Dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, certaines victimes sont davantage hors des radars que d’autres. Ce sont les très jeunes femmes à l’heure des premières relations amoureuses. Cela s’explique très bien. Les moins de 25 ans sont particulièrement vulnérables aux stéréotypes et à l’idée que la jalousie et le contrôle de l’un sur l’autre pose problème. « C’est normal qu’il soit jaloux, car il m’aime » pensent beaucoup de jeunes femmes. Conséquence, elles ne parviennent pas à se considérer comme étant victimes de violences même lorsqu’elles sont frappées.
« Ces jeunes qui vivent des violences intègrent que leur corps ne leur appartient pas »
La journaliste Alice Raybaud avait illustré un article sur ce sujet dans le journal Le Monde en présentant la situation de Capucine. Cette étudiante a vécu trois années de violences dans son couple d’adolescents. Elle n’avait jamais fait le lien entre ce qu’elle subissait et les images de femmes battues dans les campagnes de sensibilisation ou les séries télévisées. Son histoire mérite qu’on s’y arrête.
À l’âge de 15 ans, elle se met en couple avec un garçon qu’elle aime depuis la 4ème. Petit à petit, il impose un contrôle de tous les aspects de sa vie, ne supportant pas qu’elle passe du temps avec d’autres personnes, notamment à l’internat. Elle doit lui téléphoner pendant des heures le soir, il a accès à ses réseaux sociaux et veut qu’elle mange avec lui tous les midis au lycée.
Il commence alors à la dénigrer, critiquant son apparence physique et son épilation. Les violences verbales se transforment en violences physiques, il la pousse et la pince, jusqu’à ce qu’un jour, en vacances avec ses parents, il lui jette sa chaussure au visage, lui laissant un gros bleu sous l’œil. Elle se sent obligée de mentir et de trouver des excuses pour justifier ses blessures.
Il exige également des relations sexuelles, même lorsqu’elle n’en a pas envie. Il la punit si elle refuse. Elle continue à être première de sa classe et à cacher sa situation à son entourage, ne supportant pas l’idée que les gens le voient comme une mauvaise personne.
Pendant ces trois années de relation, elle se persuade qu’il va changer. Elle découvrira qu’il la trompe et décidera alors de mettre fin à leur relation en 2018. Elle a eu beaucoup de culpabilité, car il lui disait constamment que c’était sa faute. Elle ne savait pas qu’on pouvait subir des violences à l’adolescence, parce qu’on présente souvent les amours d’ados comme des histoires légères.
Il lui a fallu quelques années pour regagner confiance en elle. Elle garde encore des séquelles dans sa vie sexuelle, suivant une thérapie. Parler a été un moyen de se reconstruire et elle anime aujourd’hui un compte Instagram « Ovaires the rainbow », où elle aborde le sujet des violences conjugales entre jeunes.
Quand on parle de violences conjugales, on ne pense pas à ce type de situation. On imagine plutôt que les victimes sont des mères de famille avec de jeunes enfants. On ne pense jamais ou rarement aux très jeunes couples dont certains, à peine sortis de l’adolescence, vivent une première expérience amoureuse. Or les violences peuvent aussi débuter avec un premier « amour » qui crée de la dépendance et de la soumission. Ces jeunes couples consultent peu et ne rencontrent pas les services sociaux.
commentonsaime.fr
Il existe maintenant depuis plusieurs années un site internet doublé d’un tchat qui permet aux jeunes femmes d’échanger en direct avec un(e) professionnel(le) de l’écoute. Ce service financé par plusieurs fondations assez connues . Il a étendu son activité 7 jours sur 7 afin d’être en capacité de mieux répondre aux sollicitations des jeunes internautes qui peuvent trouver là des premières réponses à leurs questions.
Ce site est plutôt bien fait. Avec des rubriques claires, attractives et non culpabilisantes, il vise à informer et à permettre un premier contact anonymisé. Dès sa première page, histoire de rassurer, il est indiqué que « Le site est fait par les jeunes et pour les jeunes, et bien sûr, il est fait pour toi 🙂 »
commentonsaime.fr explique ce qu’est une relation amoureuse « saine » (je ne suis pas fan de ce terme) du couple, de la sexualité, mais aussi de la place de la famille et des idées reçues qui ont la vie dure. Je vous invite à le visiter, car les articles peuvent aussi vous inspirer pour engager un dialogue sur ces sujets souvent difficiles à aborder.
Il propose un « violentomètre » que vous pouvez découvrir ici : n’hésitez pas à l’utiliser en cas de doute. Vous pouvez l’afficher ici et l’imprimer au format A4
On y trouve aussi sur le site des quizz, de rapides questionnaires qui permettent de « tester sa relation ». Cela permet de savoir où la jeune en est et apporte des précisions sur ce qui est normal de ce qui relève de la maltraitance.
Le site est administré par « En avant toute(s) », une association qui lutte pour l’égalité femmes-hommes et la fin des violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQI+. Elle travaille pour sensibiliser et enfin changer les comportements sexistes quelle que soit la relation amoureuse engagée. L’association anime le Tchat de commentonsaime.fr. Il est désormais ouvert tous les jours avec des horaires étendus.
Voilà un outil à proposer dans les services sociaux aux jeunes qui ont du mal à aborder ces problèmes sans qu’ils aient l’impression d’être jugé(e). N’hésitez pas à l’utiliser et à le faire connaitre.