Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

La précarité alimentaire : une situation qui alerte les travailleurs sociaux

L’année 2022 a été caractérisée par une inflation dévastatrice, qui a touché principalement les produits alimentaires dans le pays avec une hausse de 14% en janvier 2023. Face à cette situation économique difficile, de plus en plus de Français se sont tournés vers des structures d’aide alimentaire, ce qui révèle un niveau croissant de précarité alimentaire. Une étude du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CRÉDOC), en collaboration avec l’INRAE et l’université de Bordeaux, a dévoilé des chiffres alarmants sur cette situation.

Qu’est-ce qu’est réellement la précarité alimentaire ?

Avant d’entrer dans le détail de cette étude, il convient de définir ce qu’est la précarité alimentaire. Elle désigne l’incapacité pour une personne ou un ménage d’assurer un accès stable à une nourriture suffisante, sûre, nutritive et de qualité, afin de mener une vie active et saine. Cela peut être dû à un manque de ressources financières, mais aussi à des problèmes liés à l’accès à des aliments sains et nutritifs.

Elle peut prendre deux formes distinctes : l’insuffisance alimentaire quantitative, où les personnes n’ont pas assez à manger, et l’insuffisance alimentaire qualitative, où elles ont suffisamment à manger, mais pas toujours les aliments qu’ils souhaiteraient.

Une augmentation considérable en 2022

Selon l’enquête du CREDOC, cette précarité spécifique s’est considérablement accélérée au second semestre 2022, touchant désormais 16% des Français qui déclarent ne pas manger suffisamment. La crise économique a frappé de plein fouet les femmes, les plus jeunes, les personnes au chômage et celles avec les plus faibles revenus. L’étude révèle également que les personnes les plus affectées par la précarité alimentaire sont celles qui souffrent d’autres formes de fragilité, notamment en matière de santé ou de logement.

Le rapport montre une hausse significative de l’insuffisance alimentaire entre juillet et novembre 2022. C’est sur cette période que le pourcentage de personnes déclarant ne pas avoir assez à manger a augmenté de 4 points en seulement cinq mois, passant de 12% à 16%. Cette tendance est d’autant plus préoccupante que la part des Français pouvant manger tous les aliments qu’ils souhaitent a chuté de moitié depuis 2016, passant de 50% à 33%.

insuffisance alimentaire Credoc

Qui est concerné ?

L’étude souligne également le lien étroit entre la précarité alimentaire et d’autres formes de vulnérabilité, comme la santé, le logement et l’isolement relationnel. Les personnes qui déclarent souffrir d’un handicap, d’une maladie chronique ou qui ont un état de santé insatisfaisant sont deux fois plus susceptibles de manquer de nourriture que celles qui se déclarent en bonne santé. Les difficultés liées au logement jouent aussi un rôle crucial dans la précarité alimentaire, car celles vivant dans des logements surpeuplés ou avec de lourdes charges de logement sont trois fois plus susceptibles de manquer de nourriture.

Les jeunes adultes, les femmes et les personnes en situation de pauvreté sont ausi particulièrement touchés par cette situation. Les personnes au chômage sont également plus souvent en situation de précarité alimentaire que les actifs et les inactifs. L’étude conclut que la précarité alimentaire est principalement liée aux revenus, ce qui suggère que des aides financières directes pourraient constituer une réponse efficace.

Un impact conséquent

L’augmentation de la précarité alimentaire en France a un impact énorme sur la santé publique. Elle a des conséquences potentiellement graves sur la santé physique et mentale des individus. Les personnes en situation de précarité alimentaire sont plus susceptibles de souffrir de malnutrition et de maladies chroniques, et ont un risque accru de développer des problèmes de santé mentale tels que la dépression et l’anxiété.

Il est primordial de traiter cette question avec toute l’urgence et l’importance qu’elle mérite. L’augmentation de cette précarité en France met en lumière l’importance d’assurer une sécurité alimentaire pour tous, et invite à une réflexion plus profonde sur notre système économique et social. Il serait nécessaire d’adopter des mesures rapides et efficaces pour atténuer les conséquences sociales et de santé publique de cette forme de précarité. L’approche recommandée serait de simplifier le processus d’identification des personnes à risque et d’apporter une aide financière directe aux personnes à faible revenu. Mais cela ne suffit pas.

Les professionnels de l’aide et du soin en première ligne

Qu’ils soient professionnels ou bénévoles, les aidants ont un rôle essentiel dans la lutte contre toutes les précarités.  Celle qui est alimentaire n’y déroge pas. Mais c’est en rendant visite aux personnes sur leurs lieux de vie qu’ils sont le mieux placé pour identifier et répondre à leurs besoins.  Par leur contact étroit et régulier avec des personnes et des familles en situation de vulnérabilité, ils sont souvent les premiers à remarquer les signes de malnutrition ou d’insécurité alimentaire. L’école joue aussi un rôle important. Les enseignants peuvent constater des enfants affaiblis et malnutris. Ceux qui mangent à la cantine « dévore » souvent leur seul repas de la journée.  À partir de multiples observations, ils est possible d’orienter les personnes concernées vers les ressources adéquates, comme les associations caritatives et les banques alimentaires. Mais cela ne suffit pas, loin de là.

Le don ne fait que pérenniser une situation de dépendance. C’est pourquoi les travailleurs sociaux se doivent d’agir dans plusieurs autres directions.

Agir à de multiples niveaux

En plus d’être des « prescripteurs » qui orientent le public, les travailleurs sociaux sont également des éducateurs. Ils ont pour mission de sensibiliser leur public sur l’importance d’une alimentation équilibrée en précisant les moyens d’y parvenir malgré des contraintes financières. Par ailleurs, leur voix peut porter jusqu’aux décideurs politiques pour les alerter sur les enjeux de la précarité alimentaire et promouvoir des politiques publiques adaptées.

Un autre rôle fondamental des travailleurs sociaux est d’aider les personnes en situation de précarité à naviguer dans le système des aides qu’il est possible d’activer. En effet, les dispositifs sont complexes et décourageants pour certains. Les professionnels peuvent ainsi guider chacun dans ses démarches, aider à remplir les formulaires nécessaires et suivre ce qu’elles deviennent, que ce soit pour l’alimentation, le logement ou la santé.

Les travailleurs sociaux sont aussi des « défenseurs des personnes qui vivent la précarité ». Ils devraient à ce titre pouvoir prendre part à des actions de plaidoyer pour promouvoir l’accès à une alimentation nutritive et abordable. Ils ont leur mot à dire pour lutter contre la pauvreté et l’instabilité du logement, ou encore pour augmenter les revenus des personnes confrontées à la précarité.

Enfin, le rôle des travailleurs sociaux n’est pas seulement pragmatique, il est aussi émotionnel. Ils offrent un soutien précieux à ceux qui vivent le stress et l’anxiété liés à l’insécurité alimentaire, et peuvent aider à traiter d’autres problèmes de santé mentale associés.

La lutte contre la précarité alimentaire est un défi complexe qui nécessite une approche globale. En ce sens, le travail des travailleurs sociaux est à mon sens inestimable. Il est donc essentiel de valoriser et de soutenir leurs missions d’aide et d’accompagnement pour la promotion d’une sécurité alimentaire pour tous.

 

 

Photo : Pexels

Partager

Articles liés :

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.