L’accessibilité à de multiples services pour les personnes en situation de handicap reste un sujet sensible. Une lectrice du blog m’a alerté au sujet de ce qui se passe au Domaine de la Porte Neuve à Riec-sur-Bélon, dans le Finistère. Ce centre de vacances spécialisé dans l’accueil des personnes handicapées avec leurs familles se présente comme un havre de paix rare et précieux. Il est aujourd’hui au cœur d’une controverse depuis que la MGEN (Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale) son propriétaire, a décidé de transférer la gestion du centre à l’organisme VTF (Vacances Tourisme Familles).
Depuis, l’inquiétude grandit parmi les familles bénéficiaires, mais aussi les défenseurs des droits des personnes handicapées. Tous redoutent que l’accueil et les services spécifiques dont elles bénéficient soient compromis, voire à terme supprimés.
Un lieu de repos essentiel
Le Domaine de la Porte Neuve offre effectivement un cadre unique où les familles qui ont en leur sein des personnes handicapées peuvent se ressourcer ensemble. Elles sont alors loin des contraintes quotidiennes imposées par le handicap. Ouvert, pour l’instant, du printemps à la Toussaint, ce centre permet aux familles de vivre des moments de détente et de répit, essentiels pour leur bien-être.
L’annonce du changement de gestion confié à VTF a bouleversé cet équilibre. Cette organisation est certes bien connue dans le champ du tourisme social, mais sans expérience réelle dans la prise en charge du handicap. Cette nouvelle situation suscite de vives inquiétudes.
Un choix discutable
La MGEN a promis d’intégrer les familles dans les discussions pour établir une convention avec VTF. Mais la confiance est ébranlée. Les familles craignent que cette évolution ne soit qu’une formalité, sans véritable prise en compte de leurs besoins spécifiques. En effet, il est question d’élargir les plages d’ouverture au delà la période d’été. Cette recherche de rentabilité inquiète les familles (auront-elles leur place?).
L’ouverture du centre les deux mois d’été à un large public est particulièrement problématique. En effet, l’inclusion n’est possible que si les personnes non sensibilisées au handicap sont accompagnées, bien informées et tolérantes. Il faut qu’elles puissent accepter des dérangements tels que les comportements pouvant être considérés comme perturbants, les cris, les déplacements en fauteuil, etc. La cohabitation peut être difficile et très délicate.
Maintenir des séjours adaptés reste une priorité
Comme dans d’autres lieux d’accueil du même type, les séjours au domaine de la Porte Neuve ne sont pas de simples vacances. Ils représentent une opportunité pour les familles de se retrouver, de partager des moments de complicité et de se ressourcer.
Pour les parents, c’est l’occasion de passer du temps avec leurs autres enfants, sans que le handicap soit au centre de toutes les attentions. Pour les personnes handicapées, c’est un espace dans lequel elles peuvent évoluer sans jugement, dans un environnement adapté à leurs besoins, avec des activités à leur portée et pensées avec et pour elles.
Les limites de l’inclusion ?
Au premier regard, la MGEN dispose d’un argument imparable : la cohabitation d’une population valide dans le centre de vacances avec des personnes handicapées pendant des vacances apporte les conditions d’une plus grande inclusion au sein de la société. Elle évite le repli sur soi, même s’il est compréhensible qu’un certain entre-soi soit bénéfique pour pouvoir se ressourcer.
En outre, VTF dispose de compétences pour gérer des villages en collectivité. Les comportements inadaptés existent au sein des familles valides. Il est parfois délicat d’avoir à les gérer sur un lieu de vacances à un moment où tout le monde a besoin de tranquillité et de bien-être. Ce n’est pas qu’une question de handicap. Mais il faut regarder de plus près ces 2 arguments.
Cela conduit aussi à se poser une question : comment l’inclusion d’une population spécifique telle celle des personnes handicapées au sein peut-elle s’opérer de façon harmonieuse dans la population ? (ici dans un centre de vacances adapté).
Pour une inclusion réussie, il faut aussi se poser des limites.
L’affaire du Domaine de la Porte Neuve soulève effectivement des questions sur les limites de l’inclusion, particulièrement dans le contexte des vacances adaptées pour les personnes handicapées. L’inclusion, bien qu’étant un objectif noble et nécessaire, présente des enjeux et des pratiques complexes qui peuvent parfois se transformer en obstacles pour ceux qu’elle vise à aider.
L’inclusion ne se résume pas à la simple intégration physique des personnes handicapées dans des environnements ordinaires. Elle implique une adaptation des structures et des services pour répondre aux besoins spécifiques de ces personnes, leur permettant ainsi de participer pleinement et équitablement à la vie sociale. Cependant, comme le souligne Philippe Tremblay, spécialiste sur ce sujet dans le milieu scolaire, l’inclusion nécessite des mesures concrètes et adaptées qui vont au-delà de la simple présence physique. Dans le cas du Domaine de la Porte Neuve, la gestion par un organisme non spécialisé pourrait compromettre cette dimension essentielle de l’inclusion, transformant un espace de répit en une source de stress pour les familles concernées.
Les limites de l’inclusion se manifestent également à travers les contraintes budgétaires et organisationnelles. Les politiques d’inclusion, bien qu’elles visent à intégrer les personnes handicapées dans des environnements ordinaires, sont souvent mises en œuvre sans les ressources suffisantes pour assurer leur succès. Cela peut mener à des situations où l’inclusion devient plus une question de gestion économique qu’une véritable réponse aux besoins des personnes handicapées. Dans le cas présent, le transfert de gestion à VTF pourrait être perçu comme une démarche visant à réduire les coûts, ou à augmenter le chiffre d’affaires de la structure au détriment de la qualité des services offerts aux familles.
Enfin, l’inclusion doit être pensée de manière à respecter les spécificités de chaque situation. Comme le souligne un rapport de Terra Nova, le modèle social du handicap exige que l’environnement s’adapte aux besoins des personnes handicapées, et non l’inverse. La fermeture ou la transformation du Domaine de la Porte Neuve pourrait être un exemple de la manière dont une approche standardisée de l’inclusion échoue à prendre en compte les besoins individuels, soulignant ainsi les limites d’une inclusion mal conçue.
Construire une réponse avec les personnes concernées
En conclusion, l’affaire du Domaine de la Porte Neuve révèle en elle les enjeux et les limites de l’inclusion. Elle nous rappelle la nécessité d’une approche personnalisée et bien financée pour véritablement répondre aux besoins des personnes handicapées et de leurs familles. C’est avec elle que des solutions peuvent être trouvées. Cela aurait dû être le cas avant la prise de décision de modifier les règles d’accueil et de gestion. Ce fut là une occasion manquée. Mais il n’est peut-être pas trop tard pour se rattraper.
Le Domaine de la Porte Neuve est bien plus qu’un simple centre de vacances ; c’est un symbole de solidarité et d’inclusion. La menace qui pèse sur les séjours doit être l’occasion de repenser notre approche de l’accueil des personnes handicapées et de leurs familles. Il est impératif que les autorités et les gestionnaires prennent des mesures pour assurer la continuité de ces séjours adaptés, en respectant les besoins spécifiques des familles concernées. La préservation de cette pratique est une responsabilité collective, un engagement envers une société plus juste et inclusive.
Une pétition est en ligne pour « Sauver les séjours adaptés de vacances et de répit au domaine de la Porte Neuve ». Vous pouvez bien évidemment vous y associer et la signer.
Sources :
- Une marche pour sauver les séjours au domaine de la Porte-Neuve à Riec-sur-Bélon | Le Télégramme
- On veut les priver de séjours adaptés : ces familles se battent pour sauver les vacances de leurs enfants handicapés | France 3 Régions
- Handicapés : « Levez-vous, nos séjours sont menacés » : cent personnes manifestent à Riec-sur-Bélon | Ouest-France
- Accessibilité et inclusion : deux enjeux clés pour les personnes handicapées | World Bank Blogs
- Pour une inclusion réussie, il faut aussi se poser des limites | Cairn.info
- Les vacances pour adultes handicapés : un casse-tête pour les familles | Handicap.fr
- Inclusion : une utopie qui fait souffrir | SNALC
- Les dilemmes de l’école inclusive | Tnova
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