Le risque est grand que la parole des personnes en situation de précarité, ne soit pas suffisamment prise en compte alors qu’elles subissent, à la rue ou des conditions difficiles au sein des établissements et services qui les accueillent. Elles vivent de multiples difficultés liées aux mesures de confinement. C’est pour que cette parole soit entendue que les Conseils des Personnes Accueillies /accompagnées (CNPA-CRPA) ont créé une plateforme qui permet de recueillir de multiples témoignages. En voici quelques uns…
« Je vis à la rue, pour moi le confinement n’a pas de sens »
« Pour me nourrir je dépends des vendeurs ambulants, qui sont en train de vendre les produits alimentaires dans les camions soit au magasin. je n’appelle plus le 115 car j’ai deja essayé plusieurs fois, mais sans succès. Je ne me suis pas encore fait contrôler. Mais j’ai mis sur mon attestation d’adresse : « sans abri ». Je garde des contacts avec mes amis qui sont à la rue. Ce sont eux qui m’informent. Ja e connais pas d’assistante sociale. à la question connaissez vous vos droits (RSA, AAH…° Monsieur répond : « non, et j’en ai raz le bol ».
« La CAF nous demande déjà le renouvellement de notre titre de séjour »
Mon mari, moi et nos trois enfants avons emménagé il y’a trois mois dans ce nouveau quartier de la banlieue parisienne après avoir été accompagné par une association avec qui nous avons encore quelques contacts. Seul mon fils ainé suis les enseignements à distance de sa classe, les deux autres ont un peu décroché et je ne sais pas leur faire la classe.
Nous passons plus de temps avec nos enfants ces jours et cela nous a rapproché alors qu’auparavant nos horaires de travail faisaient que nous n’avions pas beaucoup de temps à passer avec eux. Depuis le début du confinement, aucune agence d’intérim ne nous appelle pour faire des missions telle en nettoyage industriel comme nous le faisions auparavant.
Nous aimerions donner un coup de main à nos voisins mais nous ne les connaissons pas du tout et lorsqu’ils nous voient j’ai l’impression qu’ils ont un peu peur. J’espère que cette période de confinement ne durera pas trop longtemps car nous devons renouveler notre titre de séjour en juin et la CAF nous le demande déjà ».
« Avec le confinement tout le monde est emmerdé ».
Pépère a son logement mais il se considère à la rue car il est obligé de « mendier » pour manger. Il touche l’AAH mais comme il est criblé de dettes, il ne lui reste que 50 euros pour faire le mois une fois tous les prélèvements déduits. En ces temps difficiles, il dit qu’il y a une solidarité plus accrue.
il y a beaucoup de SDF dans sa ville qui ont été relogé à l’hôtel, on en voit beaucoup moins. Pépère essaie de respecter les délais d’autorisation de sortie pour faire la manche. Les policiers sont plus ou moins compréhensifs…
Mais sa guerrière Pépette a besoin de sortir plus d’une heure par jour, alors il triche un peu en remplissant plusieurs papiers… Sinon, le confinement est difficile…C’est ennuyant, on tourne en rond, on ne sait plus quoi faire et tout le monde est emmerdé.
Yohan – Sans domicile Nantais « j’ai reçu une belle amende ! Ahahahah… les C***** ! »
Yohan a une quarantaine d’années et vit à la rue depuis quelques années sur Nantes. Il est dehors dans une rue non passante sur un banc lorsque je l’appelle. Voici son récit et retour sur sa situation de confiné :
« Cela fait des années que je ne fais plus le 115, il m’apporte rien. Je dors toujours dans ma tente à Vertou [ville proche de Nantes]. Je ne demande pas beaucoup d’aide même si ce mois-ci j’ai reçu que très peu de mon RSA. Je sais pas trop pourquoi car j’ai des dettes que je rembourse au RSA, ça je sais bien; mais là j’ai que 60 € pour le mois alors je me débrouille ! Le midi je vais sur les points de collecte alimentaire de la Mairie et après je déjeune dehors sur la pelouse ou dans des parcs, table de Pique-nique… Le soir je mange ce que j’ai acheté que je réchauffe dans un des commerçants encore ouverts du Réseau Carillon ou alors via les invendus du Noctambule [commerçant du réseau Carillon] ou autres commerces…
Je suis souvent avec des copains de la rue, on déjeune ensemble, passe du bon temps. Parfois, je joue à des jeux sur mon téléphone, regarde des films ou séries via la connexion que je récupère dans une laverie ouverte.
D’ailleurs la dernière fois en sortant du Restaurant Pierre Landais [Restaurant de la Ville qui distribuait des Paniers Repas jusqu’au 8 Avril], on est allé manger nos paniers sur une table à côté du lieu tranquille à 4/5. Un véhicule de flics est passé. Il s’arrête évidement. J’avais pas d’attestation. Y’en a un qui a voulu jouer des coudes avec nous et je leur ai expliqué que j’étais dehors et que j’en avais pas besoin.
Surprise ce matin [deux semaines plus tard] au courrier du CCAS, une belle amende ! Ahahahah… les ****** ! Je vais pas la payer et la contester, ils ont rien à dire, je vis dehors moi ! Je sais pas si les autres copains en ont reçu aussi ?! Je reste informé de la situation liée au COVID via les newsletters de France Info, Presse Océan et autres médias que je reçois sur mon téléphone quand j’ai de la connexion. Je suis pas totalement déconnecté ! Je vais aussi à CAP Jeunes récupérer le Ouest France qui est plus ou moins en libre-service. Personne ne les prend alors ça me permet de lire la presse locale et de le partager aux copains quand j’ai finis… » (Propos recueillis par La Cloche Pays de la Loire)
Confinés à 6 dans un 2 pièces…
La Famille T est prise en charge par un CHRS en diffus. Le couple a 4 jeunes enfants. Monsieur continue de travailler. Il est agent de sécurité dans la grande distribution. Madame se trouve seule à gérer les enfants.
c’est très difficile pour elle de ne pas pouvoir sortir dans un jardin public avec eux.
Elle est très frustrée car elle n’est pas d’un grand secours pour ses enfants, surtout les aînés qui ont beaucoup beaucoup de devoirs. Pour plus de commodités, elle préfère récupérer les devoirs directement dans les établissements scolaires. Ses enfants , son mari, contrairement à elle maîtrise très bien le français. Elle estime que les heures qui lui ont été financé par l’Etat ne sont pas suffisantes Elle est consciente que c’est grâce à l’école et au travail que les membres de sa famille ont réussi à avoir une bonne maîtrise du français.
Elle a essayé de trouver des associations pour l’aider dans son apprentissage mais celles vers lesquels elle a été ne dépendent pas de son lieu de résidence. Elle me dit ne pas comprendre une telle organisation. Madame était était comptable dans son Pays. Depuis son arrivée en France, elle n’a pu que trouver des heures de remplacements chez des personnes âgées.
Avec le confinement, elle est H24 avec les enfants. C’est très difficile dans un petit espace. Parfois, elle m’avoue que les 2 grands vont travailler chez la voisine. ça l’aide un peu. En plus c’est une famille de la même structure qu’eux. C’est plus facile de laisser les enfants circuler d’un appartement à l’autre.
Sa famille à elle se trouve aussi réfugiée dans la même ville. Elle les appelle quotidiennement. Elle ne voit plus ses référents depuis le début du confinement. Les contacts se font par téléphone si besoin. Elle a reçu les 1ères attestations par mail et m’explique qu’ils ont eu des difficultés pour les imprimer car ils n’avaient pas d’imprimante.
Les enfants l’ont aidé pour la dernière attestation numérique. Elle espère avoir rapidement un logement car la situation est parfois invivable. les 4 enfants sont dans une chambre et le couple dans une autre.
Cela fait plus de 2 ans qu’elle attend. La famille est en règle administrativement. Le mari travaille. Mais dans la région, il est difficile de trouver un bailleur qui dispose de grands logements. Avant, c’était vivable car tous les enfants étaient à l’école ou au collège. Le mari au travail. Le weekend, les activités extrascolaires, le parc.. c’était supportable. Mais depuis le début du confinement c’est difficile. Ca commence à peser
Pour elle rester plus de 2 ans dans un CHRS, c’est trop long. C’est son problème de logement qui la met en dépendance avec le CHRS. Elle a compris comment fonctionne le « système » et pense qu’elle peut voir une Assistante sociale si elle avait besoin.
Le confinement « casse » tous les ressorts de la vie en précarité
J’ai 55 ans, mère et grand-mère, allocataire du RSA, je vis seule dans un petit logement social d’une pièce+cuisine à côté du local des poubelles. Je suis très engagée dans les associations de sa ville en aide aux plus démunis et précaires.
Financièrement, le RSA ne peut en aucun cas suffire pour avoir une vie décente. Il est donc nécessaire de se fournir des « revenus de subsistance » de multiples manières : ventes à domicile, troc, échanges de biens et services entre connaissances, etc … Toutes ces activités sont devenues impossibles. Il faut donc vivre QUE avec le RSA, ce qui est impossible une fois déduits les frais fixes.
Le confinement nécessite donc de solliciter la famille, les enfants, ce qui est humiliant et vexatoire. Simultanément, le budget alimentaire explose : hausse des prix et impossibilité de chasser la bonne affaire. Je crains de sortir de chez moi par peur d’une amende qui ferait exploser mon déjà maigre budget.
Socialement c’est la rupture des liens. Le confinement a remis en question ma principale raison de vivre : AIDER LES AUTRES, en interrompant toutes mes activités de « liens » avec les autres, que ce soit sur le plan familial (garde de mes petits-enfants, aides à mes frères à l’A.S.S. pour l’un, au chômage non indemnisé pour un autre) que sur le plan associatif (aide aux démarches des plus démunis et exclus).
Madame ne dispose pas d’un ordinateur, et son seul accès à internet se fait par un smartphone qu’elle ne maitrise pas bien. Elle échange avec ses contacts essentiellement (amis, associations, famille) par des courriers manuscrits adressés par voie postale et souffre beaucoup de la réduction de la fréquence de distribution du courrier.(témoignage recueilli parl’Archipel Des Sans Voix)
Chaque témoignage (il y en a plus de 70) est accompagné d’une série de propositions que je vous invite à découvrir sur la plate-forme. Si vous aussi vous vivez la galère et avez envie de témoigner, n’hésitez pas à témoigner en ligne sur cette plateforme. En l’utilisant vous serez assuré(e) d’être lu(e). Votre témoignage sera partagé
Bravo au réseau CNPA-CRPA et à Blandine Maisonneuve pour ce recueil de récits de confinement des personnes accueillies/accompagnées.
La photo illustrant les témoignages a été réalisée par le service de presse du Conseil Départemental du Val de Marne. (Joseph Melin) Une femme et ses deux enfants habitent dans le pavillon partagé des Tilleuls à Villeneuve-le-Roi. Ce pavillon contient plusieurs chambres et est géré par l’association d’aide d’urgence du Val-de-Marne. Certains droits réservés (licence Créative Commons)