Les travailleurs sociaux, comme tous les autres professionnels, utilisent quotidiennement les courriels dans le cadre de leurs activités. Cependant, il est important d’être vigilant lors de l’envoi d’informations relatives à une situation sociale, particulièrement lorsqu’elles touchent à la vie privée. En effet, la transmission de telles informations à de multiples destinataires pourrait être considérée comme une violation du secret professionnel, surtout si ces e-mails sont ensuite transférés à d’autres interlocuteurs.
La loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique définit ce qu’est le courrier électronique. Il s’agit de « tout message, sous forme de texte, de voix, de son ou d’image, envoyé par un réseau public de communication, stocké sur un serveur du réseau ou dans l’équipement terminal du destinataire, jusqu’à ce que ce dernier le récupère ».
Une reconnaissance juridique qui n’est pas évidente pour être recevable
Depuis 2000, la loi reconnaît la valeur juridique des e-mails. L’article 1366 du Code civil stipule que « l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».
Pour qu’un e-mail soit considéré comme une preuve recevable, deux conditions principales doivent être remplies : l’identification certaine de l’expéditeur et l’intégrité du message, c’est-à-dire l’absence de modification en cours de route. La signature électronique qualifiée, conforme au règlement eIDAS, est le moyen le plus sûr de garantir ces conditions. Cependant, son utilisation reste complexe et chronophage pour de nombreux professionnels. Au final, personne ou presque ne l’utilise.
Attention aux manipulations : la valeur d’un mail n’est pas toujours établie
En l’absence de signature électronique qualifiée, la valeur probante d’un e-mail peut varier. Entre professionnels, les e-mails sont généralement considérés comme des preuves recevables, même sans signature électronique, depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2018. Entre particuliers, la preuve est plus stricte et nécessite souvent une signature électronique certifiée. En cas de litige, c’est le juge qui décidera de la valeur probante à accorder à un e-mail non authentifié, en fonction des circonstances et des autres éléments de preuve disponibles. Bref cela reste « à son appréciation ».
Il est important de noter que les e-mails peuvent aussi être falsifiés ou modifiés. De plus, l’accès non autorisé à un compte de messagerie peut conduire à des usurpations d’identité. Bien que la plupart des logiciels de messagerie puissent détecter les e-mails falsifiés, la prudence reste de mise.
L’adresse de messagerie qui vaut signature peut être aussi détournée dès lors que votre ordinateur est accessible par d’autres personnes, particulièrement des collègues. Il vous est expliqué ici comment le faire (mais cela ne se fait pas…). Il faut toutefois savoir que les courriels falsifiés sont très facilement identifiables. La plupart des logiciels de courriers électroniques sont capables de les repérer. Enfin, ajoutons qu’il est illégal de falsifier des courriels dans la plupart des pays.
Quelles pratiques pour les travailleurs sociaux ?
Il est recommandé de privilégier la communication téléphonique pour les sujets sensibles ou importants. Il faut faire preuve de prudence avisée. Il est aussi possible d’utiliser des solutions d’archivage électronique sécurisées pour conserver les e-mails importants. Là pratique est peu courante. Il vous faut vraiment être attentif au contenu des e-mails, qui peuvent être interprétés différemment par les destinataires. Pour les documents particulièrement sensibles ou à forte valeur juridique, l’utilisation de la signature électronique qualifiée me parait pour ma part absolument nécessaire.
Concernant les SMS, c’est autre chose. Un arrêt du 10 février 2015 de la chambre commerciale de la Cour de cassation a validé la preuve rapportée par les SMS présents dans le téléphone portable d’un salarié. Cette jurisprudence s’étend au-delà du droit du travail et peut s’appliquer dans des cas de harcèlement, où l’historique et le contenu des messages peuvent servir de preuves. C’est nécessaire dans les situations qui concernent les violences conjugales et les faits de harcèlement.
Que penser de tout cela en conclusion ?
Les courriels ont acquis une valeur juridique certaine. Pour autant, leur utilisation dans un cadre professionnel, notamment par et pour les travailleurs sociaux, nécessite une vigilance particulière. Pourquoi ? Il s’agit de protéger les informations sensibles et respecter le secret professionnel. La communication synchrone, comme les appels téléphoniques, garde toute sa valeur et ne peut être remplacée par les messages électroniques, surtout pour les échanges importants qui nécessitent des ajustements en temps réel.
Voilà le fond de ma pensée. Nous utilisons trop souvent les e-mails au détriment d’une communication directe en face à face ou par téléphone. La prudence avisée nous invite à limiter nos mails dès qu’il s’agit d’aborder des situations sociales et de préférer une communication directe avec la personne concernée. Cela tombe bien, nos messageries débordent. Il est peut-être temps de revenir à ce qui se passait dans les temps anciens : prendre le temps de se parler.
Lire à ce sujet :
- Un échange de mails vaut un écrit | Dalloz Étudiant
- Le mail peut-il être une preuve juridique lors d’un litige ? | Réussir en
- La valeur juridique de l’email | Legalyspace
- La signature électronique | France Num