Un collègue, assistant social, directeur d’une unité de service social départemental était poursuivi en justice pour avoir voulu respecter et opposer le secret professionnel en refusant de transmettre une information à un officier de police judiciaire. Il a été jugé et condamné hier. Cette affaire nous montre que l’on peut avoir juridiquement tort en tentant de respecter sa déontologie ou du moins son éthique professionnelle.
Cette situation nous rappelle que la loi s’impose à tous même si nous n’en n’avons pas la même lecture. Le juge applique strictement le Droit et n’a pas à se pencher sur les questions éthiques. Il peut toutefois apprécier la situation en modulant la peine faisant suite à la condamnation. C’est ce qu’il a fait d’ailleurs en condamnant notre collègue à 300 euros d’amende avec sursis sans inscription au casier judiciaire. Une peine qui sonne comme un avertissement.
Ce procès pose aussi la question du niveau de partage d’information et ce qu’il implique. En effet notre collègue, directeur d’un Centre Départemental d’Action Sociale (CDAS) en Ile et Vilaine n’est pas en « première ligne ». Ce n’est pas lui qui rencontrait directement l’usager concerné. L’information demandée est considérée comme « administrative ». Il lui était demandé de transmettre l’adresse d’une personne poursuivie pour un délit routier. Une affaire somme toute « modeste » mais importante sur le principe pour les travailleurs sociaux.
En effet elle rappelle que tout officier de police judiciaire est autorisé à venir recueillir des informations auprès des dossiers des travailleurs sociaux dans le cadre d’enquêtes préliminaires et de flagrance. Les professionnels ont bien obligation de répondre à des réquisitions en se présentant à la convocation.
Comme pour tout citoyen, pendant toute la durée de la procédure, notre collègue aura été traité comme un délinquant potentiel. Fort heureusement son administration et ses collègues l’ont soutenu tout au long de son parcours judiciaire somme toute assez pénible.
Il est probable qu’à l’issue de ce procès une rencontre entre le parquet et le service social du Département soit prévue, pour échanger sur les modes de collaboration entre institutions afin que tout en respectant le Droit, cette malheureuse affaire ne se renouvelle pas. Pour autant la question de fond reste posée. Des usagers « en délicatesse » avec la justice et la police continueront-ils de faire des demandes à un service social dès lors qu’ils sauront que par leur passage les informations qu’ils déposent sont facilement accessibles à la justice et à la police ? qu’en sera-t-il du travail de prévention avec personnes délinquantes ?
Rappelons la conclusion d’un avis de l’ANAS sur ce sujet intitulé « Comment concilier témoignage et obligation de secret professionnel ? »
« La connaissance de la procédure et de ce qu’est le secret professionnel constitue un élément essentiel pour chaque professionnel, lequel reste responsable de ses actes et de ses propos. La situation d’audition peut se révéler une expérience humainement éprouvante. Il n’est pas rare qu’une forte pression psychologique soit exercée sur le professionnel. …/…
L’amélioration des relations des services sociaux avec la justice ou la police passe par une connaissance réciproque du travail des uns et des autres qui rétablirait la confiance. Afin de préserver les droits des usagers, les professionnels doivent être préparés par une formation permanente compte tenu de l’évolution incessante du droit. La volonté de punir ne devrait pas transformer les services sociaux en officines des renseignements pour la police. Car, cela serait tout à fait dommageable et contre productif pour l’Etat. Ce seul soupçon de travailler pour la police ferait perdre aux travailleurs sociaux la confiance des usagers. Or, sans relation de confiance, point de travail social.«
Enfin, je ne peux que vous conseiller de consulter le site secretpro.fr animé par Laurent Puech et ses collègues qui est à mon avis l’outil de référence en terme d’analyse et d’aide au positionnement sur la question de la promotion et de la défense du secret professionnel.