ESAT : « Le handicap est devenu un marché » : Protestations de l’ANDICAT / Un « point aveugle » du livre vert du travail social

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Thibaut Petit sur les ESAT : « Le handicap est devenu un marché »

En France, 120.000 personnes handicapées travaillent en établissements et services d’aide par le travail (ESAT). Ils et elles « coupent des haies, collent des étiquettes, reconditionnent des box Internet, emballent des produits de marque, préparent des repas, fabriquent des palettes… C’est ce que nous explique Etienne Brichet sur le site au titre évocateur de « Welcome to the Jungle »

Le journaliste a interrogé Thibault Petit qui fait part dans une enquête des dysfonctionnements dans le discours et les actes des ESAT. Son livre intitulé Handicap à vendre (Ed. Les Arènes) est le résultat de son travail d’investigation.

Certains ESAT sont « des lieux de production où il y a des impératifs de productivité et parfois de rentabilité, et où le code du travail ne s’applique pas. « Certaines activités sont très basiques, mais sont tout de même harassantes et peuvent occasionner des problèmes de santé. Ça s’approche du film « Les Temps modernes » (1936) de Charlie Chaplin. Aujourd’hui, explique l’auteur, « ce genre d’activités existe encore, mais elles ne sont pas assez rentables donc les ESAT essayent de s’en débarrasser ».

« Dans les ESAT, on fait comme dans les entreprises. De plus en plus de personnes qui intègrent les ESAT aujourd’hui viennent du “milieu ordinaire” parce que ce milieu peut être violent, stressant et peut créer, voire réactiver du handicap. On a des personnes qui font du burn out, des dépressions, et ça crée du handicap. Mais dans le milieu dit “protégé”, il arrive qu’on reproduise ce schéma ». (lire ce long interview de « Welcome to the jungle »).

La réaction de l’ANDICAT : Un titre accrocheur, au parfum de dénonciation d’un scandale

L’Association Nationale des Directeurs et cadres d’ESAT ne décolère pas après la publication de ce livre qu’il considère comme un pamphlet, uniquement à charge contre ces établissements.  L’auteur de « Handicap à vendre », écrit le président de l’association Didier Rambeaux, « a visité en 6 ans trois ESAT, rencontré huit Directeurs, une MDPH et une association de défense des usagers et quelques professionnels ! C’est dire ô combien cet (énorme) échantillon est représentatif des 1 450 ESAT français, des 120.000 ouvriers qui y travaillent et de leurs 30 000 encadrants ! »

Il dénonce des « contre-vérités, de fausses informations, de généralisations intentionnées, visant à manipuler le lecteur et à influencer son opinion, l’auteur déverse sa « bile culpabilisatrice » en dénonçant les mauvais traitements et le mépris que subissent, sous-entendu partout dans l’hexagone, les travailleurs des ESAT ».

Didier Rambeaux invite l’auteur, « afin qu’il sorte de son ignorance, et tous ceux qui veulent mieux appréhender le milieu protégé à lire ou relire le rapport de l’IGAS-IGF sur les ESAT. Ce rapport commandé par quatre Ministres et paru en octobre 2019. Fruit d’un véritable travail d’investigation, il rappelle l’incontournable contribution des ESAT à l’inclusion socio-professionnelle de publics fragiles et érige l’ESAT en « bouclier social », en étant des espaces de resocialisation de publics en voie de désaffiliation sociale.

Qui croire au final ? Pour ma part, je ne maitrise pas suffisamment le sujet pour pouvoir me prononcer. Votre opinion et réaction sont les bienvenues. N’hésitez pas à les publier dans les commentaires en bas de cette page. (lire le communiqué de l’ANDICAT) (lire le rapport 2019 IGAS-IGF sur les ESAT)

 


Tribune « La société ne peut être le témoin impuissant de la dégradation de la justice des enfants et de la protection de l’enfance »

250 professionnels, élus, militants associatifs et représentants syndicaux ont signé une tribune publiée par France Info. Ils appellent les candidats à l’élection présidentielle à réformer la protection de l’enfance et la justice pénale des mineurs, face à une situation considérée comme « alarmante ».

Les signataires dénoncent un « manque criant de moyens » investis dans ce secteur. Ils dénoncent aussi une évolution législative qui a donné « la primauté au répressif sur l’éducatif » et a transféré des responsabilités aux départements qu’ils n’ont pas la possibilité financière d’assumer. « Les enfants et les adolescents sont ainsi exposés à une prise en charge inégale selon les territoires ».

Le Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021, apparaît guidé par des logiques gestionnaires et comptables. Il conduit à l’accélération des procédures judiciaires au détriment du temps éducatif pourtant indispensable dans l’aide à la construction des enfants et des adolescents… (lire la tribune sur le site de France Info)

 


Un « point aveugle » du livre vert du travail social : la situation des formateurs chercheurs

Le Média Social a récemment publié une tribune de Manuel Boucher, professeur des universités en sociologie à l’Université de Perpignan et président de l’Association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales (Acofis). Il pointe certaines limites du livre vert sur le travail social. Ce livre vert constitue un véritable vade-mecum du travail social définissant les mots, concepts, processus et cadres idéologiques attendus de la part des «dirigeants du social» écrit-il.

Il regrette toutefois la mise à l’écart des formateurs-chercheurs. « Il est pour le moins paradoxal que les rédacteurs du livre vert n’aient pas jugé utile d’auditer les formateurs concernés » hormis les personnalités qui « trustent »depuis des décennies toutes les places au sein des organismes, groupes de travail, conseils et chaires du travail social placés directement ou indirectement sous la responsabilité du ministère des Solidarités.

Il rappelle que les centres de formation sont confrontés à la logique concurrentielle. Il existe une relation asymétrique entre écoles et universités. Manuel Boucher rappelle aussi ce qui permettrait de réussir l’intégration de la dimension universitaire de la recherche en travail social et qui n’est pas abordé :

  • le maintien de diplômes d’État du travail social inscrits dans le système LMD ;
  • un renforcement de la qualification des formateurs en travail social, dont une partie d’entre eux (en particulier ceux participant aux formations de niveau licence et master) doit s’inscrire dans un processus de formation doctorale en sciences humaines et sociales ;
  • l’institutionnalisation d’un statut de formateur-chercheur dans les établissements de formation, reconnu par l’État et les conventions collectives ;
  • la constitution ou la consolidation d’espaces de travail collaboratifs d’un point de vue pédagogique et de recherche entre enseignants-chercheurs universitaires et formateurs des établissements de formation du travail social (EFTS) ;
  • la légitimation des Établissements de Formation au Travail Social comme producteurs de savoirs scientifiques et praxéologiques, grâce à l’octroi de moyens dédiés à la recherche afin que ces établissements de formation contribuent à l’amélioration de la formation des étudiants en travail social.

 

(lire la tribune de Manuel Boucher publiée par le Média Social)

 


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Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser.

Photo : Couverture du livre de Thibault Petit Handicap à vendre (Ed. Les Arènes) 

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Une réponse

  1. ESAT: j’ai travaillé en tant que Consultant extérieur pendant un an pour un ESAT du département où j’habite. Le sujet était: « Les Valeurs de l’ESAT ». J’ai constaté un engagement remarquable, et des valeurs magnifiques portées par tous les encadrants, et pas seulement, les personnels administratifs participaient aussi à nos travaux, ainsi que la Psychologue.
    C’est une expérience unique, et donc très limitée, qui ne me permet pas de généraliser.
    Elle a compté dans mon expérience de formateur et d’animateur de séances d’analyse des pratiques, j’y repense souvent, notamment quand je me souviens de ce « nous », constamment employé, et dont je me demandais au début qui il pouvait bien désigner. Jusqu’à ce que je comprenne que « nous » c’est tous les travailleurs de l’ESAT, ensembles, personnes handicapées, secrétaires, comptables, moniteurs d’ateliers. sans distinction.

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