pas préparé à la cadence infernale des images. Il ne résiste pas à la saturation sensorielle, ni à la pauvreté des interactions offertes par les écrans. Même les contenus dits « éducatifs » ne sauraient compenser l’absence de relations humaines, de jeux libres et d’expériences sensorielles réelles, indispensables au développement harmonieux de l’enfant.
Le piège invisible : quand l’écran remplace le réel de la vie.
On l’oublie trop souvent : l’enfant n’est pas un adulte miniature. Ses besoins sont spécifiques : il apprend en explorant, en manipulant, en dialoguant, en imitant les adultes disponibles et attentifs. Toutes les puéricultrices vous le diront. Or, la présence de l’écran – télévision, tablette ou smartphone – réduit le champ de vision, appauvrit les interactions, et détourne l’attention des moments partagés. Le résultat ? Un risque accru de myopie, des troubles du sommeil, une altération du développement du langage. Un perte des compétences sociales et émotionnelles.
Prenons un exemple : dans une famille, le réflexe de « calmer » un enfant par un dessin animé sur smartphone est devenu banal. Pourtant, chaque minute passée devant l’écran est une minute volée à l’échange, au jeu, à la lecture ou à la découverte du monde. L’enfant, captivé, semble concentré, mais son cerveau est en réalité submergé par des stimuli qu’il ne sait pas traiter. Cela compromet la consolidation de ses connexions neuronales. Ce n’est pas rien.

Des inégalités aggravées, un enjeu de société
Les chiffres sont implacables : les enfants issus de milieux défavorisés sont plus exposés aux écrans. Cela accentue les écarts de développement dès la maternelle. À l’heure où la France s’interroge sur la place de sa jeunesse, la question des écrans n’est pas qu’une affaire de santé individuelle, mais bien un enjeu d’égalité et de cohésion sociale. Elle concerne tout le monde et notamment les travaillers sociaux en contact avec les familles.
La commission d’experts mandatée par l’Élysée le rappelle : « Les enfants deviennent les captifs mal armés de géants économiques et de stratégies de contrôle tous azimuts. » Les plateformes numériques rivalisent d’ingéniosité pour capter l’attention, enfermer, réengager, monétiser, au détriment du temps de jeu, d’activité physique et de vie collective. Ce sont nos enfants qui paient le prix fort de la marchandisation de leur attention.
Reprendre la main : recommandations et leviers d’action
Face à l’ampleur du phénomène, les recommandations du rapport sont claires et sans ambiguïté :
- Pas d’écran avant 6 ans, à la maison comme à l’école, sauf exception médicale encadrée pour certains troubles du neurodéveloppement.
- Éviter toute exposition passive (télévision en fond sonore, smartphone à table, etc.), qui nuit à la qualité des interactions familiales et à l’éveil du langage.
- Favoriser les activités alternatives : jeux libres, lecture à voix haute, activités créatives, sport, sorties en plein air, autant d’expériences qui nourrissent le cerveau et l’imaginaire.
- Former les professionnels de la petite enfance (enseignants, soignants, éducateurs) pour qu’ils puissent accompagner les familles et repérer les situations à risque.
- Lancer des campagnes d’information régulières, claires, non culpabilisantes, pour sensibiliser l’ensemble de la société à l’urgence d’agir.
Un exemple ? Dans certaines écoles maternelles, des « semaines sans écran » sont organisées, avec des ateliers de lecture, de jardinage ou de jeux de société. Les parents sont invités à participer, à témoigner de leurs difficultés, à partager des astuces pour occuper les enfants autrement. Ces initiatives montrent qu’il est possible de redonner du sens au temps partagé, loin des sollicitations numériques. Bien sûr, il faut aller plus loin.
Un rapport qui peut susciter des controverses
Certains arguments avancés dans la tribune de la SFSP et le rapport de la commission d’experts pour l’Élysée peuvent provoquer un débat, tant dans les milieux professionnels que dans la sphère publique. Le premier point de controverse, sans doute le plus marquant, réside dans la recommandation d’interdire tout usage d’écran avant six ans. Les auteurs de la tribune, soutenus par de nombreux spécialistes, assument une position radicale : pas de compromis, pas d’écran, quels que soient le contexte familial ou la nature du contenu.
Ce positionnement tranche avec la réalité quotidienne de nombreuses familles où l’écran parfois perçu comme un allié ponctuel. Son usage s’est immiscé dans les routines, que ce soit pour calmer un enfant, partager un moment de distraction ou, plus rarement, proposer un contenu éducatif. La tribune ne laisse aucune place à la nuance, ni à l’idée que certains usages, accompagnés et limités, pourraient être moins nocifs, voire bénéfiques dans des situations spécifiques. Cette intransigeance, qui vise à protéger l’enfant d’une exposition jugée systématiquement délétère, heurtera celles et ceux qui prônent une approche plus graduée, tenant compte de la diversité des situations et des familles. Même le professeur Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, spécialisé dans les relations jeunes-médias-images, auteur de la règle du 3-6-9-12 n’allait pas si loin dans ses recommandations.
Du côté du rapport commandé par l’Élysée, la controverse prend une autre dimension. Les experts y défendent l’idée d’une régulation très stricte et progressive de l’accès au numérique, allant jusqu’à recommander l’interdiction du téléphone portable avant onze ans, puis des réseaux sociaux avant quinze ans. Cette vision, qui se veut protectrice, se heurte à la réalité d’un monde où le numérique est omniprésent. La frontière entre protection et surprotection devient floue.
Nombre de parents, d’éducateurs et même d’enfants voient dans ces mesures une forme de décalage avec la société actuelle. Cela peut aller jusqu’à un risque d’exclusion ou de stigmatisation pour celles et ceux qui, par choix ou par nécessité, vivent déjà avec le numérique. Le rapport va jusqu’à proposer de bannir ordinateurs et téléviseurs des crèches et des écoles maternelles, une idée qui s’oppose frontalement à certaines politiques locales d’équipement numérique et à la volonté de préparer les enfants au monde qui les attend.
La question de la place du numérique à l’école cristallise d’ailleurs les tensions. Faut-il protéger les plus jeunes à tout prix, quitte à retarder leur initiation au numérique, ou au contraire les accompagner, dès le plus jeune âge, pour leur permettre de maîtriser des outils devenus incontournables ? Le rapport souligne lui-même l’absence de consensus sur ce point.
Enfin, la dénonciation, par les experts, des stratégies économiques des géants du numérique, accusés de capter l’attention des enfants à des fins lucratives, ajoute une dimension politique et éthique à la controverse. Pourra-t-on aller jusqu’à interdire certaines fonctionnalités jugées addictives, au risque d’entrer en conflit avec des acteurs économiques puissants et d’alimenter un sentiment d’impuissance face à la mondialisation du numérique ? Nous savons tous que X diffuse des millions de fakes-news et les personnalités au plus haut niveau de l’Etat continuent de l’utiliser.
Un appel à l’action
Il ne s’agit pas de diaboliser la technologie, mais de lui redonner sa juste place. Comme le souligne la commission, « il ne viendrait à personne l’idée de laisser un enfant de moins de six ans traverser seul la rue. Alors pourquoi l’exposer à un écran, alors que ceci compromet sa santé et son avenir intellectuel ? ».
La responsabilité est d’abord celle des adultes : parents, enseignants, éducateurs, décideurs, mais aussi des acteurs économiques du numérique. Tous doivent être mis face à leurs obligations. La commission propose d’interdire les conceptions addictogènes de certains services numériques, ce qui me parait une bonne chose. Elle propose de renforcer les contrôles sur les contenus accessibles aux mineurs (oui mais comment ? face aux multiples possibilités de contournement ? ). Elle suggère d’organiser une progression raisonnée des usages selon l’âge de l’enfant. Là aussi c’est à définir.
Vers une politique publique offensive et cohérente
Notre pays dispose aujourd’hui d’un corpus juridique et de dispositifs de sensibilisation, mais leur efficacité reste limitée. Les rapporteurs appellent à bâtir une gouvernance ambitieuse. Ils demandent la création d’un observatoire national des usages numériques des enfants. Ils invitent les pouvoirs publics à financer la recherche indépendante et à soutenir massivement les alternatives aux écrans dans tous les territoires.
Par exemple cela peut être le déploiement de « temps déconnectés » dans les espaces publics (aires de jeux, bibliothèques, centres de loisirs). L’invitation à créer des rituels familiaux sans écran (repas, lecture du soir), ou encore mettre en place de défis collectifs (« une semaine sans écran ») dans les écoles et les collèges.

Conclusion : redonner du temps, de l’attention et du jeu à nos enfants
L’enjeu est immense : il s’agit de préserver la santé, le développement et la liberté de nos enfants. L’objectif est de leur permettre de grandir dans un environnement riche, stimulant, sécurisé. Cela suppose un sursaut collectif, une prise de conscience à la hauteur du défi. Ce sont leurs capacités cognitives qui sont en jeu.
Posons nos smartphones, éteignons la télévision, oublions les tablettes. Retrouvons le plaisir du jeu, de la lecture, de la conversation. Redonnons à l’enfance le temps d’explorer, de rêver, de s’ennuyer parfois. C’est ainsi que nous préparerons une génération curieuse, épanouie, capable de maîtriser demain les outils numériques, et non d’en être les victimes.
« Ce qui fait la richesse d’une Nation, c’est sa jeunesse, et la nôtre n’est pas à vendre. »
Le message est clair : pas d’écran avant 6 ans. Même si cela vous parait difficile, vos enfant bénéficieront de capacités cognitives que d’autres n’auront pas. Cela vaut le coup. Agissons, ensemble, dès aujourd’hui.
Sources :
2 réponses
Quels effets l’exposition précoce aux écrans peut-elle avoir sur le développement du langage chez l’enfant ? Greeting : Sistem Informasi Akuntansi
Bonjour,
Je vais juste revenir sur la dernière phrase, j’utilise les écrans avec mon enfant qui rentre sous peu en maternel et je voudrais juste souligner le fait que la majorité des études citées par l’élysées critiquent une utilisation non contrôlée des écrans et son utilisation comme un média éducatif est clairement un plus dans l’acquisition des apprentissages, il reconnait déjà la majorité des lettres, sait compter jusqu’à 10, a un vocabulaire extrêmement varié… Là où la critique vient se poser, c’est sur les parents précaires, qui utilisent les écrans « comme d’une nounou » pour utiliser ce vocabulaire extrêmement jugeant qu’on peut entendre régulièrement. Ces parents qui reviennent de leurs métiers éreintants, mal payés, et qui n’ont pas la capacité mentale de faire des jeux, d’aider aux devoirs… C’est assez dommage et j’ai vraiment du mal avec ce genre d’articles qu’on retrouve par dizaines qui semblent toute refuser de prendre en compte les situations individuelles et qui trop souvent ne prennent pas le temps de lire les études.