Lors d’une récente réunion au sein de la commission du Rapport du CSTS, nous avons eu à échanger sur des questions de terminologie concernant les personnes auprès de qui les travailleurs sociaux interviennent. Si vous êtes travailleur social, comment les appelez vous lorsque vous êtes entre vous ? Nous avons constaté par exemple que les personnes n’apprécient pas d’être nommées « usagers » des services sociaux. Lors d’un récent entretien avec un groupe d’allocataires du RSA, ceux ci avaient fortement exprimé leur désapprobation que ce terme « usagers » soient le mot utilisé pour les définir.
« ça nous diminue encore plus » « mais on n’est pas usés !» « utiliser ce mot ça insiste sur le fait qu’on est dépendant » dira une personne. Ce terme est même considéré comme le signe d’une situation socialement réprouvable « ça fait un peu comme si on voulait en profiter » précisera même un membre du groupe que j’avais pu interroger. Au final ce terme est rejeté car il est connoté négativement.
Une des propositions qui a été formulée au CSTS consiste à utiliser le terme de « personne accompagnée » qui est certes plus séduisant, plus neutre et moins connoté négativement. Mais en y réfléchissant, je pense que ce terme ne convient pas non plus. En voici l’explication :
Les travailleurs sociaux font plus qu’accompagner les personnes. Ils peuvent ne pas « accompagner » mais tout autre chose. Ils accueillent, ils orientent de façon ponctuelle, ils produisent des évaluations, ou encore de la médiation. Toutes ces actions peuvent être ponctuelles et e pas forcément s’inscrire dans une logique d’accompagnement
L »accompagnement n’est qu’une des fonctions du travail social nous a très utilement rappelé Cristina De Robertis. Ce terme d’accompagnement social ne peut remplacer celui d’intervention sociale dont la finalité doit demeurer la relation d’aide. A ce sujet, il reste utile de rappeler que les 3 premiers constituants de l’intervention sociale sont :
la rencontre qui répond pour une part à une demande de la personne ou une proposition de service. Elle se traduit par la prise de contact, l’information mutuelle du besoin exprimé , et la construction d’un accord précisant des finalités et des objectifs de l’action susceptible d’être engagée.
le recueil des informations nécessaires à la compréhension de la problématique posée. Celle ci peut justifier une reformulation des termes utilisés afin de s’inscrire, par exemple, dans des conditions permettant l’expression d’un consentement éclairé.
l’analyse et l’évaluation diagnostique partagée autant que faire se peut. Ce diagnostic social n’est pas de l’accompagnement mais bien une production de savoir sur une situation particulière permettant d’apporter des éléments de compréhension et de propositions.
Parmi ces propositions figure l’accompagnement social qui doit rester une possibilité (ou parfois une obligation notamment dans le champ judiciaire, espace d’intervention de certains travailleurs sociaux).
Les organisations de travail ont parfois segmenté cette approche par phases successives en faisant intervenir différents professionnels dans le processus (accueil, recueil, évaluation..) .Par ailleurs l’accompagnement social est aussi institutionnalisé, formalisé dans des contrats et des politiques mais il peut aussi être plus simplement mis en œuvre de façon implicite. Cette fonction peut aussi favoriser une forte relation de dépendance et l’on peut comprendre que de nombreuses personnes ne souhaitent être ni « éduquées » ni « accompagnées ». Cela pose la question de l’autonomie du sujet et sa liberté d’agir avec ou sans le travailleur social qui « l’accompagne ».
Au final, il serait préférable, si l’on s’en réfère au rapport du Conseil Supérieur de Travail Social sur « l’intervention sociale d’aide à la personne » (ouvrage qui va être réédité), d’utiliser le terme de « personne aidée » . En effet, l’aide apportée à la personne représente la finalité même de nos interventions. L’accompagnement n’est qu’un moyen et l’important est surtout que la personne puisse à terme agir elle même de façon autonome sans dépendre de quiconque tout en ayant résolu ses propres difficultés. Certes dans certaines situations c’est très difficile mais il me semble que nos efforts doivent toujours aller dans ce sens. Que ce soit dans le domaine de l’aide sociale générale, d’aide à domicile ou encore d’aide sociale à l’enfance, le concept d’aide reste central et doit, à mon avis, continuer à l’être.
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