Même si le terme peut paraitre désuet, la polyvalence de secteur est une mission de service public qui reste portée par du sens et des valeurs. Les assistantes sociales qui y travaillent restent très attachées aux spécificités qui caractérisent ce mode d’intervention. Rappelons en 2 mots que « l‘assistant social polyvalent de secteur » est à disposition de toute la population pour tous types de difficultés sur un secteur géographique donné (commune, quartier…). Il est généralement rattaché à une circonscription d’action médico-sociale qui peut porter un nom différent selon les départements : centre médico-social (cms), unité territoriale, maison départementale de la solidarité et de l’insertion, certains parlent même « d’agence ». L’assistant social de secteur exerce au sein d’une équipe avec des secrétaires, des puéricultrices, des médecins de PMI et parfois des conseillères en éducation sociale et familiale ou encore des éducateurs. Ces équipes sont présentes dans les quartiers ou, grâce à des permanences décentralisées, dans des zones rurales. C’est souvent là que les personnes viennent se renseigner sur leurs droits ou encore faire part de difficultés sociales ou familiales.
Mais cette organisation évolue et pas toujours dans le bon sens. Ainsi l’informatisation des CMS et aussi les missions de dépistages des maltraitances à enfants ont provoqué dans certains Départements une défiance d’une part non négligeable de la population envers des professionnels qui sont pourtant là pour apporter de l’aide et des conseils tout en permettant l’accès aux droits sociaux.
Il y a quelque années j’avais mis en place et recueilli avec une collègue des questionnaires et des réactions des professionnelles issues de la polyvalence de secteur Ces assistantes sociales laissaient apparaître leur grand attachement à cette façon de travailler. En voici les caractéristiques. Ce mode d’intervention s’appuie sur :
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un accueil tout public quel que soit son statut, (âge situation sociale, revenus…)
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une évaluation globale et un diagnostic social construit avec la personne et centré initialement sur sa demande
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un plan d’aide contractualisé et sa mise en œuvre à travers un accompagnement de service social.
- Tous les sujets peuvent être abordés : ce qui aujourd’hui est assez unique au regard des fiches de postes dans nos institutions
Ce mode d’action de type généraliste est non spécialisé. Cette approche est différente de l’intervention spécialisée qui centre le professionnel soit sur un secteur d’activité (ex. : assistants sociaux d’entreprise, scolaire, hôpital…) soit sur une problématique spécifique ou une mission (ex. : assistants sociaux en centre d’alcoologie,)
Ce mode d’intervention s’inscrit dans la durée. Il n’est pas ponctuel, ni sectoriel. Mais il peut toutefois se traduire par des interventions ponctuelles dans le cadre de demandes simples permettant par exemple l’accès à un droit.
Une distinction existe entre assistants sociaux qui travaillent en secteur rural et ceux qui interviennent en secteur urbain. Ceux des zones urbaines estiment majoritairement que face à la demande, ils n’ont pas les moyens de développer une méthodologie généraliste. Ils utiliseraient alors de façon importante les dispositifs, ce qui provoquerait une usure professionnelle. Celles qui interviennent en zones rurales seraient plus centrés sur le cœur de métier de la polyvalence. Certaines collègues exprimaient même une certaine satisfaction d’avoir pu venir travailler en zone rurale après avoir connu pendant plusieurs années un secteur urbain. Je me rappelle cette réflexion d’un assistant social « converti » au travail en zone rurale après avoir travaillé en banlieue : « je ne fais pas le même métier » avait il précisé.
Les assistants sociaux dans leur majorité revendiquent l’importance de garder une fonction généraliste de leurs interventions car, disent-ils, celles-ci ont fait leurs preuves et on ne peut aider une personne en la « découpant en tranches » (emploi, logement, gestion de budget etc.…)
Cette fonction généraliste doit être étayée par l’intervention de spécialistes. Aujourd’hui le désengagement de certaines institution est particulièrement mal accepté. La diversité des demandes et la complexité de certains dossiers inquiètent les professionnels. Ils résument cette inquiétude en disant qu’on ne peut être à la fois généraliste et spécialiste dans tous les champs du travail social (insertion sociale et professionnelle, protection de l’enfance, protection des adultes vulnérables, gestion des budgets, tutelles, accès et maintien dans le logement, prise en compte des difficultés de santé et du handicap, etc.)
Enfin évidemment, lorsque un travailleur social s’adresse à tout public et traite de tous les sujets sociaux de la personne, il est vite débordé par la demande ! C’est logique et indiscutable d’autant plus que cet accueil et cette écoute sont gratuits car relevant du service public.
En résumé, les assistantes sociales de secteur
– marquent un fort intérêt sur leur devenir professionnel et l’organisation du travail. Elles ne sont pas démotivés mais inquiètes face aux transferts de compétences qui impactent directement leurs postes de travail ;
– manquent de reconnaissance et leurs actions sont peu valorisées malgré des charges de travail et des demandes très importantes ;
– sont conscientes de la nécessité de faire évoluer les organisations du travail en prenant en compte les éléments de contexte et les évolutions de la société ;
– sont en capacité de se mobiliser en apportant leurs analyses, en élaborant des hypothèses et en les vérifiant.
A ce titre il est intéressant de pouvoir s’appuyer sur leurs connaissances issues du terrain notamment sur l’opérationnalité des décisions prises par les élus et les administrations. Il reste nécessaire de les associer de façon significative à l’élaboration de diagnostics territoriaux car leurs connaissances sont importantes et elles sont en lien direct avec la population la plus fragile même si elles touchent moins que par le passé la grande exclusion.
Bref : Vive la polyvalence ! quelques liens utiles pour aller plus loin
- Etre Assistant de service social en polyvalence de secteur, aujourd’hui : spécificités et difficultés[*]
- La présence sociale en polyvalence de secteur
- Le travail social de secteur à l’épreuve des logiques managériales une étude du sociologue Nicolas Amadio sur la polyvalence de secteur
Note : j’avais publié cet article en septembre 2016. Il me parait intéressant de vous le soumettre à nouveau avant la rentrée
2 réponses
Merci pour cet article. Merci de nous éclairer à travers cet article sur le travail fondamentale de l’assistant social en polyvalence se secteur et ses difficultés.
Pour ce qui est du travail en secteur urbain et de celui en secteur rurale, j’avoue que le travail social en zone rurale est plus riche au plan professionnel et pour moi très passionnant en tant que Assistant Social.
Bonjour Didier Dubasque, merci pour cet article ! Il est vrai que la pluridisciplinarité doit être au coeur de la polyvalence. Ce qui, dans la réalité, est sans doute pas totalement avéré. Historiquement le service social polyvalent devait être le coordonnateur , le « référent social » sur un territoire , pour rendre cohérente et efficace l’action collective de tous les acteurs locaux autour du projet (de la personne aidée). J’ai l’impression, en tous cas là où je suis, dans une (très) grande ville, qu’on n’en est loin. Cette dynamique n’est d’ailleurs pas portée par le politique, ignorant sans doute où « devrait » être positionné (parfois il en ignore les missions !) un service social polyvalent dans les politiques sociales !
Description du quotidien d’un AS de polyvalence (et surtout des personnes aidées !=) ici => https://assistantsocialencolere.com/2016/08/31/dans-la-permanence-dun-assistant-social/