Ce que la pauvreté fait aux enfants…

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Il faut saluer le travail de l’UNICEF qui a piloté une consultation nationale des 6-18 ans qui s’est déroulée sur une période de cinq mois. (du 17 octobre 2023 au 15 mars 2024). Cette vaste enquête a mobilisé près de 20.000 enfants et adolescents à travers la France métropolitaine et les territoires d’Outre-Mer.

Pour recueillir ces données, l’UNICEF a déployé une méthodologie combinant un questionnaire détaillé d’une centaine de questions, disponible en ligne et sur papier, des groupes de discussion et des entretiens approfondis avec des jeunes et leurs parents. Les enfants vivant dans les dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville n’ont pas été oubliés, bien au contraire. L’organisation s’est appuyée sur un réseau de plus de 270 partenaires locaux et nationaux, incluant des établissements scolaires, des centres de loisirs et diverses structures associatives, pour mener à bien cette consultation d’envergure.

Toutes ces données dressent un portrait d’une réalité souvent invisible, mais profondément ancrée dans notre société. Celle des impacts de la pauvreté sur les enfants qui la subissent. Cet article vous résume ce qu’il faut retenir de cette problématique complexe pour comprendre les mécanismes insidieux par lesquels la pauvreté façonne le destin des plus jeunes.

Les multiples visages de la précarité des enfants

Vous le savez, la pauvreté ne se résume pas à un simple manque d’argent. Elle se manifeste sous diverses formes, affectant chaque aspect de la vie d’un enfant. Le chapitre 2 du rapport de l’UNICEF, intitulé « Grandir en ayant moins d’avantages que les autres », met en évidence cette réalité multidimensionnelle.

Il décrit la réalité d’un quotidien marqué par les privations Pour de nombreux enfants, la pauvreté signifie grandir dans un environnement où leurs besoins fondamentaux ne sont pas toujours satisfaits. Cela peut se traduire par des repas incomplets, des vêtements inadaptés ou un logement précaire.

La privation matérielle

rapport enfants UNICEFLes dimensions de la privation matérielle qui ont été prises en compte relèvent du besoin de vêtements et de chaussures, mais aussi du besoin d’équipement en termes de jeux et intègrent également la question de la surface du logement. Cela touche en effet près de 20% des enfants et adolescents vivant dans les quartiers de la politique de la ville. Elles sont encore plus fortes quand on prend en compte le lieu de résidence.

Cela concerne près d’un enfant ou adolescent sur deux qui vit dans un logement « non ordinaire ». Ces lieux sont les centres d’hébergement, l’hôtel, les maisons d’enfants ou encore les établissements de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)…

Des conséquences à long terme.

Les effets de la pauvreté sur les enfants ne se limitent pas à leur quotidien immédiat. Ils s’inscrivent dans la durée. Ces jeunes sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé, tant physiques que mentaux. L’accès limité aux soins, une alimentation déséquilibrée et des conditions de vie stressantes contribuent à cette vulnérabilité accrue. Le rapport de l’UNICEF souligne que ces enfants sont plus exposés à des maladies chroniques et à des troubles psychologiques.

Leur parcours scolaire est semé d’embûches. L’éducation, souvent considérée comme un ascenseur social, devient un véritable parcours du combattant pour les enfants pauvres. Le manque de ressources, l’absence d’un environnement propice à l’étude et parfois la nécessité de travailler pour aider leur famille compromettent leurs chances de réussite scolaire.

La spirale de l’exclusion sociale

La pauvreté infantile ne se résume pas à des difficultés matérielles. Elle engendre un processus d’exclusion sociale qui peut marquer durablement la vie d’un enfant. Ces mineurs ont à supporter le poids du regard des autres. En effet, ils sont fréquemment victimes de stigmatisation et de discrimination, notamment dans les cours de récréation. Ne pas avoir les mêmes vêtements de marque, les mêmes gadgets ou ne pas pouvoir participer aux mêmes activités que leurs camarades peuvent les conduire à s’isoler et à développer une faible estime de soi.

Ce sont aussi des rêves bridés. La pauvreté peut aussi limiter les aspirations et les ambitions des enfants. Confrontés quotidiennement à des difficultés, certains finissent par intérioriser l’idée que certains horizons leur sont inaccessibles. Cette autocensure précoce peut avoir des conséquences dramatiques sur leur trajectoire de vie.

Des mécanismes de reproduction

L’un des aspects les plus pernicieux de la pauvreté infantile est sa tendance à se perpétuer de génération en génération. Les enfants qui grandissent dans la pauvreté ont plus de risques de devenir eux-mêmes des adultes pauvres, créant ainsi un cycle difficile à briser. Au-delà des aspects matériels, la pauvreté transmet des schémas de pensée et des comportements qui peuvent entraver l’ascension sociale.

Le manque de confiance en soi, la difficulté à se projeter dans l’avenir ou à saisir certaines opportunités sont autant de freins invisibles, mais puissants. Le rapport de l’UNICEF souligne l’importance de l’environnement dans lequel évoluent les enfants pauvres. Grandir dans un quartier défavorisé, avec un accès limité aux services publics et aux opportunités, peut considérablement réduire les chances de s’extraire de la pauvreté.

Des solutions existent

Il est impératif d’agir si l’on prend en considération cette enquête. Des solutions existent pour atténuer les effets de la pauvreté et leur offrir de meilleures perspectives d’avenir. Une approche globale de lutte contre la pauvreté infantile passe par le renforcement des systèmes de protection sociale. Cela implique non seulement des aides financières directes aux familles, mais aussi un meilleur accès aux services de santé, à l’éducation et au logement.

Il est tout autant essentiel d’investir dans l’éducation et la petite enfance L’éducation reste l’un des meilleurs leviers pour briser le cycle de la pauvreté. Investir massivement dans l’éducation de la petite enfance, soutenir les écoles dans les zones défavorisées et développer des programmes de tutorat et de soutien scolaire sont autant de moyens nécessaires à mettre en œuvre.

On ne peut que s’interroger sur les politiques menées par le passé. En effet, en 2022, le Pacte gouvernemental des solidarités prévoyait toute une série d’actions. C’était même le premier axe du plan en faveur de l’enfance et la lutte contre la pauvreté, Auparavant en 2018 nous avions vu la stratégie nationale dite des 1000 premiers jours de l’enfant. Pour quels résultats ?

Un appel à l’action collective

La pauvreté infantile n’est pas une fatalité. C’est un problème complexe qui requiert une mobilisation de toute la société. Force est de constater que les actions de l’État seul ne donnent pas des résultats probants.  Le rapport de l’UNICEF France nous rappelle l’urgence d’agir pour offrir à chaque enfant, quelle que soit son origine sociale, la possibilité de développer pleinement son potentiel. En tant que citoyens, nous avons tous un rôle à jouer. Que ce soit par l’engagement associatif, le soutien à des initiatives locales ou simplement en étant attentifs aux enfants de notre entourage, chacun peut contribuer à créer un monde plus juste pour les générations futures.

Faut-il le rappeler ? La pauvreté fait aux enfants bien plus que les priver de biens matériels. Elle entame leur confiance, bride leurs rêves et compromet leur avenir. Il est de notre responsabilité collective de refuser cette injustice et d’œuvrer pour une société dans laquelle chaque enfant aura la chance de grandir, d’apprendre et de s’épanouir, indépendamment de sa situation économique.

Comme le disait Nelson Mandela : « Il n’y a pas de révélateur plus net de l’âme d’une société que la façon dont elle traite ses enfants. » Agissons donc pour que notre société soit jugée à la hauteur de ses ambitions d’égalité et de justice. Nous avons du pain sur la planche. Il reste tant à faire.

Sources:

 


Photo : Lance Neilson   No compromising  Some rights reserved

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