Féminicide de Hayange : L’analyse et les propositions de la mission d’inspection

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Dans son rapport rendu public le 2 juillet, la mission d’inspection mise en œuvre après le féminicide d’Hayange, dans le Grand Est, estime que les conseils départementaux ne participent pas assez au repérage des signaux de violences conjugales indique les Olivier Hielle dans les ASH. La mission recommande également de sécuriser les financements des associations.

Le journaliste parle d’une zone grise relevée par la mission d’inspection. Elle concerne la répartition des compétences entre l’État et le Département. Comme l’indique le directeur départemental de la cohésion sociale de Moselle, cité par le rapport, «s’il s’avère qu’aucun problème éducatif n’est décelé dans la relation mère-enfant, le département considère que la prise en compte de la problématique des violences est à la charge de l’État». C’est un peu réducteur.

Cette vision me parait assez injuste et très discutable. Les rapporteurs semblent méconnaitre tout le travail des services sociaux départementaux qui se mobilisent beaucoup sur les violences conjugales qu’il y ait ou pas d’enfants dans le foyer. Nombre d’entre eux ont passé des conventions et financent les associations de protection des femmes victimes de violences intra-familiales.

Une nouvelle compétence à déléguer aux Départements ?

Une de plus, pourrait-on dire ! La première proposition de la commission consiste à insérer dans le Code de l’action sociale et des familles une compétence donnée aux départements de contribution au repérage des signaux de violences conjugales. Ce « repérage » demande un travail en lien avec le ministère de l’Intérieur invité à se rapprocher du ministère des Solidarités et de la Santé (et non l’inverse). Les Départements ne seraient pas suffisamment impliqués dans cette dimension. Faut-il rappeler que la mission des intervenants sociaux des Départements comporte un volet conséquent sur l‘assistance aux personnes vulnérables. Or les femmes victimes de violences en font partie et mobilisent beaucoup les travailleurs sociaux. Pour autant cette disposition laisse supposer que ce qui est engagé n’est pas suffisant.

Comment agir préventivement malgré l’absence de signes inquiétants ?

Les rapporteurs considèrent que les services locaux (dont les services sociaux) ont fait leur travail : « la sécurité publique a ramené le calme à chaque intervention, Mme Y a toujours défendu son compagnon tout en s’en plaignant, et donc aucune véritable violence conjugale n’a été repérée qui aurait pu faire intervenir le parquet ; de même aucune maltraitance sur enfant n’a été observée qui aurait déclenché l’intervention de l’aide sociale à l’enfance du département ». Mais la commission explique que seul le croisement d’informations aurait permis de considérer le risque. Elle préconise un plus grand partage d’informations dans le cadre des comités locaux de prévention de la délinquance. 

Ne serions-nous pas là dans un renouvellement de préconisation qui n’a pas forcément fait ses preuves ? À chaque drame, c’est le partage d’information qui est mis en cause même si les acteurs n’en possèdent pas qui soit inquiétante. Un adage explique que « avec des si, on pourrait mettre Paris en bouteille ». Cette logique semble toujours à l’œuvre.  S’il y avait eu partage d’information, il y aurait eu une action coordonnée. (est-ce certain ?)  Il est beaucoup plus facile d’imaginer à postériori ce qui aurait dû être fait à la lumière de ce qui est arrivé et non à partir de ce que les acteurs en lien avec la famille connaissaient.

La deuxième recommandation  demande aux préfets de veiller au fonctionnement régulier des CLSPD et à leurs groupes de travail sur les violences faites aux femmes. Cela concerne aussi l’examen de situations individuelles. 

Les violences conjugales sont  prises en compte par les services sociaux départementaux

La Moselle ne fait pas exception.  Elles sont prises en compte dans ce département de plusieurs façons.

Il s’est doté de référents violences conjugales dans les cinq services de la direction de la solidarité. Ils sont chargés de former leurs collègues travailleurs sociaux et des réunions sont organisées par territoire afin de sensibiliser les professionnels au dépistage systématique de ces violences intrafamiliales.

Les intervenants sociaux en commissariat ont été renforcés, à Thionville un poste à temps plein d’Intervenant social en commissariat  existe déjà depuis six ans. Le secteur associatif est actif. Il l’a été aussi pendant la pandémie.

Les services sociaux savent agir auprès des victimes, mais faut-il les mobiliser pour agir auprès des auteurs avec tous les risques que cela comporte ? Car finalement comment peut-on protéger une femme victime de violence si l’auteur peut faire ce qu’il veut en ne respectant pas les injonctions judiciaires dès qu’il sort d’incarcération ? (En tout cas ce ne sont pas seulement les femmes qu’il faut pouvoir protéger, mais aussi les professionnels qui les aident et leur permettent une mise à l’abri).

Sécuriser le financement des associations de lutte contre les violences faites aux femmes

C’est une demande issue de la 3ᵉ recommandation. Elle constate que le financement des associations ne sont pas pérennes et sont souvent liés à des projets. Il est donc demandé de mettre en place localement des contrats d’objectifs et de fixer aux associations des priorités.  Là aussi, les réalités sont très différentes selon les territoires. Il me semble que cela existe déjà dans plusieurs départements. Mais cela interroge aussi l’autonomie des associations invitées à ne devenir des opérateurs qui peuvent être ainsi instrumentalisés.

Une volonté que soient précisés les modalités de la coordination des intervenants

Au terme de ses travaux, la mission considère qu’aucun manquement professionnel ne peut être relevé dans les décisions prises avant le meurtre, tous les intervenants s’étant mobilisé de leur compétence. Mais précise-t-elle aussitôt « la gravité des faits souligne toutefois la nécessité absolue de coordonner l’action des acteurs locaux à chaque étape du traitement des violences familiales »

Dans sa 6ᵉ et dernière recommandation, le groupe de travail estime nécessaire d’élaborer une circulaire définissant précisément les violences conjugales et leur périmètre. Elle souhaite aussi que soient unifiées les grilles d’évaluation du danger et que les modalités d’une coordination des acteurs locaux soit précisément établies.

 

 

photo : freepik.com  1344483 @Dragana_Gordic

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