Dans un contexte dans lequel la protection de l’enfance fait encore trop souvent parler d’elle de façon négative, voici une initiative intéressante en vue d’apporter une meilleure prise en compte des problématiques rencontrées par les jeunes pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Cette Méthode 3A, propose une approche globale et bienveillante visant à améliorer significativement l’accompagnement des enfants et adolescents placés. Elle repose sur trois piliers essentiels : Accueillir, Apaiser et Accompagner. Chacun de ces aspects a été pensé pour répondre aux besoins fondamentaux des jeunes en difficulté et leur offrir un cadre propice à leur épanouissement. Certains lecteurs trouveront que cette manière d’agir s’appuie sur des évidences. Ils n’auront pas tort. Pour autant, il est bon de se rappeler ce qui est essentiel pour la prise en compte d’un enfant sous mesure de protection, bien au-delà des protocoles et procédures obligatoires dans le parcours qui s’engage.
Accueillir : la première étape essentielle
L’accueil, parfois négligé dans les processus de prise en charge, est une phase déterminante. Il s’agit du point de départ du parcours de ces enfants, généralement marqués par des traumatismes liés à la séparation, l’abandon ou des prises en charge multiples.
Un accueil de qualité permet de rassurer l’enfant. Il permet de dédramatiser sa situation et de favoriser son intégration dans son nouveau cadre de vie. Cette étape est essentielle pour créer un sentiment de sécurité, indispensable à tout processus de reconstruction. Dans mon expérience professionnelle, je reste toujours admiratif des pratiques de certain(e)s professionnel(le)s de la protection de l’enfance qui ont un réel savoir-faire et un savoir être dans ce domaine. L’accueil est souvent pour eux « le premier acte social ». (Ce numéro de la revue française de service social qui date de 1995 n’a pas pris une ride. Il est toujours d’actualité).
Apaiser : vers une stabilité émotionnelle
L’apaisement est la deuxième composante clé de cette méthode qui m’a été communiquée par une lectrice régulière de ce blog, Martine Gazel, elle-même ancienne enfant placée. Apaiser vise à apporter acceptation et sérénité aux jeunes accueillis. Cette phase passe par une évaluation minutieuse des besoins individuels, la mise en place d’un suivi personnalisé et l’attribution d’un référent stable.
L’objectif est de créer un lien durable. Un lien basé sur le respect mutuel et la confiance. Cette approche permet de répondre aux besoins spécifiques de chaque jeune, en tenant compte de son histoire et de ses particularités. La question est aussi de savoir prendre le temps d’apporter des réponses qui apaisent et rassure les enfants sujets à de multiples angoisses et interrogations qui les concernent. Prendre le temps de comprendre ce qu’il vit est un point de passage obligé
Accompagner : construire l’avenir
L’accompagnement constitue le troisième pilier de cette méthode. Je suis plutôt méfiant de ce mot valise qu’est le terme « accompagnement ». Apparemment tout le monde en fait. Tout et son contraire cohabitent. Pourtant, l’accompagnement est un élément incontournable pour aider les jeunes à se reconstruire et à bâtir leur avenir.
Cet accompagnement se traduit notamment par un suivi scolaire individualisé, dans la durée et sans ruptures. Les accompagnements qui sont une suite sans fin de changement d’intervenant sont l’antithèse de ce qu’il faudrait faire. Un réel accompagnement s’inscrit dans la durée et dans la régularité des rencontres. Il vise à favoriser la réussite éducative et à soutenir le parcours de l’enfant dans sa scolarité. L’encadrement proposé se veut bienveillant, guidant et encourageant, tout en fixant un cadre structurant avec des règles claires à respecter. Cette approche vise à valoriser les compétences et les progrès de chaque jeune, tout en l’aidant à développer son autonomie.
Une méthode ancrée dans l’expertise et l’expérience
La force de la Méthode 3A réside dans l’expertise de ses concepteurs et dans l’implication de professionnels expérimentés. L’équipe est composée de travailleurs sociaux choisis pour leur formation de qualité et leur expérience dans la prise en charge des jeunes en difficulté. Leur engagement dans la mise en œuvre de la méthode garantit une approche cohérente et adaptée aux besoins spécifiques de chaque jeune.
Cette méthode s’appuie également sur des partenariats solides avec les acteurs locaux. C’est le cas par exemple quand les services de l’ASE se coordonnent avec les services de pédopsychiatrie. Cette collaboration permet une prise en charge globale et coordonnée, essentielle pour répondre efficacement aux multiples problématiques rencontrées par les jeunes enfants confiés.
L’impact de la Méthode 3A dans le champ de la protection de l’enfance
À y regarder de plus près, faire appel à ces trois actions, (accueillir, apaiser et accompagner) vaut pour toutes les situations sociales. Dans un contexte dans lequel la protection de l’enfance fait l’objet de nombreuses critiques et remises en question, la méthode 3A apporte une réponse bienvenue. Elle répond directement aux préoccupations soulevées par la récente commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE, en proposant une approche centrée sur les besoins de l’enfant et son bien-être.
La méthode s’inscrit parfaitement dans les objectifs fixés par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant. En effet, celle-ci vise à positionner l’enfant au cœur de l’intervention et à mieux répondre à ses besoins fondamentaux. En proposant un accompagnement global et personnalisé, la Méthode 3A contribue à stabiliser les parcours des enfants placés et à améliorer leur prise en charge[5].
Martine Gazel, marraine de la démarche
Membre du Conseil d’administration et trésorière de l’association d’entraide aux personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE), Martine Grazel a été membre du comité de vigilance des enfants placés, crée dans le cadre de la mise en place de la commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’ASE. Elle était chargé de suivre et d’accompagner les travaux parlementaires, (avant la dissolution) et de s’assurer que les paroles des enfants placés soient prises en considération par les députés de la commission.
Marraine de la méthode 3A, elle en rappelle l’objectif : celui-ci est « d’assurer un accompagnement global des jeunes en difficulté, en mettant l’accent sur les aspects du soin, de l’éducation, du rythme de vie, de la scolarité, de la gestion des crises, et de la prise en compte de la parole des jeunes et de leurs familles », tout cela avec une coordination des différents services concernés (éducatifs, médicaux, psychologiques ….).
Cet engagement valorise cette approche. Ancienne enfant placée à la DDASS de 9 à 20 ans, elle a vécu personnellement les défaillances du système de protection de l’enfance. Son témoignage poignant rappelle l’urgence d’améliorer la prise en charge des enfants placés[3].
Aujourd’hui cette ancienne DRH, met son expérience et son expertise au service de la cause des enfants placés. Son engagement bénévole au sein de diverses associations et sa participation au Comité de Vigilance des Enfants Placés témoignent de sa détermination à faire évoluer les pratiques dans le domaine de la protection de l’enfance.
Vers une protection de l’enfance plus humaine et efficace
Quelle que soit la façon de faire retenue, il reste essentiel que les acteurs de la protection de l’enfance interrogent leurs pratiques « à hauteur de l’enfant ». En plaçant ses besoins au centre de leurs approches, les travailleurs sociaux pourront agir avec des réponses concrètes et adaptées aux enjeux actuels du système. L’engagement de professionnels qualifiés et l’implication de personnes ayant vécu le placement, apportent de meilleures garanties et une légitimité indéniables.
Alors que le système de protection de l’enfance fait l’objet de nombreuses critiques, réfléchir sur sa pratique et agir en conséquence peut apporter une lueur d’espoir. Il s’agira de proposer une voie vers une prise en charge plus humaine, plus efficace et plus respectueuse des droits et des besoins fondamentaux des enfants. Le développement de modes d’intervention portés par du sens et de l’humanité peuvent contribuer significativement à l’amélioration du sort des enfants placés en France. Il ouvre la voie à un avenir plus serein pour ces jeunes trop souvent oubliés.
Source :
Lire aussi au sujet du livre de Martine Gazel : Livre ouvert | Protection de l’enfance : « Ce sont elles qui en parlent le mieux »
Note : Je n’ai aucun intérêt particulier ni financier avec les promoteurs de la méthode 3A. Celle-ci vaut sans doute pour d’autres, mais elle a le mérite de la clarté.
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