Livre ouvert « L’enfant sauvage de L’État social ». Aux sources du travail social…

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Alors que les nuages s’accumulent sur l’action sociale en général et le travail social en particulier, trois personnalités les réenchantent dans un livre à mettre dans toutes les mains.

couv Lenfant sauvage

Les auteurs de cet ouvrage avaient déjà collaboré en 2018 dans un premier opus. Ils y avaient valorisé les connaissances, les outils et les habiletés déployées à bas bruit, mais avec habileté et détermination par les professionnel(le)s de terrain (« Dialogue sur le génie du travail social » Éd. ESF). Ils récidivent six ans après, en proposant des hypothèses permettant d’identifier les fondements de leurs pratiques.

Nos professions, expliquent-ils en préambule, sont confrontées en permanence à un étonnant paradoxe. Le travail social incarne l’échec des institutions de socialisation, tout autant que l’impossible réparation de dégâts commis sur les plus vulnérables. Et dans le même temps, il incarne le changement, l’émancipation et la citoyenneté en chantier pour ces mêmes personnes fragiles. Comment assumer cette ambivalence ?

Pour Dominique Depenne, le travail social possède dans son ADN le combat contre les inégalités, les discriminations et l’injustice sociale. Dans le même temps, il est une pure production d’un État qui l’organise, le structure et le finance. C’est ce même État qui entretient les discriminations et perpétue l’injustice sociale. Le travail social constitue donc un espace de remise en cause du fondement inégalitaire de la société qui l’a créé.

C’est la seule corporation dont l’ambition ultime est de disparaître, en même temps que les inégalités. De là vient son malaise perpétuel, bien au-delà du manque de considération ou l’absence d’une doctrine unifiée. En conséquence, pour ne pas se trahir, il se doit de cultiver l’indocilité, la rébellion et l’indiscipline, se conduisant comme l’enfant sauvage qui se retourne contre son créateur et le combat !

Michel Chauvière reprend la chronologie des différents compromis qui ont permis historiquement que le social advienne en actes. Le travail social s’est structuré à la conjonction de deux mouvements parallèles et complémentaires. Le social de réalisation constitué de productions juridiques incontournables et de réalisations institutionnelles qui, pour être certes modestement publiques et le plus souvent associatives, ne s’inspirent pas moins fortement du service public.

De l’autre, un social travaillé et incarné par des hommes et des femmes impliqués dans leur subjectivité et leurs relations professionnelles. C’est au démantèlement de ces deux dynamiques auquel on assiste avec la remise en cause du financement par la fiscalité au profit du compassionnel et la substitution de la solidarité collective par la responsabilisation individuelle.

Cinéphile accomplie, Martine Trapon propose une audacieuse métaphore comparant le cinéma et le travail social. L’art du cinéaste rejoint celui du professionnel, dans la capacité à suggérer ce qui est hors cadre. Le spectateur est incité à se représenter et à imaginer ce que la caméra ne filme pas. Le travail social, quant à lui, s’inscrit dans le cadre normatif qui lui est fixé institutionnellement. Mais, interrogeant ce qui ne se voit pas et ne se dit pas, il ne peut que le dépasser.

Que l’on ne se trompe pas, Martine Trapon défend la légitimité de l’institution. Identifiée à tort à une forme d’enfermement par les partisans de sa dissolution, elle est au contraire l’espace-temps du savoir-faire et du savoir s’y prendre des professionnels. C’est le creuset où s’épanouissent la rencontre interhumaine faite d’imprévisibilité de la vie et l’expression des potentialités de chacun(e).

Nous voilà bien loin de certaines illusions contemporaines à vouloir maîtriser, catégoriser, chosifier, rationaliser et normaliser l’humain. Ces trois auteurs cultivent l’éthique, la clinique, la prise en compte et la réflexion commune. Autant de raisons d’aller les lire !

 

 


Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »

Il est signé Jacques Trémintin

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Photo credit: Francois Karm on Visual hunt / CC BY

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