La Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux (IFSW) a confirmé sa décision de censurer l’Union israélienne des travailleurs sociaux (IUSW) le 9 janvier dernier. Soit quelques jours avant la trêve entre Israël et le Hamas. Cette décision, prise à la majorité, repose sur le constat que l’IUSW n’a pas respecté les principes fondamentaux de la profession en refusant d’agir pour promouvoir la paix dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Cette censure rappelle les attentes éthiques élevées qui pèsent sur les organisations professionnelles dans des situations de crise.
L’IUSW a notamment refusé de demander au gouvernement israélien d’exempter les travailleurs sociaux des fonctions militaires dans les zones de conflit. Ce refus est perçu comme une entorse aux valeurs fondamentales de la profession, qui incluent la promotion de la paix, la justice sociale et la défense des droits humains. La situation est d’autant plus préoccupante que le conflit israélo-palestinien a pris une ampleur dramatique depuis octobre 2023, avec un bilan humain catastrophique et des violations massives des droits de l’Homme.
Une décision qui fait suite à des échanges tendus
Il y a eu de multiples échanges entre les représentants de l’exécutif de l’IFSW et son organisation membre israélienne, l’IUSW avant d’en arriver là. Le syndicat a d’abord confirmé que ses membres participaient à des missions de combat en précisant que la conscription militaire était une obligation en vertu de la loi israélienne.
Suite à cette réponse l’ISFW a demandé au syndicat Israélien s’il serait disposé à demander à son gouvernement d’exempter les travailleurs sociaux de la conscription militaire. L’objectif étant qu’ils ne soient pas placés dans des missions de combat actif. Une demande justifiée au motif que leurs compétences devraient être utilisées pour la consolidation de la paix. Cette demande relevait d’un principe éthique et professionnel.
L’IUSW a réagi en ne parlant que de l’horrible attaque du Hamas le 7 octobre 2023 et de « la terreur persistante liée aux otages toujours portés disparus » sans aucune référence aux civils palestiniens victimes des bombardements. Elle a précisé qu’elle n’engagerait aucune demande d’exemption de service militaire pour les travailleurs sociaux, d’autant que cet appel ne serait pas largement soutenu au sein de son organisation. Elle a confirmé qu’elle ne ferait pas une telle demande à son gouvernement.
D’autres acteurs de la profession en Israël ont confirmé que des travailleurs sociaux et des étudiants en travail social sont actifs à Gaza dans des missions de combat israéliens. Le dernier bilan s’élève à 46.640 morts palestiniens et 1.139 personnes ont été tuées en Israël depuis le 7 octobre 2023.
Un autre précédent
Il s’agit de la deuxième censure émise par le comité exécutif de l’IFSW. La première censure avait été émise en 2018. Elle visait également l’IUSW et son refus de reconnaître les droits des Palestiniens.
À la suite de discussions internes et externes, cette censure a été supprimée quatre années plus tard, en 2022. Cette sanction a été levée après que l’IUSW ait fait une déclaration reconnaissant les droits du peuple palestinien à égalité avec les droits du peuple israélien.
La responsabilité des travailleurs sociaux face aux conflits
Cette affaire soulève une question essentielle : quelle est la responsabilité des travailleurs sociaux dans un contexte de guerre ? Ils sont souvent confrontés à des dilemmes éthiques complexes en tant que professionnels engagés pour le bien-être et les droits des individus. Dans le cas présent, l’IFSW reproche à l’IUSW son inaction face à une situation où les principes fondamentaux de la profession auraient dû guider une prise de position claire.
L’inaction peut être interprétée comme une forme de complicité passive. Les travailleurs sociaux ne sont pas seulement des témoins ; ils ont un rôle actif à jouer pour dénoncer les injustices et promouvoir des solutions pacifiques. En ce sens, l’IFSW rappelle que le silence ou l’inaction face à des violations graves des droits humains est incompatible avec les valeurs fondamentales du travail social.
Les réseaux sociaux : un terrain miné pour les droits humains
Le conflit israélo-palestinien ne se limite pas aux champs de bataille. Il s’étend également aux sphères numériques. Des organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International ont dénoncé une censure systémique sur les plateformes comme Facebook et Instagram, où le contenu pro-palestinien est fréquemment supprimé ou restreint. Ces pratiques exacerbent les déséquilibres déjà présents sur le terrain en limitant la capacité des Palestiniens à documenter et partager ce qu’ils vivent au quotidien notamment dans la bande de Gaza.
Cette dynamique pose une difficulté supplémentaire aux travailleurs sociaux, qui doivent naviguer dans un environnement où même leur liberté d’expression peut être compromise. La censure numérique reflète souvent les mêmes inégalités structurelles que celles observées sur le terrain. Elle rend encore plus difficile la mission de plaidoyer pour les populations marginalisées.
Une polarisation croissante au sein de la profession
Le conflit a divisé la communauté internationale des travailleurs sociaux. Certains appellent à une condamnation plus ferme des actions israéliennes, tandis que d’autres craignent que ces positions ne soient perçues comme biaisées ou politisées.
Cette polarisation reflète une tension plus large au sein de nombreuses professions confrontées à des crises comme les guerres : comment équilibrer une forme de neutralité professionnelle et engagement éthique ? La question n’est pas simple, d’autant que le concept de neutralité est loin d’être établi dans le champ des métiers de la relation humaine.
Un appel à l’action pour les organisations professionnelles
La censure de l’IUSW par l’IFSW doit être vue comme un signal fort pour toutes les organisations professionnelles. Elle rappelle que le travail social ne peut se limiter à une approche technique ; il s’agit avant tout d’un engagement envers les valeurs universelles de justice sociale et de dignité humaine.
Les organisations doivent encourager leurs membres à prendre position face aux injustices, tout en leur offrant un cadre sécurisé pour exprimer leurs préoccupations. Cela pourrait inclure des formations spécifiques sur le plaidoyer en temps de crise extrème, ainsi que des espaces de dialogue pour discuter des dilemmes éthiques complexes.
Enfin, cette situation nous invite à repenser le rôle du travail social dans un monde marqué par des conflits croissants et une polarisation accrue. Les professionnels doivent se demander comment ils peuvent non seulement répondre aux besoins immédiats des populations affectées, mais aussi contribuer à long terme à la construction d’une société plus juste, pacifique et moins « guerrière ».
En conclusion, la censure de l’IUSW par l’IFSW est bien plus qu’un simple geste symbolique : elle constitue un appel urgent à tous les travailleurs sociaux pour qu’ils réaffirment leur engagement envers les valeurs fondamentales de leur profession. Dans un monde en crise, leur rôle est plus important que jamais.
Source : Communiqué du bureau exécutif de la Fédération Internationale du Travail Social
Photo : Heri Rakotomalala flickr Manif ! Solidarité avec Gaza au Canada Certains droits réservés
Une réponse
« Censure systémique » Non, mais vous rigolez ! Allez-vous promener dans les rues de la capitale, allez faire un tour aux manifestations du 01 mai, vous la verrez de près votre « censure », les mots ont du sens, je vous invite maintenant à prendre le temps de la réification.
La défense nationale est plus importante que le service social ! Une arme c’est fait pour tuer et se défendre, et quand on en est arrivé là, il n’y a plus « d’assistants sociaux », mais des soldats.