Revue de presse | ASE : la grande souffrance / Les 20 ans du doctorat travail social du CNAM / « citoyens ordinaires, colères profondes »

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Bonjour et bienvenue à cette revue de presse qui vous emmène au cœur des réalités les plus humaines du travail social — celles qu’on n’entend pas assez, mais qui méritent d’être écoutées. Derrière les chiffres et les rapports, ce sont des voix : celles d’éducatrices agressées mais toujours debout, de travailleurs usés par des années d’engagement sans reconnaissance, de citoyens qui disent « ça suffit » face à des politiques aveugles. Vous y découvrirez aussi des lueurs d’espoir : des chercheurs qui renforcent nos métiers, des initiatives solidaires qui voient le jour, des projets portés par celles et ceux qui refusent d’abandonner. C’est une plongée sincère et nécessaire dans un monde qui tient debout malgré tout. Sans oublier les multiples liens susceptibles de vous intéresser.  Bonne lecture !

 


«On fait face à des arrêts tous les jours»: la grande souffrance des travailleurs de l’aide sociale à l’enfance

Cet article signé Marius Sort sur Slate.fr nous parle des difficultés majeures que rencontrent les professionnels de la protection de l’enfance. Avec de nombreux exemples tel celui de Mélanie, éducatrice spécialisée en Ille-et-Vilaine. Elle raconte une agression violente subie de la part d’une adolescente en crise : menaces, jets de verre, coups, tirage de cheveux — cinq minutes de chaos qui lui valent deux semaines d’arrêt, dont une pour soigner un traumatisme psychique. Ce n’est pas un cas isolé. Son témoignage, comme celui d’autres éducateurs, d’assistants familiaux ou de responsables, dessine un paysage professionnel marqué par la répétition des violences physiques et psychologiques, dans un contexte de sous-effectifs, de pression constante et de moyens insuffisants.

Émeline Thiessart, une autre éducatrice, se souvient d’une soirée où, après avoir été frappée par des enfants en « surcharge émotionnelle », elle s’est rendu compte qu’elle pleurait sans s’en apercevoir. C’est une jeune fille, terrifiée par les cris, qui lui a demandé si elle allait bien. Ce moment, parmi tant d’autres, l’a profondément marquée, au point de quitter son poste. Elle n’est pas seule : sur les réseaux sociaux, des professionnels du secteur expriment leur désarroi, leur épuisement, leur envie de fuir un métier pourtant choisi par engagement. Maël Virat, chercheur en psychologie à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse, confirme : le secteur de la protection de l’enfance est celui où l’épuisement professionnel est le plus élevé parmi les métiers sociaux.

Les chiffres sont frappants. Selon une étude menée par Maël Virat et ses collègues, entre 20 % et 30 % des professionnels de l’ASE en France présenteraient un trouble de stress post-traumatique — un taux comparable à celui des militaires ayant connu le front. Ce fléau s’explique non seulement par les violences subies, mais aussi par une détresse morale profonde : l’impuissance face à des situations où l’on ne peut pas protéger comme on le voudrait.

Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l’enfance, souligne cette exposition accrue au risque psychique. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire de 2025 ne dit pas autre chose : le secteur est en souffrance, avec 21 millions de journées d’absence recensées, symptôme d’un malaise profond.

Stéphane Rullac, professeur en innovation sociale à la Haute École de Travail Social et de la Santé de Lausanne et ancien éducateur, voit dans ces récits la preuve que le métier n’est plus attractif : mal rémunéré, mal accompagné, exposé à une charge émotionnelle écrasante. Pourtant, ceux qui parlent gardent en eux une conviction forte — celle d’avoir voulu servir, aider, protéger. Leur combat aujourd’hui n’est plus seulement pour les enfants, mais aussi pour eux-mêmes : être entendus, formés, soutenus. Leur voix, relayée par des rapports officiels, appelle à une prise de conscience collective. (lire l’article de Slate.fr)

 


Les 20 ans des doctorats sociologie travail social et sciences de l’Éducation travail social

Un colloque international va réunir chercheurs et professionnels les 29 et 30 septembre prochain à l’occasion des 20 ans des doctorats en sociologie, travail social et sciences de l’éducation au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Cet événement célèbre une aventure académique pionnière dans notre pays. Elle est née de la volonté de rapprocher recherche universitaire et savoirs professionnels du travail social. Depuis la création de la chaire de Travail social en 2001, portée par Brigitte Bouquet, le Cnam a progressivement construit une filière complète, allant de la licence professionnelle au doctorat, en passant par des masters de recherche et professionnels. Ce parcours est unique en son genre.

Le développement de cette filière a été marqué par plusieurs étapes, notamment l’élargissement de la chaire à l’intervention sociale en 2009 et la mise en place de cursus doubles, combinant diplôme professionnel et master. Ces formations ont permis de renforcer les compétences des étudiants en méthodologie, analyse des politiques publiques et réflexion sur les pratiques.  Un appel de l’AERES en 2010 en faveur de « doctorats professionnels » avait donné un nouvel élan à la démarche, tandis qu’une conférence de consensus en 2012 avait abouti à un accord international sur la nécessité de former des doctorants dans ce champ. Deux voies se sont alors dessinées : un doctorat professionnel ou une spécialité travail social rattachée à des disciplines reconnues comme la sociologie ou les sciences de l’éducation.

Malgré son originalité et ses succès, ce modèle n’a pas été suffisamment repris par les universités françaises. le Cnam peine à aller plus loin faute de soutien institutionnel fort. Pourtant, la légitimité de la filière s’est affirmée au fil des années. Elle est portée par des équipes de recherche, des publications et des collaborations internationales. Ce colloque de 2025 offre l’occasion de dresser un bilan, d’interroger les perspectives du travail social comme discipline universitaire et de penser sa place dans l’enseignement supérieur à l’échelle mondiale. Il réunit une quarantaine d’intervenants venus de nombreux pays, signe que cette expérience française suscite désormais un intérêt bien au-delà des frontières. (télécharger ici la présentation et le programme du colloque). Les intervenants auront à répondre aux questions suivantes : Aujourd’hui, ces deux spécialités doctorales ont 20 ans, où en est la filière sciences humaines et sociales travail social ? Où en est la discipline ? (lire l’article sur le site du CNAM)

 


Parole de citoyens à l’occasion de la journée du 10 septembre dernier

Le magazine Objectif Gard a publié un article intitulé « Bloquons tout : citoyens ordinaires, mais colères profondes ». On retrouve dans cet article une série de témoignages de travailleurs sociaux et de personnes pour qui le social est important. Voici leurs témoignages, ils sont éclairants :

  • Thierry Coudin, co-secrétaire Sud dans le médico-social : «  Cette mobilisation de la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées) a pour but de rappeler au Conseil départemental qu’il est aussi maître de nos destins… Aujourd’hui, on n’entend parler que de restrictions budgétaires et plus des personnes dont nous nous occupons. Les conditions de travail se dégradent, les taux d’absentéisme dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux sont énormes. J’ai 62 ans, je suis éducateur spécialisé dans le conseil juridique et le droit social. En fin de carrière, je suis payé 2.400€ tout compris ! Mon métier, je l’ai fait par engagement… »
  • Stéphane Vervacke, membre du « Collectif travail social Gard » : « Nous voulons que l’argent aille dans la solidarité. Le 10 septembre : une date de résistance, d’espoir et de combat. »
  • Ouafae Verrecchia, éducatrice spécialisée à Nîmes : «  J’ai 47 ans et je suis mère de trois enfants de 16, 11 et 3 ans. Si je suis mobilisée aujourd’hui, c’est parce que je m’inquiète pour leur avenir. Je m’occupe de personnes en situation de handicap et je vois bien que les moyens, insuffisants, ont un impact sur la dignité de la personne. Le management nouvellement proposé, avec la fusion de certains services, est déconnecté des réalités. Il faut remettre l’intérêt des personnes au centre des politiques publiques. »
  • Miette (prénom d’emprunt), qui réside « à côté de Ganges », présente sur la mobilisation au Vigan : « La politique sociale n’est pas à la hauteur des besoins. Les inégalités sont toujours plus fortes, la redistribution marche de moins en moins. Et l’appareil démocratique est foutu, à cause de la Macronie. Comment réécrire des outils constitutionnels qui répondent aux besoins sociaux ? La bourgeoisie de pouvoir fait sécession et se déconnecte volontairement. On n’a pas envie d’impacter les personnes qui n’ont pas le choix, on ne veut pas les empêcher d’aller au boulot ou de consommer s’ils n’ont pas d’autre choix. Mais on a la volonté d’agir. »
  • Un travailleur social anonyme de Molières-Cavaillac : « Q’un pays comme la France ait une dette d’État dont on nous explique qu’on est responsable, je ne peux plus l’entendre. J’ai toujours payé mes impôts, payé mes taxes. J’ai un bon salaire mais à quatre, on n’a plus rien à la fin du mois. L’effort n’est pas partagé : ça fait vingt ans qu’ils font casquer le peuple. »
  • Nathalie, en pension d’invalidité, sur le rond-point du Vigan : « C’est presque la première fois que je me mobilise, même si j’ai déjà défilé individuellement. Ça ne me va pas que le côté social soit méprisé, qu’il y ait la volonté de casser et de détruire ce qui a mis des dizaines d’années à être mis en place. J’ai commencé à travailler à 16 ans et demi, et j’ai été mise en invalidité à 52 ans, dans la fonction publique, alors que je pouvais encore faire du travail de bureau. Je n’ai plus que la moitié de mon salaire. Tout ça, ça met les gens en détresse silencieuse. »

 

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Des lecteurs et des lectrices du blog vous recommandent…

  • « J’ai pu lire la ressource que vous mentionniez sur l’autisme  (TSA) ici. Internet peut être un « lieu » incroyable pour les personnes autistes, mais parfois aussi dangereux. Je voulais juste vous suggérer une ressource vraiment intéressante, qui pourrait aider vos lecteurs à en apprendre plus sur les risques et problèmes que les personnes autistes peuvent rencontrer en ligne. Voici comment faire de l’internet un lieu sûr pour eux.  Voici le lien https://fr.wizcase.com/blog/spectre-autistique-guide-de-securite/ Je pense sincèrement que ce pourrait être une très bonne ressource pour votre page et qu’elle aiderait beaucoup d’autres personnes. En espérant un internet sécurisé pour tous. Bien cordialement, Anastaia »

 

  • Et si on redonnait du sens au travail social ? Lionel Vuittenez, travailleur social et entrepreneur engagé, m’a contacté car il porte un projet ambitieux : Le Reso Pro Social, une plateforme pour soutenir les acteurs du social dans un contexte de pression croissante, de manque de reconnaissance et de dégradation des conditions d’intervention. Son idée ? Créer une communauté en ligne où les professionnels du social peuvent s’entraider, partager leurs besoins et découvrir des innovations concrètes pour mieux accompagner les publics vulnérables. Une initiative solidaire, au service du collectif, portée par l’association Vers le Grand Partage Planétaire (VGPP). Aujourd’hui, il a besoin de vous.👉 Si vous travaillez dans le social, n’hésitez pas à prendre 5 minutes pour répondre à ce questionnaire et fais vivre cette initiative : 👉 Répondre au formulaire – Le Reso Pro Social parce que les pratiques de travail social ont besoin d’être repensées — ensemble.

 

 

Lien graphique pour voir le cadre de CNLE (Conseil national - Lutte contre la pauvreté)Pour rappel, vous pouvez retrouver les avis du CNLE sur :
➡️Le « Projet de décret du régime rénové des droits et obligations applicables aux demandeurs d’emploi – Un régime de sanctions qui risque d’impacter durement le parcours des allocataires du RSA et d’accentuer les inégalités de traitement »👉https://solidarites.gouv.fr/avis-du-cnle-sur-le-projet-de-decret-du-regime-renove-des-droits-et-obligations-applicables-aux-demandeurs-demploi
➡️La « Loi pour le plein emploi : pour une sécurisation des droits et des ressources des allocataires du RSA – Pourquoi la loi pour le plein emploi expose à des risques d’exclusion et impose l’instauration d’un revenu plancher pour les allocataires du RSA ? » : 👉https://solidarites.gouv.fr/avis-du-cnle-sur-la-loi-pour-le-plein-emploi-pour-une-securisation-des-droits-et-des-ressources-des-allocataires-du-rsa

 


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Vous êtes allé(e) au bout de cette revue de presse ? Bravo et merci ! Merci aussi à Michelle Flandre qui m’a aidé à la réaliser.

Photo créé par wayhomestudio – fr.freepik.com

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