« Mon cher corps » : comment la pair-aidance et la culture aident à lutter contre les troubles du comportement alimentaire

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La pair-aidance, est encore méconnue dans de nombreux secteurs, notamment dans le champ du travail social.  Pourtant, faire appel à des « intervenants pairs » s’impose progressivement comme une approche particulièrement efficace dans l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité. Elle repose sur un principe fondamental : celui de l’entraide entre personnes ayant vécu des expériences similaires, souvent marquées par des épreuves personnelles ou des troubles spécifiques. Dans le domaine des Troubles du Comportement Alimentaire (TCA), cette pratique d’aide prend une dimension particulièrement intéressante.

Nathalie Barth, pair-aidante certifiée incarne cette démarche. Ayant elle-même traversé un parcours de rétablissement après avoir souffert d’hyperphagie boulimique, elle met son expérience au service des autres. Pour Nathalie, les TCA ne sont pas simplement des troubles alimentaires ; ils sont avant tout un symptôme, un « jeu qui cache un je », illustrant une tentative d’anesthésier des souffrances profondes par des comportements compulsifs.

À travers ses ateliers et ses groupes de parole, elle sensibilise les personnes concernées à l’importance de se réconcilier avec leur corps. « Lorsqu’on est touché par une addiction alimentaire, on est coupé de son corps », explique-t-elle. Son rôle ne se limite pas à transmettre des savoirs, mais à partager une expérience vécue pour ouvrir la voie vers un rétablissement holistique de la personne aussi bien sur le plan corporel que psychologique. Car bien évidemment le bien-être psychologique est tout autant essentiel.

La pair-aidance va au-delà d’un simple soutien moral : elle propose un modèle d’accompagnement où l’expérience personnelle devient une ressource précieuse. Nathalie Barth illustre cette approche en travaillant avec divers publics – particuliers, centres thérapeutiques ou entreprises – pour sensibiliser et former sur les addictions comportementales. Cette pratique nous renvoie à cette idée essentielle : les solutions aux souffrances humaines ne résident pas uniquement dans les protocoles médicaux ou thérapeutiques classiques, mais aussi dans la puissance du partage humain.

« Mon Cher Corps » : quand le théâtre devient outil de résilience

Dans la continuité de son engagement comme pair-aidante, Nathalie Barth a créé le spectacle « Mon Cher Corps » qui explore la relation complexe entre addiction alimentaire et corps. Ce projet artistique est bien plus qu’une performance théâtrale : il s’agit d’un témoignage et d’un outil de sensibilisation.

Sur scène, Nathalie est accompagnée par un pianiste Emmanuel et un metteur en scène Thibaut pour nous raconter son histoire sans fard et avec émotion.. À travers quatre lettres qui structurent la pièce, elle partage son parcours de rétablissement et invite le public à réfléchir sur trois thématiques majeures : les addictions, les TCA et la relation au corps. Le spectacle mêle récits de vie, expressions corporelles et témoignages pour offrir une immersion dans son dialogue intérieur avec son corps. « Mon Cher Corps » cherche à dépasser les mots pour toucher directement les émotions du spectateur.

mon cher corps a VannesLes retours du public sont positifs : ce spectacle bouleverse par sa sincérité et sa profondeur. Isabelle L., spectatrice, témoigne : « Ton spectacle est si bouleversant ! Merci de nous faire partager ce chemin de douleur et la transfiguration que tu en as faite. » De nombreux professionnels du secteur social et médical saluent également cette initiative comme une manière innovante d’aborder les TCA hors des cadres traditionnels. Selon Dr Alain Morel psychiatre addictologue  « Ce dialogue intime avec le corps nous rappelle combien il est essentiel d’apprendre à l’aimer et à le soigner ».

Une démarche artistique au service du soin

Une des caractéristiques du spectacle se trouve dans sa capacité à dépasser le cadre artistique pour devenir un véritable outil pédagogique et thérapeutique. Nathalie Barth propose en parallèle des ateliers autour de l’écriture, du jeu théâtral ou encore de l’expression corporelle afin d’approfondir les thématiques abordées dans le spectacle. Ces activités permettent aux participants – qu’ils soient adolescents, adultes ou professionnels – d’explorer leur propre relation au corps et aux émotions.

Finalement l’impact du spectacle va bien au-delà des représentations scéniques. Lors d’une session au Centre de Formation pour Apprentis (CFA) de Vannes, par exemple, plusieurs jeunes ont témoigné avoir trouvé dans cette pièce un écho à leurs propres expériences. Certains ont même osé prendre la parole pour partager leur ressenti face aux TCA ou à leur image corporelle et ce n’est pas facile. Pas facile d’en parler à ses proches et encore moins publiquement. Cette pratique artistique nous montre comment l’art peut devenir un catalyseur de changement individuel et collectif.

Vers une meilleure reconnaissance

L’expérience de Nathalie Barth illustre parfaitement le potentiel transformateur de la pair-aidance dès lors qu’elle est combinée à la création artistique. Pourtant, ce type d’approche reste encore marginal dans le paysage institutionnel français. Il serait vraiment important et intéressant que les structures sociales et médicales reconnaissent davantage ces pratiques comme complémentaires aux dispositifs existants.

En tant que travailleurs sociaux ou professionnels du secteur médico-social, nous avons une responsabilité collective : celle d’encourager ces initiatives novatrices qui replacent l’humain au cœur du soin. La pair-aidance n’est pas seulement une méthode ; c’est une philosophie qui valorise l’expérience vécue comme source d’apprentissage mutuel.

En conclusion, que ce soit à travers ses ateliers ou son spectacle « Mon Cher Corps », Nathalie Barth nous invite à repenser notre rapport au corps et aux autres. Son parcours témoigne d’une vérité fondamentale : même dans les moments les plus sombres, il existe toujours une possibilité de transformation grâce au partage et à la créativité. Alors osons intégrer ces pratiques dans nos structures pour offrir aux personnes accompagnées qui souffrent de multiples maux tels les TCA non seulement un soutien technique, mais aussi un véritable souffle d’espoir.

Une représentation du Spectacle « Mon Cher Corps », est prévue à Nantes le mercredi  12 février à partir de 20h30 au TNT – Terrain Neutre Théâtre (11 Allée de la Maison Rouge). La représentation sera suivie d’un temps d’échange avec l’équipe du Spectacle et des partenaires sociaux et médico-sociaux. Vous pouvez réserver votre place ici

affiche mon cher corps Nantes TNT

 

Lire aussi :  Pourquoi faire appel à la « pair aidance » et se former à cette fonction ?

 


Bonus : Interview de Nathalie Barth

Nathalie BarthDD :  Comment qualifiez-vous les Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) ?
N.B. : Depuis mon expérience vécue avec l’hyperphagie et depuis mon parcours de rétablissement, le TCA est un symptôme : un Jeu qui cache un Je. Le TCA est un moyen d’anesthésier des souffrances, du non-dit grâce à la compulsion alimentaire. Il peut être vécu comme une véritable addiction et avec les mêmes troubles associés que ceux des autres addictions.

Comment en parlez-vous aux personnes qui en souffrent ?
N.B Grâce à mes ateliers expérientiels autour des TCA, aux groupes de parole, aux formations, à la Représentation théâtrale de « Mon Cher Corps », je transmets que le TCA peut être vécu comme une véritable addiction : une addiction comportementale. Depuis mon vécue, ma substance était la nourriture et mes troubles associés étaient les mêmes que ceux des autres addictions : repli sur soi, TOC, mauvaise image de soi, problème d’argent, stratégies pour maintenir ses compulsions quotidiennes, désintérêt/oubli de son corps…

Lors de mes rencontres avec les personnes concernées par une addiction, à chaque fois je sensibilise sur le fait qu’il est inéluctable de prendre conscience des sources de son TCA/de son addiction et de commencer un chemin de réconciliation avec son corps. En effet, lorsqu’on est touché par une addiction alimentaire (ou autres addictions), nous sommes coupés de notre corps. Ce corps anesthésié par une substance, la nourriture et/ou un comportement addictif. J’attire l’intention sur le fait que notre corps peut être un outil précieux, une ressource.

Le sujet même de mon Spectacle « Mon Cher Corps » : au-delà de partager mon parcours de rétablissement en lien avec une addiction alimentaire, il est présent pour sensibiliser sur l’importance de la résonnance/de la relation avec son corps. « Mon Cher Corps » favorise la rencontre, avec les personnes concernées par une addiction, sous une autre forme : « hors les murs » des structures d’accueil et de soins, favorisant un pas de recul pour la personne.

Comment voyez-vous votre rôle de Pair-aidante, au-delà de la création artistique ?
N.B. Je ne suis pas une « sauveuse », je suis une personne qui partage et transmet en mots et en corps mon parcours de rétablissement. Mon souhait, en tant que Pair-aidante, est d’aller à la rencontre des personnes en les sensibilisant sur l’importance d’un chemin de rétablissement global : comprendre/conscientiser ses sources du symptôme de l’addiction ; ré-apprivoiser son corps et (re)découvrir quelles autres sources de satisfaction les personnes portent en elles. Amener, petit à petit, les personnes à regarder ce qui les met en-vie et ainsi sortir de l’étiquette « je suis qu’une personne addict ».

Avec qui travaillez-vous ?
N.B. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’aller à la rencontre de personnes au sein de plusieurs structures : un Centre Thérapeutique Résidentiel en addictologie ; l’Association Oppelia ; un organisme de formation ; dans un Centre de Formations et d’Apprentis et aussi auprès de particuliers en co-animant un Parcours de groupes de parole en TCA avec une diététicienne. J’aimerais aussi développer mes actions, grâce à mon activité « Risuona », auprès des entreprises…

Merci à vous !

 


Les photos sont extraites de la plaquette de présentation du spectacle : Florent Dichy et Florence B

 

 

 

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