En 2016, paraissait les premières chroniques de Christine Maurey. Notre collègue récidive, pour notre plus grand plaisir.
Assistante sociale au sein d’un établissement médico-social accueillant des enfants porteurs d’un handicap sensoriel, elle nous y décrivait son quotidien face à la problématique de cette déficience. L’occasion, alors, de commenter ses vingt-cinq ans d’expérience à ce poste.
Aujourd’hui, l’auteure est retraitée. Elle a quitté son service sous les applaudissements de ses collègues et des enfants. Départ émouvant qui a peut-être stimulé son envie de plonger une (ultime ?) fois dans quarante ans d’une carrière bien remplie. Au moment de ranger ses affaires et d’en jeter d’autres, elle porte un regard nostalgique sur tant de visages, de situations et de familles croisés.
Ce trèfle à quatre feuilles qui lui fut donné, par Idir. L’enfant, psychotique qui passait son temps à en chercher… et il en trouvait beaucoup. Cette petite Élodie qui lui dit un jour : « moi, je sais que tu fais… tu défends moi ! ». Mais aussi cette citation, parmi toutes celles qu’elle accrochait au mur de son bureau : « on n’est jamais aussi grand qu’à genou devant un enfant » (Einstein)
Des ratés et des regrets, mais aussi des réussites et des fiertés l’ont accompagnée. Il y aurait tant à dire. Ce qu’on aurait dû voir. Les maladresses qui auraient pu être évitées Un signalement malveillant… un autre qui se sera avéré trop tardif. Mais aussi, tant de satisfactions face à tous ces enfants pris en compte dans leur singularité et leur diversité. Tous ces combats menés jusqu’au bout et gagnés. Toutes ces belles histoires avec des familles.
Et puis il y a cette satanée institution arcboutée sur une règlementation parfois en porte-à-faux avec l’humain. Ce décalage se manifestera d’autant plus à l’occasion du confinement de la COVID. « Un établissement, c’est plein de petites éminences grises qui font le vent, soufflent sur les braises, attisent ou calment les tensions en fonction, non pas de l’intérêt du bateau, mais de leurs propres intérêts » dénonce l’auteure avant de constater aussitôt, avec honnêteté et lucidité : « je faisais partie de ces petites éminences grises »
Mais, Christine Maurey n’a pas a écrit ce court récit pour éclairer sa seule fonction. Son coup de projecteur est aussi dirigé vers les professionnels qu’elle a côtoyés et à qui elle tient à rendre hommage. A l’image de Marie-thé, l’Aide à la vie journalière qui accompagne la malvoyance en travaillant avec l’enfant sur la locomotion et le toucher, le temps et le langage, les sensations et le jeu, sans oublier le goût. Mille et une choses du quotidien à tricoter pour favoriser l’insertion dans le monde des voyants.
Son style littéraire à la première personne est relayé par la parole donnée fictivement à Arlette, entraperçue lors d’un journal télévisé. Que penserait cette vieille dame qui tient à plus de 90 ans le café de son village, des situations évoquées dans le livre ? Une manière élégante de boucler la boucle pour une Christine Maurey expliquant se sentir « riche de tout ce que j’ai vécu, riche de tout ce que j’ai appris des autres ».
Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »
Il est signé Jacques Trémintin
Lire aussi :
- Chroniques d’une assistante sociale en milieu médico-social, Christine Maurey, Ed. L’Harmattan, 2016, 139 p., A force de rédiger les mêmes enquêtes sociales destinées à octroyer aides financières ou colis alimentaires, à force d’être confrontée à une hiérarchise passive, mesquine et inabordable, à force de subir solitude et isolement, Christine Maurey a décidé de quitter son poste d’assistante sociale en polyvalence de secteur, pour un établissement médico-social accueillant des enfants porteurs d’un handicap sensoriel.
- Une assistante sociale « Extra » ordinaire, Carole Benveniste-Thorez, Éd. Un point c’est tout, 2023,151 p., Chaque profession possède sa part d’originalité qui sort de l’ordinaire. A lire le livre de Carole Benveniste Thorez, il apparaît que la profession d’assistante sociale est quand même plus extra-ordinaire que bien d’autres.
- La mutante ou 1001 journées d’une assistante sociale, Catherine Beclair, Première édition , 2015, 144 p. Ce qui a poussé Catherine Beclair à devenir assistante sociale ? Le filon social qui l’habite, comme bien d’autres, trouve ses origines dans d’obscures racines. C’est bien un ensemble d’étincelles qui ont contribué à alimenter un véritable feu d’artifice.
- 25 années au cœur d’un métier passionnant : assistante sociale, Martine Rochereau Rivière, Ed. La Chouetterie, 2011 Martine Rochereau a exercé comme assistante sociale, durant 25 ans. C’est au pas de charge, qu’elle nous en fait un récit particulièrement rythmé, à l’image d’une carrière menée tambour battant.
- Chroniques de vies ordinaires. Carnets d’une assistante sociale, Valérie Agha, Ed. Fleuve Noir, 2010, 218 p., Valérie Agha exerce comme assistante sociale, depuis dix ans : quatre années en polyvalence de secteur et six autres, auprès du personnel de la fonction publique. Son métier n’est pas toujours très bien identifié, par le grand public.
Photo : pexel Tim Gouw