Didier Dubasque
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Le numérique a-t-il trop envahi notre cadre de travail ?

L’usage excessif des outils numériques au travail est une préoccupation récurrente.  J’avais abordé ce sujet par le passé dans le journal Lien Social. C’est également un sujet de discussion parmi les assistantes sociales et les éducateurs. Les professionnels de l’aide et d soin expriment souvent leur inquiétude quant au temps considérable qu’ils consacrent à renseigner des écrans pour diverses raisons, qu’elles soient légitimes ou non.

Ce sentiment d’insatisfaction n’est pas exclusif aux travailleurs sociaux. Il est partagé par de nombreux autres professionnels. En effet, la majorité d’entre nous consacre désormais un temps conséquent à la frappe sur nos claviers, à la navigation dans diverses applications et à la gestion de nos boîtes de messagerie électronique. Ce temps, nous avons tendance à le percevoir comme du temps perdu, qui pourrait être mieux utilisé dans l’exercice de nos missions professionnelles. C’est aussi le cas dans la vie quotidienne.

Un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle

Il est important de reconnaitre que l’usage immodéré des outils numériques s’est aussi immiscé dans notre vie personnelle. Qui, de nos jours, peut se passer d’une messagerie électronique ou des applications qui facilitent notre quotidien ? La question à se poser devient alors plus nuancée : est-ce que le temps que je passe devant les écrans est utile et nécessaire ? ce temps est-il instructif ou abêtissant ? normal ou envahissant ? Pour répondre à ces questions, une introspection s’avère nécessaire pour évaluer le degré de subjectivité de notre ressenti.

Prenons un exemple : est-il justifiable pour un travailleur social de privilégier la communication par SMS ou par courrier électronique avec un jeune en suivi, au détriment d’une interaction en face à face ? La réponse à cette question dépendra des avantages et des inconvénients perçus, mais aussi du contexte spécifique de la situation. Le sujet est si complexe qu’il pourrait même être un thème de réunion d’équipe sans qu’une conclusion définitive ne soit trouvée. Dans certains cas, l’utilisation des outils numériques peut être bénéfique et nécessaire, tandis que dans d’autres, elle peut s’avérer vraiment contre-productive. C’est selon.

Le coût caché de la communication numérique

Selon une étude réalisée en 2021, un professionnel encadrant reçoit en moyenne entre trente et soixante courriels par jour. La gestion de cette masse d’informations est non seulement chronophage, mais elle constitue également une source de stress notamment lorsque l’on rentre de congés. Certains dirigeants d’entreprises ont même pris l’initiative d’interdire l’usage de la messagerie électronique le vendredi, incitant ainsi leurs agents à privilégier la communication directe pour résoudre les problèmes.

Reconnaissons aussi que la responsabilité de cette amplification des usages ne repose pas uniquement sur les épaules des employeurs. En tant que professionnels, nous contribuons aussi à ce phénomène. Il est certes plus facile d’envoyer un message rapide à un collègue pour obtenir des informations, mais sommes-nous conscients du temps et de l’effort que cela lui coûtera pour rédiger une réponse appropriée ? N’est-il pas plus simple parfois de lui parler ou de lui téléphoner ?

Vers une utilisation « raisonnée » des outils numériques

Les usages de nos smartphones, tablettes et ordinateurs justifient une attention et une réflexion particulière. Si une application nous oblige à y consacrer beaucoup de temps, c’est tout simplement qu’elle est mal conçue.  Plusieurs études indiquent que le temps passé sur les courriels peut représenter jusqu’à 30% du temps de travail total. Cette situation est-elle acceptable ? Ne peut-on faire autrement quand on travaille dans un métier de l’humain où le contact en face à face est essentiel ?

Enfin, il est tout autant intéressant de regarder et de prendre en compte l’impact environnemental de notre utilisation numérique. Selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe), une entreprise de 100 personnes génère chaque année, en raison des courriels, l’équivalent de 14 allers-retours en avion entre Paris et New York. Le numérique représente 5% des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l’aviation civile. Ce constat doit également faire partie de notre réflexion collective sur l’usage responsable de ces outils qui sont, reconnaissons-le, devenus un peu trop envahissants.

Pour conclure : Le numérique, cet ami qui ne vous veut pas que du bien

Alors, la prochaine fois que vous vous retrouverez à écrire un courrier électronique à votre collègue de bureau situé à quelques mètres de vous, demandez-vous si un bon vieux papier avion ne serait pas plus efficace. Ou mieux encore, pourquoi ne pas ressusciter l’art perdu de la conversation en face à face ? Après tout, les émojis n’arriveront jamais à la cheville d’une expression faciale bien placée.

Et qui sait, peut-être que réduire notre dépendance aux écrans nous permettra non seulement de redécouvrir le charme désuet de l’interaction humaine, mais aussi de sauver quelques arbres. Ne l’oubliez pas, à l’heure de la sobriété : chaque courrier électronique non envoyé est une petite victoire pour notre planète. Alors, prêt à débrancher ?

 


Photo de Freepik

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Une réponse

  1. À lire à ce propos «  Le zoom, une relation à distance ? » dans le numéro 83 du sociographe de septembre 2023, pp81, 88

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