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Octobre Rose : la prévention et le suivi du cancer du sein dopés par l’intelligence artificielle, mais cela ne suffit pas

En France, une femme sur huit développera un cancer du sein au cours de sa vie. C’est la 1ère cause de décès par cancer chez la femme dans notre pays. Comme vous sans doute, je connais des femmes touchées par cette maladie qui semble « frapper » au hasard parmi la population féminine. Mais leur nombre est impressionnant : Le cancer du sein concerne environ 60 000 femmes en France chaque année

Nous sommes d’autant plus concernés dans le champ du travail social que la très grande majorité des professionnels sont des femmes. Non seulement elles risquent de contracter la maladie, mais elles ont aussi à accompagner d’autres femmes qui en sont atteintes. Car quand on développe un cancer, il y a de multiples sujets à aborder, avec en premier lieu cette angoisse que provoque la maladie pour soi et ses proches, le conjoint, les enfants notamment.

Mais avant de développer ce point, regardons comment, dans le champ médical, l’intelligence artificielle (IA) est en train d’apparaitre comme une solution utile et même prometteuse pour améliorer la prévention et le suivi de cette maladie.

Du dépistage aux soins

L’Intelligence Artificielle offre des possibilités inédites en matière de dépistage. Par exemple, la start-up Owkin a développé un outil qui évalue le risque de rechute lors du diagnostic initial du cancer du sein. Cette évaluation permet aux médecins de proposer des traitements plus adaptés, évitant ainsi des chirurgies trop invasives ou des chimiothérapies trop lourdes. Ce genre d’outil est d’autant plus précieux qu’il contribue à la personnalisation et à l’anticipation de la prise en charge du cancer du sein, deux éléments essentiels pour améliorer les chances de survie.

Mais l’IA ne se limite pas au dépistage. Elle joue également un rôle dans le domaine de la recherche. Des projets soutenus par l’État, comme ceux menés à l’Institut Gustave Roussy, créent une synergie forte entre les hôpitaux, les chercheurs et les entreprises. Cette dynamique collaborative a le potentiel de changer radicalement la prise en charge du cancer du sein, en commençant par le diagnostic.

Une volonté de développement de l’IA portée par l’État

Le gouvernement s’est engagé à soutenir le développement de projets innovants dans ce domaine. Par exemple, 80 millions d’euros seront mobilisés pour la numérisation des lames d’anatomie et de cytologie pathologiques, une étape indispensable pour le développement de l’IA en oncologie. Cette initiative s’inscrit dans une politique plus large visant à promouvoir le dépistage et à soutenir les projets innovants dans la lutte contre le cancer du sein.

Le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, a souligné l’importance de l’IA dans la démocratisation de l’accès aux dépistages lors d’une visite à l’Institut Gustave Roussy. On a aussi appris qu’une étude menée par Leibig et al. propose désormais une stratégie combinée d’utilisation de l’IA et de la lecture humaine pour le dépistage du cancer du sein.

Cette façon de faire permet de trier automatiquement 63% des examens. Elle apporte une sensibilité dans les réponses de 89,7% et une spécificité de 93,8%, des chiffres supérieurs à ceux obtenus par un radiologue non aidé ou par l’IA autonome. Cette approche pourrait donc contribuer à améliorer le niveau de détection des tumeurs tout en réduisant la charge de travail des radiologues.

L’intelligence artificielle ne peut pas tout

L’importance du facteur humain est souvent négligée en France, malgré son rôle crucial dans le processus de guérison de cette maladie. Une étude menée par la psychopraticienne Célia Charpentier révèle que 44 % des femmes diagnostiquées avec un cancer du sein n’ont reçu aucune proposition de soutien psychologique. Cette omission est d’autant plus surprenante que 79 % des femmes interrogées considèrent que le mental joue un rôle essentiel dans leur guérison.

L’étude montre également que l’absence d’accompagnement psychologique est souvent due à une lacune dans le parcours de soins. En effet, il n’y a pas d’intervenant désigné pour aborder cette question avec les patientes. Parfois, c’est le chirurgien, parfois l’oncologue, l’infirmière, le médecin traitant, ou même l’esthéticienne du service d’oncologie qui pourrait en parler, mais il n’y a pas de protocole établi pour s’assurer que cet aspect soit systématiquement abordé. Même si de nombreux accompagnements médicaux sont remarquables, ils sont dus à des savoirs faire ou plutôt des savoirs être qui ne s’enseignent pas.

L’impact psychologique du diagnostic et du traitement est immense. Les femmes décrivent fréquemment leur état comme étant celui de personnes seules, démunies, perdues, déprimées, dépassées, impuissantes, en anxiété profonde, ou apeurées. Pourtant, seulement 42 % des femmes ont bénéficié d’un soutien psychologique pendant leur traitement, alors que 87 % pensent qu’un tel suivi est indispensable ou simplement utile.

L’absence d’accompagnement psychologique ne se limite pas à la période de traitement. Après la fin des traitements, les patientes se retrouvent souvent seules et démunies, avec le risque constant d’une récidive. Selon l’étude, près de 43 % des femmes ont connu un épisode dépressif post-traitement.

Un service social pourtant à l’écoute

Il est difficile de comprendre pourquoi les services sociaux hospitaliers disposent de si peu de moyens en professionnels dans les équipes qui accompagnent les patientes en traitement. En effet, le service social peut joue un rôle essentiel dans ce type d’accompagnement. Tout d’abord, il peut aider à alléger le fardeau financier associé aux soins. Même si la prise en charge financière du traitement est supportée par la Sécurité Sociale, certains frais complémentaires peuvent rapidement s’accumuler. Un travailleur social peut aider à identifier les aides financières disponibles, les aides humaines à engager en aidant à remplir les dossiers nécessaires et à orienter la patiente vers des associations.

Mais il n’y a pas que cela. Le service social peut fournir un soutien émotionnel et moral. Le diagnostic de cancer du sein est souvent un choc émotionnel qui peut entraîner stress, anxiété et dépression. Un soutien professionnel peut aider la femme à gérer ces émotions et à trouver des stratégies pour faire face à la maladie, en consultant par exemple un(e) psychologue si cela est possible dans son environnement proche.

De plus, le service social peut aussi aider à la réinsertion professionnelle. Le traitement du cancer peut nécessiter une absence prolongée du travail, ce qui peut entraîner des problèmes financiers et professionnels. Une assistante sociale peut aussi aider à négocier des aménagements avec l’employeur, à trouver des solutions pour un retour progressif au travail et à orienter vers des formations professionnelles si nécessaire. Cela est d’autant plus possible lorsqu’il existe un service social d’entreprise, ce qui n’est pas toujours le cas.

Enfin, n’oublions pas que le service social peut aussi proposer dans la mesure de ses moyens un soutien à la famille et aux proches de la patiente. Le cancer du sein n’affecte pas seulement la patiente, mais aussi son entourage. Le service social peut apporter des conseils pour aider la famille à soutenir la patiente, à comprendre la maladie et son traitement, et à gérer le stress émotionnel qui découle de la dégradation physique de la femme qui suit un protocole de chimiothérapie.

Pour un accompagnement social et psychologique systématique

Il est dommage que cette dimension sociale du soin ne soit pas suffisamment prise en considération. Pourtant, le service social peut être un élément clé de l’accompagnement global d’une femme en traitement. Il offre un soutien multidimensionnel qui va au-delà des soins médicaux, en abordant les aspects financiers, émotionnels, professionnels et familiaux de la vie de la patiente.

En conclusion, si l’intelligence artificielle s’avère être un allié de taille dans la lutte contre le cancer du sein, la seule technologie ne peut suffire. Il est impératif de reconnaître que la guérison et le bien-être d’une patiente atteinte de cancer ne sont pas uniquement le résultat d’une série de traitements médicaux avancés. Ils sont également le produit d’un accompagnement humain bienveillant et multidimensionnel, qui prend en compte les besoins émotionnels, sociaux et financiers de la personne malade.

Le service social, souvent négligé dans le parcours de soins, peut jouer un rôle déterminant dans cette prise en charge globale. Il ne s’agit pas seulement de compléter les soins médicaux, mais de les enrichir en apportant une dimension humaine indispensable. Il est donc temps de repenser notre approche de la prise en charge du cancer du sein en France. L’intégration de l’intelligence artificielle dans les protocoles médicaux est certes une avancée majeure, mais elle doit être complétée par un engagement fort en faveur d’un accompagnement social et psychologique systématique. Ce n’est qu’en adoptant une approche aussi complète que nous pourrons espérer améliorer significativement la qualité de vie des femmes atteintes de cette maladie et, à terme, contribuer à augmenter les taux de survie.

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