Est ce la fin d’une controverse autour d’une application pour aider les SDF ? Entourage, un réseau collaboratif au service des personnes sans-abris a récemment répondu à un article de rue 89 en rappelant le cadre éthique de son projet. Elle précise que contrairement à ce qui a pu être indiqué l’application ne permettra pas à un utilisateur grand-public de géolocaliser et publier ou visualiser des cartes de personnes sans-abri ni de créer des fiches ou stocker des informations sur ces personnes. De son coté l’association « les enfants du canal » perçoit plutôt mal cette application baptisée « homeless plus »
Cet échange nous montre comment les outils numériques peuvent être utilisés et qu’il est nécessaire à minima qu’un cadre éthique de leur utilisation soit défini et surtout respecté.
Cet exemple, aujourd’hui avec le réseau Entourage, et sans doute demain avec d’autres applications, nous montre que la solidarité s’exprime désormais à travers les outils de l’Internet. Il y a le partage d’informations entre professionnels sur leurs pratiques, les forums de discussion ou encore les sites de pétition pour dénoncer des faits relevant d’injustices sociales. Il y aura demain des applications collaboratives qui permettront à toute personne qui désire s’investir d’entrer en contact avec des « exclu(e)s » selon des caractéristiques préalablement définies.
Est ce cela l’ubérisation de l’intervention sociale ? L’ubérisation est rappelons-le issue du nom de l’entreprise Uber. « C’est un phénomène récent dans le champ de l’économie qui consiste à l’utiliser des services permettant à des professionnels et à des clients de se mettre en contact direct, de manière quasi-instantanée, grâce à l’utilisation des technologies de la communication. La mutualisation de la gestion administrative et des infrastructures lourdes permet notamment de réduire les coûts de revient de ce type de service ainsi que les poids des formalités pour les usagers. Les moyens technologiques permettant l’« uberisation » sont liés à la généralisation du haut débit, de l’internet mobile, des smartphones et de la géolocalisation. L’uberisation s’inscrit de manière plus large dans le cadre de l‘économie collaborative« .
Cela me conduit à penser que c’est bien l’intervention sociale qui est concernée par cette « uberisation » et non le travail social. Qui dit intervention ne précise pas qui la conduit. Du particulier au professionnel, toute personne peut être amenée à intervenir. Ce qui est observé n’est pas le processus mais l’acte posé et (on peut l’espérer) sa finalité.
Cela n’est pas du même registre que le travail social. Le travail social s’entend pour ma part comme un travail organisé et pensé selon des standards professionnels certifiés. Que la personne soit salariée ou bénévole, elle fait appel à des pratiques s’appuyant sur la connaissance issue de disciplines qui sont enseignées et validées. Un processus de validation de ces savoirs acquis et des pratiques reste nécessaire.
Une forme d’ubérisation pourra peut être exister au sein de la communauté des travailleurs sociaux mais elle ne relèvera pas alors du processus tel qu’il s’engage dans les autres champs de l’économie où sont mis en concurrence des personnes formées et d’autres qui ne le sont pas. Cela pourrait faire illusion dans un premier temps mais à mon sens , cela ne peut pas tenir dans la durée. Le travail social nécessite de la constance, une réflexion permanente sur les actes posés et sur ce qui se joue dans la relation de la personne à son environnement. Comment « ubériser » un tel processus ? Je vous souhaite bien du courage si vous voulez tenter de le faire…
Cela me conduit à vous transmettre cette conclusion un peu triste d’un article intéressant sur le sujet intitulé » L’ubérisation, une nouvelle mythologie française« . Voici ce qu’en écrit Marc Arthur Gauthey
« Uber ne provoque pas l’éclatement d’un modèle social. Il l’illustre peut-être, catalyse des colères et des frustrations rendues voyantes par le pouvoir de nuisance des taxis. Mais malgré ses milliards de valorisation, Uber n’est qu’une légère brise à l’échelle de la tempète qui vient. D’un coté, les plateformes créent quelques emplois ultra-qualifiés, d’un autre, elles en détruisent massivement en prenant des parts de marché à des concurrents embourbés dans l’immobilité et l’attentisme.
Il y a fort à parier que demain, nous inspirant peut-être du monde de la culture qu’on a regardé se défaire sans compassion, nous serons tous plus ou moins des intermittents du travail. Nous cumulerons ici et là des heures pour remplir nos quotas… qui nous donneront droit, sait-on jamais, à des allocations, une assurance-maladie et un RSA d’un nouveau genre. Voilà ce sur quoi il est urgent de se pencher. Car soyez-en sûrs, on ne peut pas avoir Uber et l’argent d’Uber ».
Photo issue du site oui-share magazine. « itinéraire pour une société collaborative »
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