Didier Dubasque
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Repositionner sans cesse la personne en tant que sujet dans une logique d’écoute, de non jugement et de bienveillance….

Placer la personne au centre de l’intervention, c’est à dire lui reconnaître et respecter son droit à l’autodétermination ne veut pas dire que le travailleur social est vis à vis d’elle un allié permanent. Il n’est pas non plus le simple représentant de l’institution qui l’emploi en charge d’instruire telle ou telle demande dans le cadre d’une offre de service identifiée et réglementée. Le travailleur social intervient aux 2 niveaux à la fois. Il doit pouvoir se situer dans une bonne distance, dans une « proximité distanciée » qui le rend proche de la personne, en alliance avec elle mais en capacité également de se positionner pour l’alerter et lui faire part de son désaccord et des risques qu’elle court lorsque les actes qu’elle pose sont inadaptés tant pour elle même que pour les autres.

La personne au centre de l’action impose une pratique professionnelle centrée sur l’écoute, son non jugement et une forme de bienveillance à son égard.

  • « Écouter, c’est accueillir l’autre tel qu’il est. Derrière la banalité de cette affirmation, se cache une pratique hautement délicate et coûteuse pour celui qui l’exerce. Délicate parce qu’écouter semble la chose la plus naturelle au monde »1, or une écoute exige une expérience qui se développe par la pratique. Elle requiert une certaine maturité et un bonne connaissance de soi afin d’éviter les risques d’interprétation et de jugement.

L’importance de l’écoute est notée par les personnes elles mêmes. Les demandes de changement de travailleur social portent fréquemment sur ce point : «  il ne m’a pas écouté », « on ne se comprend pas » « elle n’a pas compris ce qui m’arrive… » les reproches des personnes mécontentes de l’intervenant portent rarement sur des aspects techniques de gestion de telle ou telle demande. Elles portent majoritairement sur un sentiment d’incompréhension lié à une communication qui ne parvient pas à s’engager.

  • Ne pas juger la personne, c’est refuser de la catégoriser avec des critères tant objectifs que subjectifs car nous connaissons les effets néfastes de toute catégorisation en travail social. « Nombreuses sont les recherches qui montrent qu’on attribue facilement aux éléments d’une catégorie des attributs considérés comme caractéristiques de cette catégorie. Cette tendance a des conséquences importantes sur nos jugements et nos comportements quotidiens. Elle peut s’avérer à l’origine de phénomènes de discrimination et de racisme »2.

C’est pourquoi le sentiment d’être jugé est également considéré par les personnes aidées comme rédhibitoire. L’absence de jugement est essentielle afin que la personne puisse être reconnue comme sujet à part entière. Celles et ceux qui font appel au service social sont généralement fragilisés. Elles peuvent se dévaloriser , douter d’elles mêmes et de leurs compétences. Demander à rencontrer une assistante sociale n’est pas anodin même si les professionnels et leurs institutions cherchent à banaliser une offre de service ouverte au plus grand nombre. Il est donc nécessaire pour le professionnel d’être conscient de cette réalité afin qu’ils puisse développer des attitudes de prévenance et de bien traitance.

  • Être bienveillant est une « attitude concrète dans les relations d’une personne avec une autre. C’est une disposition particulièrement favorable à l’égard de son interlocuteur » c’est aussi la « qualité d’une volonté qui vise le bien et le bonheur d’autrui »3. Cette attitude, à priori discutable s’accommode mal d’une relation de travail. Elle n’est pas à confondre avec une attitude paternaliste ni de domination. Un usager pourra par exemple faire lui aussi preuve de « bienveillance » envers son interlocuteur. C’est une posture éthique ( faire le bien) qui fait appel à un savoir être peu pris en compte en droit du travail bien qu’elle soit de plus en plus utilisée en management.

Cette posture peut être professionnelle.  Elle est reliée à la question du « bien-être», qu’il soit émotionnel ou psychologique, ou encore lié à l’environnement.  Elle préfigure la construction d’une relation de confiance, sans à priori. Elle ouvre la voie à l’écoute et la compréhension de la situation. Elle s’inscrit dans la logique du « care », du prendre soin4 notamment des personnes les plus fragiles.

Toutes ces postures ne sont pas simplement techniques et ne s’apprennent pas dans les manuels. Elles se pratiquent. Ce savoir être professionnel est souvent abordé lors des stages et dans les mises en situation réelles de travail.

1« L’écoute, un exercice professionnel difficile » Bruno CROZAT, in Lien Social n° 864 du 6 décembre 2007

2Observez à ce sujet les travaux de Nicole DUBOIS Professeur de psychologie sociale UFR Connaissance de l’Homme, Laboratoire de Psychologie des Universités Lorraines, Université Nancy 2. sur les effets de la catégorisation :

http://www.canal-u.tv/video/les_amphis_de_france_5/les_effets_de_la_categorisation.3078

3Définition partielle du Centre National de Recherche Textuelle et Linguistique (Créé en 2005 par le CNRS Nancy université) 

4Joan TRONTO, Un monde vulnérable, pour une politique du care , traduit de l’anglais par Hervé MAURY 2009 , La découverte + article de Fabienne BRUGERE in « la vie des idées » 8 mai 2009 

PHOTO prise le 12 mai 2013 par Gerald Streiter recadrée  Certains droits réservés

Partager

Articles liés :

0 réponse

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Catégories
Tous les sujets
Rechercher