De l’urgence à l’espoir : Philippe Baudassé, le chevalier qui réinvente l’hôtel social

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Philippe Baudassé a travaillé pendant 12 ans au Samusocial de Paris à différents postes. Le dernier qu’il a occupé était celui de « Responsable développement projets et partenariats » au sein du pôle « Hébergement et réservation hôtelière » (DELTA).  Il a développé et coordonné, avec l’équipe qu’il dirigeait, des projets visant à améliorer le quotidien des familles hébergées à l’hôtel (58.000 personnes hébergées dans 800 hôtels en Île-de-France). Aujourd’hui Conseil et formateur freelance, il déploie son activité sur toute la France au service des équipes hôtelières, en lien avec les SIAO des territoires. Il a déjà accompagné depuis 2 ans plus de 140 directions et personnels, représentant 80 hôtels dans 11 départements.

Humaniste et spécialiste de l’accompagnement au deuil, il a acquis de solides compétences.  Elles ont été reconnues notamment par la distinction de l’ordre national du Mérite (promu Chevalier en 2021), qui lui a été attribuée dans l’exercice des responsabilités exercées au Samu social de Paris pendant la crise du covid 19, mais aussi pour l’ensemble de son travail exercé dans son parcours professionnel depuis 1990.

plaidoyer pour lhotel socialCela a été un plaisir pour moi de l’accompagner le temps de la rédaction de son ouvrage. Il vient de paraitre aux Presses de l’EHESP et s’intitule « Plaidoyer pour un mieux vivre en hôtel social« . Nous y reviendrons prochainement dans la rubrique du mercredi « livre ouvert ». Mais là, prenons le temps de faire connaissance avec cet auteur qui est aussi formateur et conférencier.

Bonjour Philippe, comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre ?

J’ai travaillé pendant 12 ans au Samusocial de Paris, où j’intervenais dans la mission « mieux vivre à l’hôtel ». Je suis parti du constat que l’hôtel, initialement un lieu d’hébergement provisoire, était aussi devenu un véritable lieu de vie. Il fallait donc développer un certain nombre de services au sein des hôtels sociaux, tels que les espaces communs, les aménagements pour cuisiner, les laveries et bagageries, etc. À l’issue de multiples observations, j’ai été conduit à créer des embryons de formation à l’intention des équipes hôtelières.

En fait, il s’agissait d’aider ces équipes à mieux prendre en charge ou en compte la population accueillie et hébergée. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas que des « marchands de sommeil » dans les hôtels qui hébergent des personnes sans abri. Il y a aussi beaucoup d’hôtels qui développent une vocation sociale sans en avoir forcément les moyens. Les « marchands de sommeil » ne sont pas majoritaires, mais on parle beaucoup d’eux, ce qui rend le travail des hôteliers sociaux quasiment invisible.

Ce livre est plus qu’un plaidoyer. Il est aussi un moyen de rendre visible les populations fragiles sans logement, et aussi le travail quotidien des hôteliers qui les accueillent.  C’est le tout premier livre grand public sur ce sujet, pourtant central aujourd’hui dans l’hébergement d’urgence.

Pourquoi aborder un tel sujet ?

J’ai déjà écrit plusieurs ouvrages à la demande d’éditeurs, principalement destinés au grand public. C’est essentiellement la question du sens qui m’intéresse. Je lis beaucoup, car les mots permettent de véhiculer de façon simple des concepts complexes. Parmi ceux-ci, celui de l’hôtel social me paraissait particulièrement intéressant : j’ai donc eu envie de développer un plaidoyer sur ce dispositif, non pour le légitimer dans l’absolu, mais pour faire émerger tout le positif qu’il est possible de déployer, tant que des personnes y vivent.

Le sujet est d’actualité, puisque l’Observatoire du Samusocial de Paris, commence une étude de 3 ans sur les équipes hôtelières. Il s’agit pour moi de réhabiliter une représentation, de répondre à une méconnaissance qui induit une forme d’invisibilité et une disparité dans les services offerts aux personnes en précarité. On parle beaucoup des CHRS (Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale) qui proposent de multiples services. Mais on ne parle pas de ces lieux d’hébergement temporaire que sont les hôtels sociaux dans lesquels les personnes sont livrées à elles-mêmes, malgré les efforts des travailleurs sociaux.

Toutefois, l’hébergement en hôtel n’a pas une très bonne image…

Effectivement. Certains pensent qu’il faut les supprimer, car ils ne répondent pas pleinement aux besoins de la population hébergée. Pour autant, ils sont très utiles pour plus de 110.000 personnes à qui ils évitent la rue. Tous font le même constat : c’est une réalité qu’il faut prendre en considération mais qu’il faut faire évoluer. Je suis optimiste, je pense que l’hôtel social, avec des aménagements adaptés, a toute sa place dans un parcours de solution alternative au CHRS malgré certains de ses défauts.

C’est aussi pourquoi il y a un grand intérêt à réfléchir à un ou des labels pour s’assurer de la qualité humaine et structurelle de ce type d’hébergement. Par ailleurs, de nombreuses solutions sont possibles pour transformer l’existant. Cela passe non seulement par la formation des équipes hôtelières, mais aussi par des adaptations de ces structures. Il serait même possible de transformer certains hôtels en dispositifs de CHU ou CHRS. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la DIHAL (Délégation Interministérielle à l’Hébergement et à l’Accès au Logement).

Le vrai problème est l’engorgement. Il y a dans notre pays 2 millions 600 mille ménages en attente de logement, avec un temps d’attente de 7 à 10 ans pour obtenir un logement social. Cette réalité nous ramène à la nécessité de trouver des solutions alternatives durables. L’hôtel social en est une, perfectible certes. Actuellement, la durée moyenne de séjour en hôtel atteint désormais 37 mois, tandis que les sorties positives sont trop peu nombreuses pour absorber un volume de demandes toujours aussi important. (Source rapport d’activité 2023 du Samu Social de Paris)

Que trouve-t-on dans ce livre ?

Le livre contient de nombreux témoignages de personnes hébergées, comme de celles qui font vivre ces structures et qui essaient de promouvoir de bonnes pratiques. Cet ouvrage donne aussi à voir des perspectives et des réussites en termes d’accueil et d’aménagements du quotidien. Il donne la parole à celles et ceux qui font aujourd’hui l’hôtel social : les personnes hébergées, les prescripteurs, les travailleurs sociaux de terrain et celles et ceux qui interviennent dans les associations d’aide et de solidarité, et la DIHAL elle-même. Il faut pouvoir instaurer une labellisation de ces hôtels tant qu’on y a recours et apporter une meilleure reconnaissance à leurs fonctions et aux personnes qui y travaillent.

C’est sans doute cela passer d’une prise en charge à une prise en compte.

 

Merci Philippe.

 


Photo fournie par l’auteur : Philippe Baudassé

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