Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Allons-nous vers un métier unique de « travailleur social » ?

Une étude de la Direction de la recherche des études de l’évaluation et des statistiques (DREES) apporte des éléments de connaissance et de compréhension sur les évolutions des effectifs des travailleurs sociaux depuis plusieurs années. Celle-ci s’est aussi attachée à regarder ce qui s’est passé pour les promos 2020 d’éducateurs spécialisés, d’assistants de service social et d’accompagnants éducatifs et social.

Une année 2020 « très atypique ».

En 2020, 56.500 élèves et étudiants, dont 84 % de femmes, étaient inscrits dans l’une des 1.094 formations aux professions sociales en France métropolitaine et dans les départements et régions d’Outre-mer (DROM). Parmi eux, 13.200 étaient en formation d’éducateur spécialisé, 10.200 en formation d’accompagnant éducatif et social et 7.300 en formation d’assistant de service social.

Pour autant, le nombre d’étudiants en formation est en baisse constante depuis 2010. Il y aurait une crise de vocation ou du moins une perte d’attractivité des métiers du social. Mais que s’est-il passé en 2010 pour que la courbe ascendante des formations change totalement de direction ? (si vous avez la réponse n’hésitez pas à me la communiquer)

DRESS graph1

La crise sanitaire facteur de réussite plus importante aux diplômes d’État

Le taux de réussite aux différents diplômes en 2020 donne un résultat en trompe l’œil. Il a été en hausse de 10 points alors qu’entre 2013 à 2019 il était constamment en baisse chaque année (-2,4 % par an en moyenne). La hausse du nombre de diplômés observée en 2020 ne provient pas des effectifs, mais bien de la forte hausse du taux de réussite au diplôme cette année-là. Le taux de réussite 2020 s’élève à 96 % en 2020 : un record. La baisse du nombre de candidats est compensée par un taux de réussite élevé.

En 2020 les formations ont été très perturbées par la crise sanitaire tant au niveau des cours que des stages de terrain.Et pourtant le nombre de diplômes obtenu a été en nette augmentation. Certains pensent que les examinateurs ont été particulièrement indulgents cette année-là.  On verra à l’avenir si la tendance se confirme pour 2021 et 2022.

Des étudiants précarisés et bousculés

Les différentes périodes de confinement avec alternance de travail en présentiel puis en distanciel n’ont pas été facile à gérer tant pour les centres de formation que pour les étudiants. Certains avaient abandonné leur logement pour retourner chez leurs parents sans avoir de solution pour un retour rapide en centre de formation. D’autres en ayant perdu des revenus liés à des jobs précaires ont vu leurs économies fondre comme neige au soleil sans pouvoir assurer la fin de l’année.

Comme d’autres étudiants, beaucoup de ceux qui relèvent des formations sociales se sont vu contraints de faire appel à l’aide alimentaire et aux solidarités de proximité. Certains ont décroché et abandonné leur projet de formation. Pourtant, paradoxalement, les suivis personnalisés ont globalement été renforcés. Ils ont été plus intenses pour prévenir les décrochages, sans toutefois les éliminer.

Le Conseil Économique, Social et environnemental parle d’une crise des vocations

Dans sa consultation en ligne qui a débuté le 1er mars, le CESE n’a pas oublié d’établir un questionnaire en ligne s’adressant spécifiquement aux étudiants en cours de formation. Il leur est demandé « en tant qu’étudiant ou étudiante en formation initiale », quelles sont leurs motivations pour travailler dans le social. Ils sont aussi interrogés pour savoir s’ils ont des inquiétudes vis-à-vis de leur futur métier.

Des étudiants interrogés sur le retour au métier unique de « travailleur social » ?

Vous noterez dans la consultation du CESE, une question particulièrement orientée (je vous laisse juge à ce propos). Voici la question posée : « Pensez-vous qu’il serait pertinent d’aller vers une formation unique des métiers du social (niveau bac et niveau licence) avec des spécialités en fin de cursus ? »  Rappelons que c’est justement cette proposition précise de socle commun sur 3 ans avec une spécialisation à son issue qui avait mobilisé les professionnels fin 2017 après que la Commission Professionnelle Consultative du Travail Social et de l’Intervention Sociale ait proposé une refonte complète des formations et diplômes avec ce fameux socle commun.

Les États généraux du travail social en 2016 avaient auparavant posé un diagnostic similaire. À cette époque pas si lointaine, l’ANAS dénonçait « l’idéologie du travailleur social unique et d’une uniformisation du travail social dans sa globalité », « une erreur dangereuse qui ne ferait qu’aggraver les écueils actuels » précisait l’association. Cette question est donc à nouveau posée aus étudiants et ce n’est sans doute pas un hasard. Elle pourrait être une réponse possible face à la désaffection actuelle des métiers.

L’histoire est-elle en éternelle répétition ? Cette question du travailleur social unique a été posée depuis 1968 (!). Jusqu’à présent, les pouvoirs publics se sont fort heureusement refusés à trancher en sa faveur. En 2017 le rapport Bourguignon avait éteint un début d’incendie.

Sommes-nous là face à une nouvelle tentative d’instaurer en complément de la convention collective unique un projet de travailleur social unique ? Le rapport Piveteau que personnellement je trouve fort pertinent, ne le dit pas. Il propose même de « maintenir le socle du corpus traditionnel » et d’ouvrir « chaque profession à une diversité de «pratiques avancées» justifiant des spécialisations. Espérons que cette recommandation soit suivie d’effets, mais il me parait évident que la question du métier unique de travailleur social risque une nouvelle fois de revenir sur la table des discussions.

 

photo : default 04  wayhomestudio freepik

Partager

Articles liés :

3 Responses

  1. Bonjour, merci pour votre article.
    Pas de « réponse » mais 2 pistes hypothétiques qui pourraient éclairer la cloche en 2010 : la plateforme APB est apparu en 2009, elle pourrait avoir eu des effets sur l’orientation des lycéens, les détournant des filières hors APB. Par ailleurs, la crise financière de 2008, aurait-elle pu provoquer des effets sur l’orientation ? Je ne sais pas, mais je trouve en tout cas votre question en chapeau de l’article pertinente. Cordialement

  2. Cela relève du fantasme chimérique notamment lorsque l’on liste les injonctions sociétales paradoxales adressées aux professionnel·le·s et la complexité de nos accompagnements contemporains. Or, cette mesure de pompier pyromane ne fera que renforcer la situation actuelle à l’image des DEAVS dont les candidats n’ont pas crû. Et pour cause, ce n’est pas en répétant frénétiquement les termes d’un problème continuellement pris à l’envers qu’il trouve sa résolution. D’autant que la prétendue « interchangeabilité » de chacun actée par un diplôme unique renforce le sentiment de dévalorisation de notre expertise alors qu’en réalité et sur le terrain, il est évident que nos différences nous enrichissent et nous complètent au bénéfice de la qualité de nos accompagnements auprès des personnes !

  3. Bonjour,
    Il me semble que les professionnels, en tout cas dans leur majorité, reconnaissent l’intérêt de maintenir au moins des spécificités dans le contenu des diverses formations en travail social. La diversité des points de vue, la mutualisation des connaissances et expériences est appréciable dans une équipe pluridisciplinaire et dans le travail en partenariat. Ce qui n’empêche nullement qu’il y ait des enseignements communs et des sessions thématiques communes à plusieurs formations, comme cela est pratiqué par nombre de centres de formation depuis longtemps.
    Parmi les éléments pouvant contribuer à la baisse d’attractivité de nos métiers figurent notamment la faiblesse du salaire, la complexité et les conditions de travail (dont fait partie le travail les WE et les jours fériés pour certains).
    Je ne sais pas si c’est l’indulgence des jurys (je n’en suis pas convaincu) qui explique le taux de réussite en 2020. N’est-ce pas plutôt une plus grande prise en compte du contrôle continu, alors que les épreuves terminales habituelles peuvent fonctionner comme des « épreuves couperets » (certains candidat-e-s échouent parfois pour un quart de point!) , qui explique cela?

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.