Assistant familial : quel avenir ? Un statut et une reconnaissance nationale nécessaires

[current_page_url]

J’ai bien connu cette profession notamment dans mes premières années de travail. J’animais des groupes d’assistantes familiales dans le cadre d’échanges mensuels sur tous les thèmes possibles et imaginables, (il y en a beaucoup) qui concernent leur travail auprès des enfants qui leur sont confiés. Je crois que de tout temps les assistantes familiales a eu du mal à se faire reconnaître notamment des pouvoirs publics. Elles militaient à l’époque pour obtenir un statut.

« Jamais métier n’aura subi autant de transformations » rappelle le Syndicat National des Assistants Familiaux (SNAF) auteur d’un rapport  . « Nous avons obtenu un statut en 1992, et une professionnalisation avec un diplôme d’état en 2005. (mesurez l’écart entre ces années). Environ 38000 assistants familiaux sont employés par les conseils départementaux. Mais ils exercent dans une structure et un dédale juridique complexes car soumis en dernier lieu aux règlements départementaux pour lesquels il n’y a aucune harmonisation des pratiques sur l’ensemble du territoire national ».  C’est un vrai problème.

Les risques du métier

L’assistant(e) familial  est devenu profession à risque quand, suite à un signalement, par principe de précaution, on lui retire tous les enfants confiés sans retour possible et sans tenir compte des liens d’attachement créés. J’ai connu malheureusement des familles « maltraitantes ». Je ne m’étendrais pas sur les dégâts qu’elles ont causé et que parfois des services sociaux ont pu amplifier. Mais fort heureusement j’ai aussi pu travailler avec une majorité de familles remarquables qui, dans l’ombre, ont littéralement sauvé des enfants promis à un avenir des plus incertains. Comme dans toute profession, il y a des personnes qui ont choisi cette profession sans en mesurer l’importance et qui, en étant peu attentionnées aux enfants, ont fait un tort considérable à leurs pairs qui eux, réalisent un travail inestimable.

Il est vrai que cette profession a non seulement évolué tant du côté de la réglementation, de la formation mais aussi au regard des problématiques des enfants accueillis. Aujourd’hui plus qu’avant « nous nous retrouvons projetés dans l’accueil dit thérapeutique sans que cela soit accompagné ou nommé, nous partageons avec nos familles, les troubles du comportement, la maladie psychiatrique, la déscolarisation, la délinquance… Une tâche particulièrement compliquée sans une formation adaptée et un travail d’équipe partagé suffisant ».

Un renouvellement de la profession problématique

A lire le rapport d’information du SNAF, on ne peut que s’interroger : celui ou celle qui souhaite accueillir de façon professionnelle un enfant qui a besoin d’être protégé se retrouve dans une sacrée galère ! L’impact sur la famille, les règles de droits qui ne peuvent pas toujours être respectées, les risques permanents (qu’ils soient juridiques, professionnels, familiaux, affectifs…), les pratiques spécifiques de certains services,  voilà des freins réels au recrutement de professionnels dont le renouvellement est devenu extrêmement difficile. Qui est prêt aujourd’hui à faire face aux paradoxes d’une profession qui, en travaillant chez elle, met en jeu sa vie personnelle, sa vie familiale, sa réputation… ?

Ce qui se dit et s’écrit dans le grand public sur ce métier comme pour les professions du travail social est souvent assez caricatural : On passe de la méconnaissance totale à l’admiration inconditionnelle liée à un engagement nommé dévouement (quasi bénévole). Mais cela peut aussi aller jusqu’au  au reproche d’être rémunéré et de percevoir un salaire ! Car les images ont la vie dure. Chacun a sa propre représentation de l’accueil familial. Tout et son contraire peut être dit dans de nombreuses situations. On oublie aussi  que, parfois les enfants mettent ces travailleurs sociaux à rude épreuve comme pour leur faire payer le fait qu’ils les accueillent. Quand il a été maltraité par sa famille, le risque est grand que l’enfant ou l’adolescent provoque la famille accueillante pour lui faire vivre les mêmes tensions qu’il a lui-même subi par le passé….

Je ne m’étendrais pas non plus sur les ambiguïtés et ce débat sans fin sur la place et le rôle des éducateurs vis à vis des assistants familiaux. Chacun d’une place différente développe une vision et une compréhension de la situation. Autre débat qui a fait long feu : Sont-ils collègues ? Y a-t-il une hiérarchie (consciente ou inconsciente) entre celles et ceux qui interviennent à des rythmes différents auprès de l’enfant ? N’y a-t-il pas risque que chacun juge l’autre sans comprendre réellement ce qui se passe ? Ces questions étaient abordées  à mon époque dans différentes instances.  Sont-elles encore d’actualité ? Je ne le sais pas.

Pour conclure, je ne peux que vous inviter à prendre connaissance des travaux du SNAF Ils dressent un tableau qui me parait assez réaliste de la profession. Car qui est le mieux placé pour parler de son métier ? Comme pour les autres professionnels du travail social, les assistants familiaux ont une parole et une analyse de la situation qui les concerne  au plus près des réalités. Il est bien regrettable que ce syndicat n’ait pas été  auditionné par la mission parlementaire de Perinne Goulet sur l’Aide Sociale  l’Enfance même si d’autres organisations et professionnels ont été entendues. En effet, ce rapport est la synthèse du retour d’expérience des adhérents du syndicat SNAF sur l’ensemble du territoire. Il a pour objectif d’expliquer la complexité du cadre de l’exercice de cette profession, il dresse un état des lieux, entre le manque d’harmonisation des pratiques départementales et  la dégradation de leurs conditions de travail. Ce rapport fait également un certain nombre de propositions. Tout cela est fort intéressant c’est pourquoi je vous invite à en prendre connaissance. Leur site internet est aussi bien alimenté et actualisé. N’hésitez pas à le visiter ne serait-ce que par curiosité.

 

note : Je me suis permis de reprendre le titre de ce rapport d’information publié par le syndicat national des assistants familiaux (SNAF) que vous pouvez télécharger ici.

photo : pixabay

Articles liés :

8 réponses

  1. Bel article j’ose espèrer qu’il puisse être lu par tous les décideurs et acteurs de la protection de l’enfance. La place des assistants familiaux reste encore à consolider… J’ai partagé mon témoignage d’assistant familial dans un livre Coupable d’être placé aux Éditions Baudelaire, je termine mon livre par 75 propositions dans 14 thématiques pour améliorer la protection de l’enfance, cela n’engage que moi. Le confinement est terminé mais si vous avez du temps n’hésitez pas à le lire, vous trouverez bien des points communs avec votre article. Bien à vous. Damien MAES

  2. Merci à vous pour cet éclairage qui reflète les grandes lignes de ce qu’est ce métier. Quant à la question à laquelle vous n’avez pas de réponse concernant, entre autre, une forme de relation hierarchisée non dite; elle peut malheureusement susbister (de part et d’autre) encore de nos jours. De mon humble point de vue, tant que les assfams qui sont des TS, comme vous l’avez rappelé à juste titre, ne partageront pas en amont, au sein des divers instituts et centres de formation en travail social, quelques moments de formations en commun avec les autres TS (quelques temps sur les bancs avant que tous ces » collégues » se retrouvent en exercice. La rencontre aura eu lieu et ainsi, une fois en activité, les préconçus auront plus de chance d’être détricotés et donc moins entravant) sans ces temps communs donc, les incompréhensions et les mauvaises pratiques risquent de perdurer; avec le risque que cela soit régulièrement au détriment de l’enfant, puisque c’est bien lui qui nous convoque et nous réunit . Je vous souhaite une bonne journée, Malik, assfam.

    1. Bonsoir Malik,

      Il me semble que le rapport hiérarchique que nous entretenons avec ceux que nous énonçons comme nos collègues, les référents, pourrait être moindre en cas de rencontre précoces entres les différentes fonctions.
      Mais cela ne suffira pas. Notre quotidien est lié à des autorisations, des décisions qui ne nous appartiennent en rien et pour lesquelles notre ressenti, notre quotidien a peu de valeur. Nous sommes exécutants et nous avons pourtant une connaissance fine des enfants. Nous sommes en première ligne. Nous restons malgré tout des interlocuteurs peu consultés et peu reconnus. Heureusement, peu d’entre nous cherchent la reconnaissance.
      J’ai été référente et je suis ass fam. Des deux côtés, j’ai ressenti ce rapport hiérarchique. Les décideurs/les exécutants et ce, sans volonté personnelle de qui que ce soit. Une posture hiérarchique vis-à-vis et de la part de celui qui a plus de « pouvoir ».

  3. bonjour Mr Dubasque,
    nous sommes touchés en encore merci pour avoir mis en lumière notre travail
    est-ce que vous nous autorisé à diffuser votre article sur notre site web?
    merci pour votre réponse
    bien à vous
    evelyne Arnaud

    1. Bonjour,
      merci pour votre retour. Pas de soucis de rediffusion en citant la source comme le prévoient les usages
      bonne journée à vous.

      Cordialement
      D.Dubasque

  4. Qu un seul mot… Merci !
    Merci de nous avoir écouté, entendu, et surtout compris… Quelle magnifique synthèse.. Merci !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.