Quand on parle éthique et déontologie, on pense principalement au code de déontologie des assistant(e)s de service social, ou encore aux références déontologiques pour les pratiques sociales du CNRD. Mais savez-vous qu’un autre cadre existe ? Il est particulièrement intéressant et entre dans une norme AFNOR, celle du métier de médiateur social. Ce document, fruit d’une réflexion collective entre acteurs de terrain et institutionnels, énonce les principes qui doivent guider l’action des médiateurs sociaux.
Il pose les bases d’une pratique responsable et efficace, garante de l’intégrité du processus de médiation. Cet article vise à vous présenter en détail ce cadre particulier, car il peut aussi intéresser tout professionnel ou étudiant du travail social qui s’engage dans un travail de médiation. Quels sont donc les principes mis en avant ? Nous allons voir dans cet article 1. que la médiation sociale est un processus accessible et volontaire qui nécessiste 2. une posture de tiers indépendant et impartial. 3. La confidentialité est au coeur du processus de médiation tout comme 4. le respect et la protection des droits fondamentaux. 5 L’autonomisation des personnes reste au cœur de la démarche du médiateur. 6. Enfin, il développe ses compétences via la formation continue.
1. C’est un processus accessible et volontaire
L’un des premiers principes posés par le cadre déontologique est celui de l’accessibilité universelle à la médiation sociale. Cela signifie que toute personne, quels que soient son origine, son milieu social, son âge, son genre ou sa situation, doit pouvoir bénéficier de ce service si elle en exprime le besoin. Le médiateur social ne peut refuser d’intervenir sur la base de critères discriminatoires. Il doit au contraire veiller à ce que le processus de médiation soit adapté à la diversité des publics.
Cette exigence d’accessibilité va de pair avec une implantation territoriale au plus près des habitants. Les structures de médiation sociale sont souvent présentes dans les quartiers populaires, là où les tensions sont les plus vives et les besoins de régulation les plus importants. Elles constituent des points d’ancrage essentiels pour tisser des liens de proximité et de confiance avec la population.
Mais l’accessibilité ne suffit pas à garantir une médiation sociale de qualité. Encore faut-il que les personnes concernées y adhèrent librement et volontairement. Le cadre déontologique insiste sur le fait que la médiation ne peut en aucun cas être imposée. Elle repose sur le consentement éclairé des parties, qui doivent être pleinement informées du processus, de ses finalités et de ses limites.
Chacun est libre d’accepter ou de refuser la médiation, mais aussi de s’en retirer à tout moment s’il le souhaite. Cette participation volontaire est essentielle, car elle responsabilise les acteurs et favorise leur implication. Elle témoigne d’une volonté partagée de s’engager dans une démarche constructive pour résoudre les différends. Le médiateur doit donc s’assurer en amont que les personnes sont prêtes à s’investir dans le processus. Il peut pour cela mener des entretiens préalables afin de clarifier les attentes et les besoins de chacun. Il veille aussi à expliciter clairement son rôle et son positionnement pour instaurer un climat de confiance propice au dialogue.
2. Une posture de tiers indépendant et impartial est nécessaire
Pour que la médiation sociale porte ses fruits, il est indispensable que le médiateur puisse exercer sa mission en toute indépendance, à l’abri des pressions extérieures. Cela suppose qu’il ne soit pas lié par un lien de subordination avec l’une ou l’autre des parties, ni qu’il ait un intérêt personnel dans l’issue du conflit. Son seul objectif doit être de faciliter le dialogue et la recherche de solutions, sans jamais imposer son point de vue.
Cette indépendance va de pair avec une absence de pouvoir coercitif. Le médiateur n’a pas vocation à se substituer aux autorités judiciaires ou administratives. Il ne peut prendre de décision contraignante, ni sanctionner les comportements. Son rôle est d’accompagner les personnes dans la résolution de leurs différends, en les aidant à trouver par elles-mêmes des issues constructives.
Pour autant, cette absence de pouvoir formel ne signifie pas que le médiateur est dépourvu de toute autorité. C’est par sa posture, son écoute et sa capacité à créer les conditions d’un dialogue apaisé qu’il peut influencer positivement le cours des événements. Son autorité est d’abord morale et symbolique, fondée sur la reconnaissance de son professionnalisme et de son engagement au service de l’intérêt général.
C’est aussi une question d’indépendance. Celle du médiateur est étroitement liée à une forme d’impartialité. Il est souvent tentant de prendre position. Là, il n’en est pas question. Le médiateur doit adopter une position de tiers équidistant, sans prendre parti pour l’un ou l’autre des protagonistes. Son rôle est de permettre l’expression des différents points de vue, sans jugement ni a priori.
Il veille à ce que chacun puisse faire entendre sa voix et ses arguments, dans un esprit d’écoute mutuelle et de respect. Cela est loin d’être évident dans de nombreuses situations. Cela ne signifie pas pour autant que le médiateur doit rester passif ou adopter une posture de neutralité absolue. Il peut être amené à rééquilibrer la communication, notamment lorsque l’un des interlocuteurs se trouve en situation d’infériorité ou de vulnérabilité.
Il s’agit alors de redonner une position d’acteur à celui qui peine à s’exprimer, sans pour autant prendre parti. Cette impartialité exige une grande vigilance de la part du médiateur, qui doit être attentif à ses propres représentations et préjugés. Il doit savoir prendre du recul par rapport à ses émotions et ses convictions personnelles, pour se concentrer sur les besoins et les attentes des personnes qu’il accompagne. C’est à cette condition qu’il peut créer un espace de dialogue sécurisant et propice à l’émergence de solutions partagées.
3. La confidentialité est au cœur du processus de médiation
C’est un autre pilier de la médiation sociale. Elle est indispensable pour instaurer un climat de confiance et permettre aux personnes de s’exprimer librement, sans crainte que leurs propos soient divulgués ou utilisés contre elles. Le médiateur est tenu de respecter certaines obligations de confidentialité et de discrétion dans l’exercice de ses fonctions. Ildoit veiller scrupuleusement au respect de la vie privée des personnes qu’il accompagne. Concrètement, cela signifie que les informations recueillies dans le cadre de la médiation ne peuvent être communiquées à des tiers sans l’accord explicite des intéressés. Les médiateurs sociaux ne sont pas juridiquement soumis au secret comme les assistants sociaux. Bien évidemment, comme pour le service social, le médiateur ne peut tirer aucun avantage personnel des informations qu’il recueille, ni les exploiter à d’autres fins.
Au-delà du secret professionnel, le médiateur doit aussi veiller au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles des personnes qu’il accompagne. Il doit recueillir et traiter ces informations dans le respect des réglementations en vigueur, notamment le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Cela implique d’informer les personnes sur les finalités de la collecte de données, d’obtenir leur consentement explicite, de sécuriser les informations et de leur permettre d’exercer leurs droits (accès, rectification, opposition, etc.).
Le médiateur doit aussi veiller à ne conserver les données que le temps strictement nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Cette vigilance sur la protection de la vie privée est essentielle pour préserver l’intégrité du processus de médiation. Elle contribue à créer les conditions d’un dialogue authentique et d’une résolution pérenne des conflits, en permettant à chacun de s’exprimer librement sans crainte de représailles ou d’exposition publique.
4. Le respect et la protection des droits fondamentaux sont essentiels
La médiation sociale s’inscrit pleinement dans le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes. Elle offre toutes les garanties énoncées par la Convention européenne des droits de l’homme et les principes généraux du droit. Le médiateur veille à ce que le processus de médiation ne porte en aucune façon atteinte aux libertés individuelles des participants. Cela signifie notamment que chacun est libre de ses opinions, de ses croyances et de ses choix de vie, dans les limites fixées par la loi. Le médiateur n’a pas vocation à juger ou à remettre en cause ces choix, mais à faciliter le dialogue et la compréhension mutuelle entre des personnes porteuses de valeurs et de visions du monde différentes.Dans la période actuelle, ce n’est pas une mince affaire.
Mais le respect des droits fondamentaux ne se limite pas à une posture de non-ingérence. Le médiateur doit aussi jouer un rôle actif pour faciliter l’accès aux droits des personnes qu’il accompagne. Il peut les informer sur leurs droits, les orienter vers les services compétents, les aider dans leurs démarches administratives. Cette mission d’accès aux droits est particulièrement importante pour les publics les plus vulnérables, qui peuvent rencontrer des difficultés à faire valoir leurs droits par méconnaissance ou par crainte des institutions.
Le médiateur agit alors comme un passeur, un facilitateur qui contribue à rétablir le lien entre les citoyens et les services publics. Pour autant, il ne s’agit en aucun cas de forcer quiconque à exercer ses droits ou à y renoncer. Le médiateur respecte le libre arbitre des personnes et leur capacité à prendre leurs propres décisions. Son rôle est de leur donner les moyens d’exercer pleinement leur citoyenneté, sans jamais se substituer à elles.
5. L’autonomisation des personnes est au cœur de la démarche
L’un des objectifs majeurs de la médiation sociale est de favoriser l’autonomie et la responsabilisation des personnes dans la résolution de leurs différends. Il ne s’agit pas de leur apporter des solutions « toutes faites », mais de les accompagner dans la recherche de leurs propres réponses, en mobilisant leurs ressources et leurs compétences. Le médiateur adopte pour cela une posture d’écoute active et bienveillante.
Il aide les personnes à clarifier leurs besoins, leurs attentes et leurs émotions. Il les encourage à exprimer leur point de vue, à entendre celui de l’autre et à explorer des pistes de solution. Son rôle est de faciliter la communication et la compréhension mutuelle, en posant les bonnes questions et en reformulant les propos de chacun. Mais cette démarche d’autonomisation passe aussi par une prise de conscience des responsabilités individuelles et collectives.
Le médiateur aide les personnes à mesurer les conséquences de leurs actes et de leurs choix, sans pour autant porter de jugement moral. Il les invite à se projeter dans l’avenir et à imaginer des alternatives constructives, dans le respect des droits et des besoins de chacun.
Cette approche responsabilisante implique de refuser toute forme de dépendance à l’égard du médiateur. Celui-ci n’a pas vocation à prendre en charge les problèmes des personnes de manière pérenne, ni à se substituer à elles dans la prise de décision. Son intervention est par nature limitée dans le temps et dans son objet.
Le médiateur doit donc veiller à ne pas créer de lien de dépendance, en renvoyant chacun à ses propres ressources et à sa capacité d’agir. Il peut refuser ou interrompre une médiation s’il estime que les conditions ne sont pas réunies pour une résolution autonome du conflit, ou si l’une des parties adopte une posture de consommation passive de la médiation. Cette vigilance est essentielle pour préserver l’intégrité et l’efficacité du processus de médiation. Elle contribue à responsabiliser les acteurs et à inscrire les solutions trouvées dans la durée, en évitant les phénomènes de récidive ou de déresponsabilisation.
6. La formation continue et développement des compétence sont nécessaires
Enfin, le cadre déontologique insiste sur l’importance pour le médiateur de mener une réflexion permanente sur sa pratique. Cela permet de garantir dans la durée la qualité du processus de médiation et sa posture professionnelle. Cela passe notamment par un engagement dans une démarche de formation continue et de développement de ses compétences.
Le médiateur doit veiller à actualiser régulièrement ses connaissances théoriques et méthodologiques, en se tenant informé des évolutions du droit, des sciences humaines et des techniques de médiation. Il peut pour cela participer à des formations, des colloques, des groupes d’échanges de pratiques entre pairs. Mais cette démarche réflexive ne se limite pas à l’acquisition de savoirs. Elle implique aussi un travail sur soi, sur sa posture et ses attitudes dans la relation d’accompagnement. Le médiateur doit être attentif à ses propres réactions émotionnelles, à ses représentations et à ses limites, pour mieux les réguler et les ajuster.
Pour approfondir cette réflexivité, le médiateur peut avoir recours à des espaces de supervision et d’analyse de pratiques. Il s’agit de temps dédiés, individuels ou collectifs, où il peut exposer des situations complexes ou des questionnements éthiques, afin de prendre du recul et d’envisager des pistes d’amélioration.
L’humain au coeur des principes déontologiques
Au terme de cette exploration des différentes facettes du cadre déontologique de la médiation sociale, il apparaît clairement que cette pratique repose sur des principes exigeants. Accessibilité, indépendance, impartialité, confidentialité, respect des libertés, autonomisation des personnes : autant de valeurs qui dessinent les contours d’un positionnement professionnel au service du dialogue et de la cohésion sociale.
Mais au-delà de ces grands principes, c’est toute une conception de la relation d’accompagnement qui se dégage, fondée sur l’écoute, le respect et la co-construction de solutions. Le médiateur n’est pas un expert qui impose ses vues, mais un tiers facilitateur qui crée les conditions d’une parole libérée et d’une résolution autonome des conflits. Son rôle est de rétablir du lien là où il s’est délité, de favoriser la compréhension mutuelle là où les positions semblent irréconciliables.
En cela, la médiation sociale apparaît comme un outil précieux au service du vivre-ensemble et de la justice sociale. Elle contribue à prévenir et à apaiser les tensions, à réguler les conflits de manière constructive, à renforcer le pouvoir d’agir des citoyens. Elle ouvre des espaces de dialogue et de participation là où les logiques d’affrontement et de rupture menacent la cohésion sociale.
Pour autant, la médiation sociale ne saurait être une réponse à tous les maux de la société. Elle s’inscrit dans un écosystème plus large de politiques publiques et d’initiatives citoyennes en faveur du lien social et de l’émancipation. Elle ne peut porter ses fruits que si elle s’articule de manière cohérente avec d’autres leviers d’action, qu’ils soient éducatifs, sociaux, culturels ou économiques. C’est à cette condition que la médiation sociale pourra pleinement jouer son rôle de passerelle et de catalyseur du changement social.
La médiation sociale est une façon de développer une société plus inclusive et plus fraternelle, où chacun trouve sa place et peut faire entendre sa voix. C’est une pratique porteuse d’espoir et de sens, qui nous invite à réinventer nos manières de faire société à l’heure ou les actes d’intolérances se multiplient. En plaçant le dialogue et la responsabilité au cœur de son action, elle dessine les contours d’une éthique de la relation qui fait écho aux enjeux de notre époque. Une éthique exigeante mais porteuse d’avenir, qui nous rappelle que c’est dans la rencontre avec l’autre que se joue, chaque jour le vivre-ensemble dans un respect mutuel.
Sources
- La certification à la norme métier Afnor « Médiation sociale »
- Le cadre déontologique de la médiation sociale
- Le site de France Médiation
- Le code de déontologie de l’ANAS
- Les références déontologiques pour les praticiens du social du CNRDE
Photo : freepik